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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Me voilà arrivée au bout de ce long chemin de souffrances et de moments de totale jubilation.
Et voilà que je me découvre en train de penser et de m'exprimer d'une manière qui ne m'est pas commune !
C'est que je sors d'un livre difficile, dérangeant, captivant, mené de main de maître, cela va sans dire, par José Saramago.

Par quoi commencer ?
Par ma difficulté. Ma difficulté à entrer dans cette prose sans espace pour respirer, uniquement composée de virgules, sans aucun tiret marquant les dialogues, sans aucun paragraphe.
Difficulté aussi à comprendre où l'auteur voulait en venir, et donc surprise totale devant cette réécriture de l'histoire de Jésus, oui, mais mêlant subtilement humour grinçant, légèreté, iconoclasme, psychologie profonde.

Par quoi continuer ?
Par mon plaisir profond à suivre cette famille dont tout le monde parle depuis la nuit des temps, dont ma famille m'a parlé depuis mon enfance. Ce Joseph, taciturne et – comme tous les hommes de cette époque – méfiant à l'égard des femmes, même de la sienne. Cette Marie, discrète mais têtue. Ce Jésus, adolescent rebelle et tourmenté, puis homme amoureux d'une femme et aimant les gens.

Plaisir mêlé de trouble, aussi, de découvrir la face cachée des choses, à la manière de Saramago : un Joseph hanté par sa culpabilité – celle de n'avoir pas pu prévenir à temps le village de Bethléem du massacre des tout-petits – et mis à mort comme le sera son fils : crucifié, mais par erreur.
Un Jésus hanté lui aussi par la culpabilité de son père, et ne sachant comment se débarrasser de ce remords pourrissant.
Un Diable au demeurant bien sympathique ! Bien plus sympathique que ce Dieu présenté comme cruel, vindicatif, orgueilleux. D'ailleurs, je ne résiste pas à vous recopier ce passage ô combien essentiel mais tellement irrévérencieux, au moment où Dieu envoie Jésus en mission et où il révèle ses pensées cachées :
« Tu t'es fabriqué là un joli destin, après 4000 ans de travail et de soucis que les sacrifices sur les autels, pour abondants et variés qu'ils soient, ne compenseront jamais, tu continues à être le dieu d'un tout petit peuple qui vit dans une partie minuscule du monde que tu as créé avec tout ce qui s'y trouve, alors dis-moi, mon fils, si je peux me tenir pour satisfait (...) Tu peux m'aider à étendre mon influence, à faire en sorte que je sois le dieu de beaucoup plus de gens. »
Bref, le ton est donné, et je comprends très bien pourquoi l'Eglise catholique a crié à l'assassin à la sortie de roman ! Mais moi, je me suis esclaffée, et j'ai réfléchi, aussi, très sérieusement, à cette religion catholique faite de « renoncement, clôture, souffrance, mort, guerres et carnages » (ces pages bouleversantes sont le summum !).

Plaisir enfin à suivre les méandres de la pensée du narrateur, qui n'hésite pas à interpeller le lecteur en comparant les choses anciennes à notre propre modernité, et toujours avec beaucoup d'humour.

Finalement, je ressors de cet évangile dévastateur toute pleine de cahots, secouée par le rire et l'interrogation, bénéfiques et libérateurs.

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Quelle drôle d'idée, écrire un évangile de plus, une nouvelle version de la vie de Jésus.
Déjà, bien qu'il soit étiqueté « Roman », c'est l'assurance d'avoir des ennuis avec les ultras. Ce qui ne manqua pas d'arriver et provoqua l'exil de l'écrivain, en réaction à la décision de l'état portugais de le faire retirer de la liste pour un prix littéraire. Et on ne parle pas ici de temps obscurantistes reculés ou d'intolérance liée au régime d'extrême droite de Salazar, mais du Portugal démocratique de 1991, plus de quinze ans après la Révolution des oeillets. Bref…

Un aspect du livre concerne d'ailleurs la question, qu'est-ce qu'un évangile, qu'est-ce qui doit y figurer, comment ça s'écrit. Notamment pour l'équilibre de son contenu entre la part de recension la plus fidèle possible et la part de mise au goût du jour, comment faire comprendre au lecteur ces événements si lointains, et pour lui faire passer quels messages.
Mais attention, rien d'une thèse barbante dans ce propos. Ce sont plutôt des notations plaisantes en marge de la narration proprement dite, qui sont autant d'allusions à ces questions.

Pour le principal, Saramago développe une histoire à la marge des épisodes des vrais évangiles, et il l'insère dans le canon en reprenant certains de ces épisodes de façon plus ou moins fidèle.
Ainsi, la première partie est centrée sur Joseph, finalement peu présent dans les vrais évangiles et qui en disparait au milieu sans plus d'explication. Elle est aussi l'occasion de planter le décor, le contexte de la société juive du premier siècle dans la Palestine sous joug romain.
Ensuite, la partie la plus importante est celle de la « formation » de Jésus, comment il passe de l'enfance à l'adolescence, puis devient adulte. Et comment lui vient progressivement et incomplètement la conscience de son statut particulier.
Enfin, mais presque à regret (et plutôt rapidement), la partie la plus connue de sa vie de prêcheur menant à la crucifixion. En prenant beaucoup de libertés vis-à-vis de l'histoire canonique officielle.
Le tout avec une imagination impressionnante, car mêlée d'érudition, avec humanisme et une ironie mordante vis-à-vis de la religion, y compris via un soupçon de fantaisie narquoise. Ce qui en fait une très chouette histoire.

Et ce style, dont l'objet est d'écrire comme on raconte une histoire à haute voix.
Formellement, cela donne un joyeux mélange de narration au passé, dialogues et commentaires, souvent uniquement délimités par des virgules. Tout en restant très fluide et lisible.
Pour le fond, cela mélange en permanence l'histoire et sa glose. Avec un décalage volontaire, humoristique, entre cette époque si lointaine et les commentaires si contemporains.
Au final, Saramago a su créer une voix singulière, dont je suis de plus en plus fan.
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« le soleil venait de se coucher quand Jésus foula à nouveau le sol de Nazareth, quatre longues années, à une semaine près, depuis le jour où il s'était enfui d'ici, encore enfant, affligé par un désespoir mortel, pour se lancer dans le monde à la recherche de quelqu'un susceptible de l'aider à comprendre la première vérité insoutenable de sa vie. »

Malgré son titre, qui pourrait le laisser penser, ce n'est pas Jésus qui prend directement la parole dans ce roman déconcertant à plus d'un titre. Toute la grande intelligence pétillante de José Saramago s'y déploie. Il est vrai que le sujet permet bien des questionnements religieux, ou philosophiques. La plupart des épisodes attendus ont été transformés par ses soins en un questionnement radical sur le bien et le mal : au fond pas de différence entre Dieu et son Adversaire. Tous deux sont avides de sang et de souffrance et ne laissent pas une chance à l'humanité de se libérer de leur emprise.

Jésus va les rencontrer à plusieurs reprises et revivra les questionnements qui étaient déjà ceux de Job face à l'arbitraire divin ou diabolique…

Dans ce roman, Jésus a été traumatisé par sa petite enfance : son père terrestre, Joseph, a fait peser sur eux une faute originelle. Il n'a pas averti les autres habitants de Bethléem que les soldats d'Hérode allaient massacrer leurs enfants alors qu'il le leur avait entendu dire quelques heures plus tôt. Il en sera puni par un sentiment de culpabilité écrasant, qui se manifestera par un cauchemar récurrent. Cauchemar dont Jésus sera lui aussi accablé après la mort de Joseph (elle intervient très tôt). Pour compliquer encore les choses ses rapports avec sa mère et ses frères et soeurs ne sont pas bons. Bref, il quitte rapidement le foyer alors que son devoir de fils aîné était de prendre la place de son père.

La trame évangélique dont s'est servie José Saramago est vraiment lâche, ce qui permet bien des surprises. Suivre son Jésus au quotidien c'est aussi nous immerger dans les us et coutumes de ce temps et de cette région, car si les péripéties qu'il vit peuvent sembler proche du conte, la narration est basée sur une vaste connaissance historique.

L'arrière-plan reste toutefois résolument sombre : pas l'ombre d'une résurrection n'est envisagée.
Il m'a fallu presque une semaine pour lire ce roman, qui demande beaucoup d'attention. J'ai été surpris, déconcerté souvent. Sa grande inventivité m'a laissé, moi aussi, bien des questionnements non résolus.
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En dehors des professionnels de l'escroquerie chrétienne et de quelques curieux , qui lit aujourd'hui les différents évangiles ? J'avoue n'en avoir lu aucun , mais celui que Saramago intitule " L'évangile selon Jésus christ " , parce qu'appréciant cet auteur , m'a fortement attiré .

Ici , point de légendes " incrédibles " , le Jésus de cet évangile est un être de chair et de sang et non celui que nous présentent les différents apôtres .

Il faut savoir que bien que prix Nobel de littérature , Saramago , n'a pas été épargné par les intégristes catholiques , lors de la parution de ce livre , et heureusement qu'il ne l'avait pas écrit quelques lustres auparavant , du temps de l'inquisition , car alors , il aurait fini sur le bûcher après avoir connu la torture des " inquisiteurs " ou la vindicte de l'Opus dei ( extrême droite catholique ) . Si il se dit que le dénommé Jésus était le premier anarchiste , comment l'église peut-elle tolérer en son sein un courant d'extrême droite semblable au F haine ?

Mais , là , je m'éloigne du livre .

Saramago à déjà l'habitude des méchantes critiques , le traitant de sale communiste et autres doux noms d'oiseaux qui ne manquèrent pas dès la sortie de " L'aveuglement " et de " La lucidité " . Et c'est justement grâce à cette colère des " conservateurs imbéciles " que cet évangile m'a attiré .

Faites vous plaisir , lisez Saramago , surtout les titres cités dans ce petit billet . Cela réveille , aiguise l'esprit critique ..... mais bon , vous courez le risque d'aller en enfer ou d'être inquiétés par la police politique .
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La naissance de Jésus, tout le monde connaît plus ou moins: la crèche, l'âne et le boeuf, les rois mages, tout ça, tout ça. La vie adulte aussi d'ailleurs : même sans avoir reçu une éducation chrétienne, on a une vague idée de prédication, de miracles, de crucifixion et de résurrection. Et entre les deux, l'enfance, l'adolescence, … ? Et ben on ne sait pas : la bible n'en dit rien, et aucune source crédible n'existe sur le sujet (bien que quelques mythes (voyage en Égypte, en Asie, en Angleterre, …) aient émergé plus tard).

José Saramengo nous livre donc sa vision de ce Jésus inconnu, tout en réinterprétant à sa sauce quelques sujets bibliques. le résultat n'est sans doute pas très canonique, puisqu'on y voit un Jésus d'abord éduqué par le Diable, puis découvrant la sexualité dans les bras de Marie-Madeleine, prostituée dont il tombe amoureux. Je n'ai toutefois pas vu de volonté de satire : on y découvre au contraire un personnage tiraillé par les codes de la société de son temps, la découverte progressive de son identité, et surtout la sensation d'être un jouet du destin.

L'auteur a réussi à m'intéresser de nouveau à ce personnage, à ma grande surprise. Car mes cours de catéchisme puis des discussions avec quelques fondamentalistes bornés m'en avait donné une image assez ringarde : soit un personnage d'une sécheresse absolue, soit au contraire poisseux de guimauve. Ses interrogations, ses doutes, ses erreurs aussi ont fini par me le rendre attachant. le récit fortement teinté d'humour y contribue aussi, notamment lorsque certains miracles sont re-présentés avec un peu de bon sens : ainsi, lorsque Jésus fait sortir un démon d'un homme pour le déplacer dans un troupeau de porcs, il doit fuir le village en courant, chassé à coup de pierres par les propriétaires du cheptel qui ne sont pas très joyeux de perdre leur précieuse source de revenus. Si le prestige en prend un coup, on ne peut qu'éprouver de la sympathie envers ce maladroit plein de bonnes intentions.

L'écriture m'a un peu déconcertée au début, notamment concernant les dialogues : de grands pavés de texte sans sauts de lignes, les réponses étant seulement séparées par des virgules et une majuscule au changement d'intervenant. Avec l'habitude, cela donne toutefois une impression de grande fluidité dans l'échange.

Excellent moment en compagnie de ce livre, commencé un peu par dérision au moment des fêtes de fin d'année, mais qui m'a finalement fasciné de la première à la dernière page.
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De @Saramago j'ai lu son merveilleux roman sans noms propres @l'aveuglement qui entraînait le lecteur dans le tréfonds de la noirceur humaine mais qui se révélait également plein d'espoir sur la bonté de l'Homme. Mon préféré de l'auteur même s'il m'a profondément traumatisé.
Puis ce fut la construction du couvent de Mafra sous Joao V dans @le Dieu manchot son grand roman baroque, blasphématoire et jubilatoire avec son héros picaresque inoubliable Balthazar Sept-soleils et sa femme Blimunda Sept-lunes, dans ce roman @Saramago joue avec la ponctuation, écrit des phrases tellement longues qu'elle essouffleraient un coureur de Marathon qui voudrait se lancer dans la lecture à voix haute.
Dans son @Voyage de l'éléphant, José abandonne carrément la ponctuation et dans @Caïn il revisite la Bible se jouant de la chronologie.

Lire un roman de @Saramago est toujours une expérience littéraire et philosophique unique en son genre et son évangile selon Jésus-Christ ne déroge pas à la règle.

Dès le début du roman @Saramago s'adresse au lecteur pour l'avertir que tout ce qui suivra tient de l'invention, de l'encre et du papier. Il s'agit d'une oeuvre de fiction et espère peut-être ainsi se prémunir des foudres de l'église catholique, à moins qu'il s'en moque complètement et rappelle simplement le droit à la création à peine trois années après la condamnation de @Rushdie.

@Saramago le communiste nous présente donc son évangile dans lequel Jésus-Christ est un simple être humain, un homme qui n'aspire qu'à être heureux et se trouve bien malgré lui au centre de la bataille entre Dieu et le Diable.
Il a besoin de comprendre pourquoi il a hérité des cauchemars paternels et c'est après la révélation de sa mère sur ce qui s'est passé à Bethléem qu'il portera la culpabilité de son père qui l'a sauvé de la mort alors que des dizaines d'enfants innocents étaient massacrés sur les ordres d'Hérode. A la suite de cette révélation il quitte sa famille et devient berger, pécheur, rencontre la prostituée Marie de Magdala qu'il épouse, la suite tout le monde connaît.

Bon c'est donc un roman qui fait la part belle à la culpabilité, celle de Jésus coupable d'être vivant et celle de Dieu face aux massacres exécutés en son nom, le dialogue entre Jésus et Dieu à ce sujet est d'ailleurs d'une intelligence exceptionnelle.

La lecture est parfois difficile car les virgules qui séparent les dialogues demandent une concentration de tous les instants mais le style est d'une beauté éclatante et le récit est brillant illuminé par des réflexions philosophiques intenses. de nombreuses phrases sont belles à couper le souffle.

«  Ils dormaient là où le hasard les menait, sans autre exigence de confort que le giron de l'autre, quelquefois avec le le firmament pour seul toit, l'immense oeil noir de Dieu, criblé de ces lumières qui sont le reflet laissé par les regards des hommes qui ont contemplé le ciel, génération après génération, interrogeant le silence et écoutant l'unique réponse donnée par le silence. Plus tard, quand elle sera seule au monde, Marie de Magdala voudra se souvenir de ces jours et de ces nuits, et chaque fois elle sera obligée de lutter âprement pour défendre sa mémoire des assauts de la douleur et de l'amertume, comme si elle protégeait une île d'amour des attaques d'une mer tourmentée et de ses monstres.  »

«  On sait que les mots prononcés par le coeur ne sont pas articulés par la langue, un noeud les retient dans la gorge et on ne peut les lire que dans les yeux.  »

Pas de doute @Saramago fait partie des plus brillants auteurs contemporains, doté d'un humour irrévérencieux et dévastateur et je remercie @ninosairosse pour son conseil de lecture et le félicite pour son brillant billet sur le roman.
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J'ai trouvé la lecture de ce livre un peu difficile par moment, dût à un manque de ponctuation. J'ai également trouvé les deux derniers chapitres un peu pénible, car j'avais une trop grande hâte d'arriver au bout du roman. Mais, d'un autre côté, j'ai bien aimé que l'auteur parle de la jeunesse de Jésus, chose que, personnellement, je n'ai jamais vu ailleurs. Donc, mon avis est mitigé.

Il y a dans le récit, un Jésus bien plus humain que d'habitude, et Dieu est un marionnettiste qui manipule le monde à sa guise, pour étendre son règne. Mais, une question m'est venu à la lecture du roman : Dieu aime-t-il réellement sa création humaine ? J'ai peur d'une réponse négative. C'est un roman qui peut, à sa façon, nous faire réfléchir, au sens philosophique du terme.
Lien : https://critiqueslibres.com/..
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Certains passages sont un peu longuets mais celui sur le lac Tibériade vaut de l'or.
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ecriture des dialogues très originale, rend le christ plus humain ce qui a déplu aux autorités religieuses
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