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EAN : 9782889561971
373 pages
Editions de l'Aire (01/08/2021)
3.14/5   7 notes
Résumé :
Un vieillard meurt sur un banc de l’Est de la France : s’imaginait-il, au moment d’appuyer le canon contre son palais, que de son suicide devait naître l’une des révoltes les plus profondes qu’ait connu le pays ? Une vie abrégée, un manteau ensanglanté, un corps s’affaissant en silence et voici la France des derniers de cordée, des bars PMU et des dimanches au stade qui se lève, prend conscience d’elle-même, s’apprête à entrer à nouveau dans l’Histoire.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« On ne peut pas se serrer la ceinture et baisser son froc ! » scandent les manifestants en mai 2019, lors d'un mouvement revendicatif inspiré des « gilets jaunes ».

C'est dans ce bazar que Marc Calmet, 60 ans, libraire à Voiron (Isère), roule vers Paris pour signer la vente de sa boutique à un groupe de distribution chinois. Après plus de vingt ans d'activité, Marc a décider d'arrêter quand une lectrice lui a conseillé d'adopter l'écriture inclusive actant ainsi la mort de notre culture.

Marc longe la Loire via Firminy, Saint Etienne, Digoin, Gien, Vierzon, Orléans, selon « la diagonale du vide », ces territoires abandonnés où chômage, désertification, laideur, gravent notre faillite dans la géographie provinciale. « Le modèle républicain s'était fracturé contre ces façades de béton vérolé, contre le communautarisme qui régnait derrière ces fenêtres opaques, repli causé moins par choix que parce que face à la précarité et à l'absence de perspectives, l'homme cherche appui et sécurité auprès de ceux qui lui ressemblent. » Les neufs chapitres impairs du roman décrivent ce cheminement vers la capitale, en compagnie de Myriam, une infirmière partie à la rencontre de son frère.

En roulant le conducteur et sa passagère se remémorent leurs vies : Marc, fils d'un petit patron du secteur vinicole, a été postier puis journaliste avant d'acquérir le commerce d'un libraire partant en retraite. Son espoir d'un monde meilleur, bercé par les mélodies de Michel Sardou, est né à Mâcon, dans la section locale du PS (septennat VGE), s'est désenchanté en 1982, puis est mort avec « touche pas à mon pote » où Karim Hadj Nassar, un ami d'enfance, a essayé de l'entrainer. « Nous n'envisagions pas alors qu'après la légalisation des radios libres, l'augmentation de dix pour cent du SMIC et la création de l'impôt sur la fortune, on s'apprêterait à couler le Rainbow Warrior et à placer sur écoute tout ce que la République comptait d'opposants. »

Son mariage avec Marta, « une aubaine de libraire, elle achetait des ouvrages pour ses cours et une littérature plus contemporaine pour elle-même, des récits de voyage, des auteurs féminins. Elle m'a fait découvrir et apprécier l'écriture Minuit, ces Oster, ces Echenoz qui font jaillir la vie d'une économie de mots, de situations ordinaires. Je n'aurais pas lu ‘L'été, deux fois' sans son conseil. », s'est brisé à la suite d'une aventure « 3615 Caroline ». Les huit chapitres pairs de l'ouvrage disséquent les plaies et bosses de Marc, Karim, Marta (et les enfants) et Myriam.

C'est toute l'époque 1979-2019 que radiographie Julien Sansonnens, Suisse Vaudois, militant écolo socialiste ancien député POP (Ouvrier Populaire) et son regard accablé et engagé est d'une grande acuité sur les évolutions françaises, au sein d'une Europe et d'un monde administré par des politiques et formaté par les médias déviant habilement les revendications sociales vers les émancipations sociétales. «Le monde dans lequel je suis né n'existe plus : est-ce cela qu'on appelle vieillir ? Je demeure comme retenu dans un mois de septembre éternel, dans ce peu que constitue désormais le présent, matériellement confortable et sans beaucoup d'intérêt. »

Le tableau dressé par l'auteur est passé inaperçu dans l'hexagone, où personne n'imagine lire un auteur vaudois, de surcroit édité en Suisse, « exception culturelle » oblige. Son diagnostic, aussi décapant que celui d'un Michel Houellebecq, débarrassé de ses outrances déclinistes, ouvre bien des perspectives et ébauche des amorces de solutions. « Personne n'aurait imaginé que nous allions nous convertir en quelques années au néolibéralisme soufflant d'Amérique et à la nouvelle religion des Droits de l'Homme, appelée à constituer le sous-bassement idéologique de toutes les guerres à venir, celles que nous soutiendrions le poing levé, au nom du Bien ».

Ce texte mélancolique, plein d'humour et de mélodies, est aussi un formidable hommage aux libraires et aux livres … deux espèces menacées.
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On ne sait pas grand chose en France de l'auteur, et sa notice wikipédia est assez elliptique; elle nous apprend cependant qu'il a milité à gauche, ce qui lui fait un point commun avec son narrateur (il est vrai désencarté depuis lontemps du PS) ,sans pour autant que l'ouvrage soit en quoi que ce soitautobiographique.
Le narrateur, donc. Marc Calmet est français, né dans les années soixante, a exercé la profession de libraire la plus grande partie de sa vie; à la soixantaine, il a vendu son commerce et droit traverser la France pour aller signer l'actede cession à Paris.
Il est résolu à s'y rendre en empruntant les départementales, à travers la France périphérique de Christophe Guilluy, alors à un moment bien particulier de son histoire, puisqu'elle est secouée par des troubles sociaux qui ne peuvent être que la crise des Gilets Jaunes, malgré un certain nombre de différences et sans qu'on comprenne pourquoi l'identification n'est pas explicite.
Le récit de Calmet se compose de trois lignes narratives imbriquées, la première qui est l'histoire de sa vie personnelle, la deuxième qui est celle de la France, des années 70 à nos jours, magistralement rancontée, la troisième celle de la crise qu'il traverse dans son voyage où nous est peint le tableau d'une France en déshérence
Et c'est là qu'est le paradoxe du livre; alors que, comme je l'ai dit, l'auteur et le narrateur sont de gauche (sans doute d'ailleurs le premier plus que le second) leur analyse de la situation de la France est aussi rigoureusement de droite qu'hélas rigoureusement exacte. Je ne reprendrai pas les analyses de l'auteur sur ce point, dont les nombreuses citations de Migdal permettent de se faire une bonne idée.
La description du voyage ,crépusculaire à souhait, est très réussie. le narrateur traverse un pays mourant, et s'enfonce avec lui dans le désespoir et la mort, dont une rencontre ne le sauvera pas.
Quant à la France...la fin est ouverte



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Un homme au fond du trou se suicide dans une rue. Puis un autre drame s'ajoute à cela et c'est la France qui s'embrase. Les gouttes d'eau qui font déborder le vase d'un peuple asphyxié qui crie sa révolte. En parallèle, notre héros, Marc Calmet, vend sa libraire et décide de suivre la Loire depuis sa source pour remonter vers Paris. Ce road-trip sur les routes françaises va lui réserver des surprises et une rencontre qui va le défier dans ses convictions et ses limites.

Le récit alterne entre le présent avec Marc sur la route et avec des flashbacks sur sa vie. On plonge dans son passé à partir des années 70 alors que le futur libraire a alors 20 ans. Ces années débridées, encore insouciantes dans lesquelles avec un ami, il s'essaie au militantisme politique, au sein du parti socialiste. Ils se prennent aussi de passion pour Michel Sardou et son évocation perdure tout au long du roman. S'ensuivent les autres décennies, toujours dans le souvenir du parcours de Marc, de son expérience comme journaliste puis de son installation comme libraire, en passant par la rencontre avec sa femme, sa vie de famille, puis une certaine déchéance liée à l'âge, aux désillusions et aux accidents de la vie… jusqu'à une fin qui laisse le lecteur sous le choc !

Julien Sansonnens nous offre en filigrane de la vie de Marc, une analyse très fine de la politique, de la culture et de la sociologie de la France. le mouvement des enchainés dans le roman n'est pas sans rappeler les gilets jaunes. Cette France du bas qui souffre, qui veut se battre pour plus de dignité. Un pays qui a sombré peu à peu dans le désenchantement après les trente glorieuses et les années insouciantes.

Malgré quelques passages un peu longuets au début, on est ensuite rapidement happé par ce road-trip. A mon sens, il faut aimer un minimum la politique et vouloir en apprendre plus au sujet de l'Héxagone pour apprécier pleinement ce roman. Je connais passablement bien ce pays, beaucoup de faits évoqués par l'auteur m'ont rappelé des souvenirs mais d'autres ont été des découvertes très intéressantes.

En résumé : une fresque sociologique, politique et culturelle de la France vue au travers de la vie d'un homme. Un roman que j'ai aimé mais qui ne parlera sans doute pas à tout le monde…

Lien : https://tasouleslivres.com/s..
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
En maternelle, l’enseignement de mes enfants a été largement pris en charge par des femmes, les instituteurs, qu'on doit désormais appeler professeurs des écoles, ayant à peu près disparu, victimes à la fois de salaires peu attractifs et d'un climat général de suspicion qu'on imagine décourageant.

Je ne pouvais m'empêcher de m'interroger sur les conséquences, pour les petits garçons en particulier, d'une socialisation et d'un transfert de connaissances effectués presque exclusivement par des modèles féminins, au moins jusqu'au secondaire.

Est-il tout à fait indifférent que l’autorité ne soit jamais incarnée à leurs yeux par une figure masculine ? Partout, on m'expliquait que cela n'avait plus aucune importance, que tout n'était au fond que culturel, et plus on cherchait à m'en convaincre, plus j'en doutais.

J'avais fini par penser qu'une bonne partie de la délinquance qu'on observait pouvait s'expliquer par l'absence de références d'autorité masculine durant l'enfance, mais je n'exposais ma théorie qu'avec prudence : j'avais perdu des clients pour des propos moins subversifs que cela.
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Le Dauphiné libéré revendiquait une identité, une ligne politique qu'il m'avait fallu appréhender. Sans le savoir, la France vivait les dernières années d'un pluralisme médiatique imparfait, mais néanmoins réel : dix ou quinze ans plus tard, la totalité des médias écrits, des radios et des télévisions privées appartiendrait à une poignée de milliardaires actifs dans la vente d'armes, les travaux publics ou la grande distribution.

Par un jeu de rachats et de concentrations, un cercle toujours plus restreint de propriétaires finirait par s'octroyer un quasi-monopole sur la production et la circulation des idées, construisant la réalité, prescrivant que penser sans autre légitimité que celle conférée par l'argent, sans jamais n'avoir de comptes à rendre à quiconque, pas même aux lecteurs-clients dont il était désormais possible de se passer presque entièrement par le truchement du subventionnement public des médias.

(…)

Les journalistes eux-mêmes n'auront guère cherché à résister à leur propre disparition, ils ne se seront pas levés contre le saccage de leur profession, la plupart acceptant ce nouveau rôle prescripteur qui leur était assigné, à mi-chemin entre le curé et le procureur, aussi éloigné que possible d'un contre-pouvoir toujours plus fantasmé.

Peu d'entre eux refuseront de se livrer à cet exercice de pédagogie quotidienne qu'est devenu le journalisme, cet art de «décrypter les enjeux» comme hier on alphabétisait les bons sauvages, pour leur bien.
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Portée par de jeunes militants anticapitalistes et petit-bourgeois, l'idéologie antispéciste m'apparaissait délirante parce qu'en abolissant la pratique de l'élevage, elle prétendait mettre fin à une histoire liant l'homme à l'animal depuis dix mille ans, depuis la domestication de la chèvre dans la région du croissant fertile. Dépasser la révolution néolithique constituait un objectif pour le moins ambitieux, on pouvait laisser cela à ses promoteurs végétaliens, généralement des étudiants en sciences humaines ayant perdu tout lien à la terre et son travail.

Je me souviens qu'à l'école primaire, dans le cadre d'un cours de sciences naturelles, le maître avait tué puis disséqué une grenouille face à un parterre de garçons et de filles ricanant, plus ou moins intéressés ou dégoûtés : une telle leçon de choses serait-elle possible aujourd'hui, sans que les réseaux sociaux ne s'embrasent ?

Étrange monde dans lequel on s'apitoie sur le sort d'une oie gavée en détournant le regard des greniers à foin, recoins où se balancent les corps pendus et déjà assaillis de mouches des paysans endettés.
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Alors qu'au début de mon activité, Je me faisais une fierté d'œuvrer pour la liberté d'expression et contre toute forme de censure, à commencer par celle que le libraire peut exercer par ses choix, je refusais de plus en plus de titres, quitte à me priver de ventes, soit que je n'aime pas le livre, soit que je n'apprécie pas son auteur.

J'avais refusé de vendre le feuillet à succès de Stéphane Hessel, dont les positions violemment anti-israéliennes et la bien-pensance me déplaisaient. Je ne commandais plus les livres feel-good, la grande tendance depuis quelques années, parce que la littérature n'avait pas à aider les gens à se sentir bien.

Je me savais trop aigri pour continuer bien longtemps : la première fois que j'ai craint de m'en prendre à une cliente suggérant d'utiliser l'écriture inclusive sur ma devanture, j’ai appelé dans l'heure mon avocat, lui demandant d'entamer les démarches de cession.
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Le monde dans lequel je suis né n'existe plus : est-ce cela qu'on appelle vieillir ?

Je demeure comme retenu dans un mois de septembre éternel, dans ce peu que constitue désormais le présent, matériellement confortable et sans beaucoup d'intérêt. Ce que j'ai été m'apparaît chaque année plus abstrait, une ancienne histoire dont beaucoup s’est déjà perdu. Je suis parfois saisi de stupeur en imaginant les heures vécues, les innombrables rencontres, les amitiés nouées et défaites, ce qu'aura été la somme des souvenirs amassés et le poids de ces actions sur lesquelles il faudra bien rendre des comptes. Et cette certitude que tout cela n'a servi à rien : de la vie je n'ai rien appris, ou si peu.

Le monde n’a pas eu besoin de moi.
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