Cette oeuvre, après avoir connu une version « pirate » en 1502, a connue sa version définitive en, 1504. Elle a très rapidement eu des traductions et elle est devenue très célèbre dans toute l'Europe, marquant une date dans la littérature d'inspiration
bucolique. Son titre, Arcadia ou
l'Arcadie, vient de
Virgile, qui a situé dans cette région grecque le cadre de son cycle de poèmes (églogues), les
Bucoliques. Lui-même s'inspirait de Théocrite, dont les bergers évoluaient en Sicile. Mais c'est une Arcadie mythifiée qui va devenir le lieu privilégié des textes littéraires de cette tradition bucolique à la suite de
Virgile, et de Sannazaro.
L'écriture de l'oeuvre de Sannazaro a pris beaucoup de temps, il a d'abord composé certains églogues, qu'il a réutilisés pour construire une oeuvre qui alterne des parties en prose, avec les poèmes, un peu comme le faisait La vita nuova de
Dante. Comme chez
Dante, l'Arcadia présente aussi des aspects autobiographiques, le narrateur, appelé Sincero étant censé représenter l'auteur. le texte se compose, en plus d'un prologue et d'une sorte de conclusion, de douze parties, chacune débutant par un texte en prose avant de finir par un poème. Même si on rencontre fréquemment l'affirmation que l'Arcadia a ouvert la voie à une utilisation du cadre bucolique dans des oeuvres de fiction, et non plus uniquement poétiques, on ne peut pas dire réellement que nous sommes dans un récit avec des événements qui se suivent. Ils s'agit de décrire des moments, qui évoquent, qui permettent de se souvenir, chargés de métaphores et symboles. C'est avant tout un itinéraire spirituel, même si l'auteur semble y faire une sorte de bilan personnel. La fin de l'écriture de l'oeuvre a peut-être coïncidé avec le départ forcé de l'auteur vers la France, ce qui pourrait expliquer l'importance de ce travail de mise en ordre et un certain sentiment de nostalgie de sa patrie. Sincero a fuit Naples suite à une déception amoureuse, et il va y retourner à la fin de l'Arcadia, retour désiré, mais aussi difficile, il semble ne pas être sûr de ce qu'il va y trouver, et est-ce qu'il va s'y retrouver.
Le texte n'est vraiment pas simple d'accès, car les références à d'autres oeuvres, dont une partie n'est pas forcément connue du lecteur, sont permanentes.
Virgile, Théocrite,
Dante, Boccace… on pourrait multiplier les noms. Des passages entiers semblent avoir été repris, avec des subtiles variations. Mais c'est que la littérature fait partie de la mémoire de l'auteur, elle a autant de réalité que les souvenirs des lieux et des personnes. Elle permet de dire, aussi bien ce qui est personnel, que ce qui est universel, partagé par d'autres. L'amour est une thématique importante, thème obligé du genre, mais Sannazaro rend aussi hommage à sa mère. Les description de la nature, des paysages sont très importants, et n'ont rien de conventionnel, des lieux réels sont évoqués. La nature amène aussi la question de l'art, la manière dont il transforme, transfigure, donne sens, du lien entre culture et nature.
Une oeuvre importante en son temps, assez troublante, mais qui demande un effort certain pour la pénétrer.