L'histoire n'est pas déplaisante, loin de là s'en faut, je crois qu'on peut comprendre son succès, je la qualifierais justement de trop consensuelle. Tous les éléments du récit sont utilisés pour plaire et attendrir le lecteur: cette cadre dynamique mère célibataire, l'enfant unique accidenté qui ne se réveille pas, la figure de la mère courageuse qui fait front malgré tout, le patron antipathique sexiste et grossier, l'avocat vénal uniquement intéressée par la convention d'honoraires qu'il pourra faire signer à sa cliente, et évidemment,
le coup de foudre tellement inattendu.
Le thème du roman, celui d'une mère dépassée par les événements et impuissante devant le sort de son enfant au bord de la mort, en train de dépérir lentement, est forcément évocateur et émouvant. Et il mériterait d'être franchement mieux traité qu'il ne l'a été fait par l'auteur, c'est-à-dire: par-dessus la jambe. Je suis en colère parce que je crois que par manque de talent, l'auteur a délibérément choisi la voix de la facilité et a choisi de traiter un sujet qui ne peut que bouleverser le lecteur, l'accident d'un enfant, pour fabriquer son roman. À défaut d'avoir le style et les idées, de bons mots pour fouiller et approfondir l'intrigue, les psychologies des personnages qui mériteraient d'être soigneusement décortiqués, méticuleusement et subtilement travaillées. Ce qui finalement constitue toute la richesse d'un roman. On remarquera, par exemple, que
Julien Sandrel ne se rabaisse jamais à rédiger le moindre passage descriptif de Thelma, de qui que ce soit ou quoi que ce soit par ailleurs. Aucune description, niet. À part, bien évidemment, au détour d'une phrase, la mention du « mascara hors-de-prix » qu'elle porte, ce qui apparemment relève de la tare. Malheur à vous, si vous avez pour habitude d'aller bruncher, une paire de Louboutin aux pieds, et le dernier Volume ultra-noir de Chanel sur les cils.
Non, l'auteur pond une succession de caricatures toutes les plus grotesques les unes que les autres, comme ce portrait de la femme superficielle qu'il nous dresse, cette working-girl qui a presque plus d'intérêt pour ses « escarpins rouges sang » que son enfant et qui va bruncher le dimanche avec sa mère.
Et soudainement, par l'épreuve que son fils et elle ont traversée, Thelma découvre les vraies valeurs de la vie, n'est-ce-pas, se réconcilie avec sa mère et part s'installer à la campagne avec son fils….Sérieusement?
Trop de bons sentiments. Trop de clichés. Une histoire beaucoup trop prévisible. Sans nuance. Mais enfin, est-ce vraiment crédible, tout ça? Il me semble évident que l'auteur a voulu donner au lecteur ce qu'il a peut-être besoin d'entendre et de lire, de le faire rêver, ce qui manque peut-être dans cette vie quotidienne, plus d'optimisme, de couleurs, alors que l'on nous abreuve chaque jour d'une ribambelle d'horreurs sans noms. Ce roman trop sucré, avec son titre modérément emphatique (!) inscrit sur une couverture furieusement bigarrée, sur laquelle il ne manque plus qu'une licorne, voyez-vous, m'a prodigieusement agacé, et vous le constatez, continue de m'agacer aujourd'hui. Rajoutons à cela, il semble que le public visé, et rien que d'écrire cela me coûte, est celui des femmes, avec cette femme esseulée qui rencontre son prince charmant, évidemment (parce que naturellement, une femme ne peut être heureuse qu'en couple, hein), et qui finissent par vivre heureux, etc. Dernière remarque, celle de la mère perplexe que je suis devant ce récit, il arriverait par malheur que votre enfant gravement blessé tombe dans un profond coma, les jours passent sans qu'il ne reprenne conscience, iriez-vous, pendant ce temps, faire un Trail en Mongolie, vous?
Je ne parle même pas de l'intolérance qui ressort de ce texte et de cette misogynie latente – alors que j'imagine que l'objectif de
Julien Sandrel était l'opposé de cela – et cette suffisance nauséabonde, qui cataloguent tout de suite cette femme, qui a le malheur de porter une paire de jolis escarpins, comme une sombre dinde sans cervelle et d'opposer à la vie citadine superficielle, la vie en campagne, évidemment idéale. Est-ce qu'une femme a encore le droit d'être apprêtée et, en même temps, de ne pas être considérée comme une idiote? Cerise sur le gâteau, les hommes ne sont pas davantage épargnés d'un côté, les sombres phallocrates de service qui n'ont à la bouche que les jolies tournures de phrase que voilà: entre le « MILF » et le « t'es bonne », c'est à ce moment-là que des larmes (de rire, de consternation) me sont montées aux yeux. de l'autre, le surhomme, éternel sauveur de ces dames, Superman, parfait en tout point, évidemment. Excusez ma véhémence, mais l'auteur y aurait gagné, et en premier lieu son texte, d'être plus mesuré et moins tranché dans ses propos.
Enfin, pourrait-on éviter les « merde », les « connard », ‘bordel » et « putain » intempestifs, s'il vous plait-merci, si ce n'est pas trop demandé, nous ne sommes pas chez mémé ici (il fallait bien que ça sorte). Avec ça, la fin est sirupeuse à souhait, à l'image du récit, de cette couverture, qui en met plein la vue, certes, grâce à cette explosion de couleurs chatoyantes d'un bel effet, mais qui finalement ne semble être qu'un très joli miroir aux alouettes, ne représentant au fond pas grand-chose.
t.
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