Lorsqu'un un roman ou même un essai ou tout autre ouvrage vous a impressionné, séduit, il est périlleux d'en faire un commentaire sans négliger toutes les idées, les impressions de l'auteur. Déjà le titre «
Anges de la Désolation » interroge et nécessite une définition de la scène de crime.
Jack Duluoz, le double de Kerouac se définit et définit ses amis comme des
Anges de la Désolation. Il a 34 ans. Il se trouve dans le parc national de mont Baker, plus précisément sur le mont Hozomeen dans la vallée du Skagit dans le nord-ouest de l'Etat de Washington pour surveiller et alerter en cas d'incendie. Dans ce paysage grandiose il fait le vide dans un temps qui s'étire vers l'éternité. Dans ce lieu de contemplation, on s'y retrouve comme dans une église faite de montagnes, de vallées, d'arbres centenaires, d'oiseaux multicolores et d'une lune à la triste figure. Il est bon de s'y ennuyer. On se fond dans l'humanité dans une existence ignorante à côté d'une inexistence éclairée. La solitude permet de se souvenir ; du jour de sa naissance, une nuit d'orage pendant l'été 1922, des champs de courses, de ses études à Columbia inachevées. Deux mois d'introspection, presque semblable à ces ermites du désert, à la recherche de Dieu, à la recherche de ses présages, à la recherche de la source de la mort.
Puis, c'est le retour à la vie urbaine, dans cet enfer bétonné et bruyant, accouché d'hallucinations. Il y a des gens poursuivant le rêve américain. Il y a des gens qui crient en plein coeur de l'Amérique industrialisée. Il y retrouve ses amis, l'empreinte des filles, la circulation infernale, la musique aussi, surtout. Comme Jack, je ne peux pas me passer d'une journée sans musique. Sa couleur riche, ses rythmes. Un mélomane sommeille en nous. Des amis, artistes, qui expérimentent l'alcool, les drogues, le sexe sans inhibition. D'argent aussi. D'une certaine façon, la société, cette agitation mondaine, se construit sur l'exploitation humaine, sur l'exploitation de la nature. Toujours plus d'argent.
« Mais je n'ai jamais rêvé, et même en dépit de ma grande détermination, de mon expérience dans les arts de la solitude et de ma liberté dans la pauvreté – je n'ai jamais rêvé que je serais aussi embarqué dans l'action du monde » Ces propos, Jack Duluoz les tient lors de son escapade au Mexique. Cet intermède, il en profite pour écrire et délirer avec son ami Bull Gaines.
Dans le dernier tiers, nous découvrons enfin le Jack Duluoz, après sa mue et la révélation de son expérience du monde entre Tanger, la France et Londres.
Ce voyage en compagnie de Duluoz m'a laissé entrevoir un homme complexe, angoissé et talentueux. Même si nous sommes fauchés, la vie peut-être intense et riche, bien que j'en doute cinquante ans plus tard. C'est un roman solaire qui résonne en moi comme une invitation à explorer le monde mais aussi à lire et à écrire tranquillement dans l'intimité de ma chambre.