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sur 5094 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le regard des autres sur sa propre vie est souvent dérangeant et inquisiteur. Seul on peut toujours arranger notre vie, la raconter en prenant quelques libertés. Avec les autres, ce n'est pas aussi simple. Trois personnes, un homme, deux femmes, si différents, enfermés ensemble pour l'éternité. Une sorte de purgatoire ? Ou carrément l'enfer ? Ces trois personnages se persuadent et essayent de persuader les autres que rien dans leur vie ne permet de penser qu'ils méritent leur sort. Puis la vérité arrive petit à petit. Nous vivons à travers le jugement des autres et ici le non-dit devient aussi important que les paroles.
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J'aime retourner dans ces ouvrages intemporels qui ont parcouru mon adolescence. Sartre écrira cette pièce fin 1943. 75 années plus tard, rien n'a changé. L'enfer c'est sans conteste les autres. A commencer par soi même, cet autre avec lequel il faut cohabiter nuit et jour.

Garcin, Ines et Estelle, tous les trois morts se retrouvent enfermés dans une chambre. L'enfer change de chaise, fini les braises, les tenailles, garrot et autre instrument de torture, l'enfer siège dans le regard et le jugement des trois naufragés. Les miroirs sont inutiles, l'âme humaine est plus réfléchissante et plus aiguisante que mille lacs et mille couteaux. Suffit de revoir Narcisse rongé dans sa propre image que lui renvoie l'eau.
Huit clos c'est l'autoportrait de ce qui se passe sur terre depuis la nuit des temps.
Estelle cherche à être aimée pour se défaire du poids du désamour. Inès cherche un coupable pour se décharger de sa propre culpabilité. Garcin cherche la rédemption, le pardon. Chacun a sa façon cherche l'issue favorable. Mais tant qu'il y aura des hommes, nous ne serons jamais exemptés. La société tourne en rond les bourreaux et les victimes. La civilisation a besoin de codes et d'hommes à juger. Sans les autres, dieu n'existerait pas, les anges s'ennuieraient, personne ne recevrait l'étoile de la reconnaissance d'être meilleur que le voisin.
L'enfer c'est les autres.
Céline, Camus, Sartre, et plus prêt encore, c'est écrit, c'est dit, c'est vécu.
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"L'enfer, c'est les Autres." Souvent, on ne retient que cette phrase, on l'isole, on dit que c'est de Sartre. Et on passe. Réfléchissons. Que veut dire "l'enfer, c'est les Autres" ? Trois personnes qui ne se connaissent pas, un homme, deux femmes, enfermés ensemble pour l'éternité, le dispositif est simple. Il est infini. Tout est possible, d'autant plus que l'une des femmes aime les femmes, l'autre les hommes. Trio infernal, donc, système de personnages classique au théâtre, réinvinté. Qu'est-ce qui change ? C'est peut-être l'impossibilité de mentir. A soi-même, on peut mentir, à l'autre qui te regarde tout le temps, on ne ment pas, on est "nu comme un vers", on est jugé sans concession, parce que l'on existe que par le jugement de l'autre (il n'y a pas de miroir en enfer, comme il n'y a pas de pal), que dans son regard, seul endroit où l'on peut percevoir son reflet. Garcin n'oubliera jamais sa lâcheté, ne la transformera jamais en héroïsme, parce qu'Inès et Estelle savent, parce qu'elles voient. Huis clos est-elle une allégorie ? un discours sur la vie relle, sur l'existence, si chère à Sartre ? Est-ce que sur terre aussi, l'enfer, c'est les Autres ? Nuançons, l'enfer, c'est la conscience que l'autre a de ma faute qui déteint sur moi. Pour ne pas vivre en enfer, il faudrait donc pousser la responsabilité de chacun de ses actes jusqu'à cette question : "Comment les autres (tous les autres et les autres qui m'entourent) jugeront-ils cette action ?" le malheur, ce ne serait donc pas la solitude, mais son impossibilité radicale.

Qu'est-ce qu'un acte libre ? Pour répondre à la question, Sartre reprend la vieille histoire des Atrides. Oreste venge la mort de son père en tuant son assassin, Egisthe et sa complice, Clytemnestre, qui n'est autre que sa propre mère. Ce qui est frappant, dans la version sartrienne du mythe, c'est qu'il ne se situe pas sur le plan moral. Sartre ne pose pas la question : "Est-ce qu'il a bien fait ?". Il montre un homme qui pose librement un acte et qui l'assume. Ce qui différencie Oreste de tous les autres personnages, c'est qu'il n'est pas rongé par les mouches du remords, que son crime lui appartient, qu'il ne le fuit pas, qu'il en assume seul l'entière responsabilité. Peu importe donc si cet acte, en tant que tel, est bon ou non. Il suffit qu'il soit entièrement libre et assumé jusque dans ses pires conséquences pour qu'il soit juste. Il n'empêche qu'arrivé au terme de la lecture, une question se pose : "Est-ce qu'il a bien fait ?".
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Sans doute la pièce la plus célèbre de Jean-Paul Sartre, écrite en 1943 et représentée pour la première fois en 1944 au Théâtre du Vieux Colombier, donc un an après la publication de L'être et le néant, l'oeuvre emblème de la philosophie existentialiste de Sartre. de nombreux analystes ont fait le lien entre les deux ouvrage de Sartre, mais Huis-clos est avant tout une pièce, qui reste encore maintenant très efficace sur le plan dramatique, que l'on connaisse ou non la philosophie sartrienne.

Nous sommes donc en Enfer, un enfer aux allures d'un appartement du milieu de XXe siècle. Trois habitants viennent le peupler, l'un après l'autre, et font connaissance, en prenant conscience qu'ils sont condamnés à partager les lieux pour l'éternité sans échappatoire possible. Il y a tout d'abord Joseph Garcin, un journaliste qui vient d'être fusillé. Arrive ensuite une suicidaire, Inès Serrano, une employée de poste lesbienne, qui a entraîné dans sa mort sa compagne, qu'elle reconnaît avoir torturée psychologiquement, après avoir poussé son mari au suicide. En enfin Estelle Rigault, une jeune et jolie femme, morte d'une pneumonie, mariée à un vieil homme riche, qui refuse de reconnaître ses fautes, mais qui révèle au fur et à mesure son égoïsme et son indifférence aux autres, qui ont provoqué des catastrophes dont elle se fiche complètement.

Les personnages révèlent petit à petit leurs secrets honteux, ils voient quelques scènes de leur environnement, leurs proches, après leur mort. Ils se révèlent à eux-mêmes dans le regard des autres, aussi bien ceux qui sont toujours vivants, que les deux autres condamnés avec qui ils sont appelés à partager l'éternité. le rapport à soi-même prend en quelque sorte corps dans la reflet du regard de l'autre. Les trois personnages rassemblés ont été choisi de telle manière que les accommodements, les adoucissements des rapports humains, les hypocrisie de la vie sociale qui permettent de supporter, ne soient pas possibles. La dynamique des rapports en jeu aboutit forcément à un impitoyable jeu de massacre, sans possibilité de compromis. Et surtout, il n'y a rien à faire dans ce lieu, et donc tout ce qui reste sont les individus, livrés à eux-mêmes et leurs ruminations. Il n'y a pas la possibilité d'action, de remédiation à ses choix passés, à les réparer. Ils sont devenus irréversibles, définitifs. Les trois protagonistes sont donc figés dans leur faillite en tant qu'êtres humains, et les autres leur renvoient en permanence cette faillite.

Malgré quelques aspects datés maintenant, ce qui est inévitable, la pièce reste extraordinairement efficace et percutante, en jouant sur plusieurs registre, avec quelques effets comiques, un aspect jeu de massacre, tragédie. Elle mérite pleinement la dénomination de classique.
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Suis je un fan de Jean Sol Parte ?
Si l'on en croit la désencyclopédie, probablement tenue par le digne rejeton de Bison Ravi, "Jean-Sol Partre (1905-2005) est le plus grand philosophe louchant depuis que René Descartes fantasmait sur le strabisme. Son premier louchage de plomb, L'être et le néant, constitue la base du rien du tout de la philosophie de l'après-guerre. Fumant jusqu'à 42 paquets de Gitanes par jour, il aurait causé à lui seul le réchauffement de la planète et fut exécuté à Kyoto."
Je m'en défendrais bien : sa tête ne me plait pas, le culte qui lui fut rendu dans les années 50-60 m'agace, et certains de ses engagements politiques me semblent, vus du XXIème siècle, totalement out... je ne ferais donc pas partie, c'est sûr, de la foule en délire l'accueillant pour sa dernière représentation au Parc des Princes... pardon ok ça c'était Johnny...
mais bon pour les mêmes raisons j'aime pôôôô les idoles.

Et pourtant...
O rage, O désespoir ! son oeuvre trône en bonne place dans ma bibliothèque. Pire : j'ai lu vite et sans effort particulier chacun de ces Mots, sans Nausée, en un huis clos délectable, des mouches d'intelligence plein les yeux, et l'Existentialisme ne m'a pas empêché de me salir les mains, ni de me prendre des murs... bien au contraire...
Bref, que je le veuille ou non, je dois beaucoup à Jean Paul Sarte et je ne peux que louer sa qualité d'écriture -rien d'avant-gardiste, c'est vrai, mais c'est précis, efficace, et porteur d'émotion malgré tout- , ses éclairages philosophiques, et la force de ses engagements -à l'époque- anticonformistes. Et, justement à cause de cela, je suis certain qu'il pardonne, depuis sa tombe de Monparnasse, à ceux qui tournent en dérision l'idée fausse que s'en font ceux qui ne l'ont pas lu.

Le Huis Clos et les Mouches auront sans doute été parmi mes préférés.
Que font Garcin, Estelle et Inès dans ce huis clos théâtral ? Ils se débattent dans un enfer où le regard des autres leur renvoie la vérité de leur existence humaine, générant ainsi leur auto-torture psychologique du fait des actes qu'ils ont accompli et sont à présent incapables d'assumer.
c'est génial de simplicité, implacable, et ça résume bien la thèse existentialiste : oui, on peut exister en tant qu'être libre, (l'existentialisme est donc bien un humanisme) ; on est même condamné à l'être , par ses actions, sauf à être "un lâche" ou "un salaud" , mais le revers de la médaille a pour nom responsabilité.

Les Mouches, autre pièce de théâtre, d'inspiration antique et qui me fait penser pour cela aux pièces de Giraudoux, traite aussi de la culpabilité, du repentir et de liberté. Les mouches (Erynies) n'y sont pas instrument de punition mais vecteurs de repentance, non dans un sens religieux (pour gagner le paradis) mais humaniste : il s'agit d'assumer avec bonne foi sa responsabilité, regagnant ainsi sa liberté...

Quel courage que de faire jouer en 1943, en pleine occupation, cette pièce où la peste infectieuse s'étend sur le pauvre peuple d'Argos, et qui constitue ouvertement un appel à la résistance...
Après, assumer sa liberté/responsabilité existentielle... cela demande aussi beaucoup de courage et est plus facile à dire qu'à faire. Il ne suffit pas de lire Sarte ou Eidegger pour y parvenir. Je finirai donc par une critique : j'ai trouvé plus dans les conseils pratiques de maîtres bouddhistes ou dans la méditation que dans la lecture de Sarte des raisons d'espérer parvenir à ce grand idéal. La même critique pourrait être portée sur Nietzche. A défaut de propositions plus pragmatiques et abordables pour qui n'est pas un "grand homme" ou "une grande femme", le repli nihiliste contemporain n'est pas bien loin... ce qui explique sans doute que notre XXIème siècle soit plus sensible au crash désespéré de Saint Ex ou au wanderung solitaire de Tesson qu'aux mises en scène responsabilisantes de Sarte ou au prêche admonestatoire de Zarathoustra...
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C'est avec "Huis clos" que j'ai découvert le théâtre de Sartre-assez récemment, d'ailleurs. Je connaissais déjà son autobiographie, "Les Mots" et j'avais abordé sa philosophie avec "L'existentialisme est un humanisme".
Dans "Huis clos", Sartre souhaite de toute évidence nous transmettre le sentiment de l'absurde ( tiens, ça ne vous rappelle pas quelqu'un, ça ? ), au sens philosophique du terme : trois personnages se retrouvent dans une pièce, pleurent, parlent, bougent continuellement, mais non, non, rien ne réussit à remplir une existence inessentielle qu'ils ne remplissent pas par eux-mêmes ( Je rappelle que, selon Sartre, l'idée d'une existence dont le cours serait en lien avec un plan prédéfini ainsi que l'idée d'une nature humaine sont fausses ; par conséquent, le cours de l'existence est inessentielle ( oui, je sais, c'est un pléonasme ) et l'unique essence possible de celui-ci doit être créée par l'existant lui-même ).
Une pièce passionnante, bien écrite, subtile, intelligente, qui ne laisse pas indifférent !...
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Garcin, Inès et Estelle se retrouvent ensemble en enfer. C'est une sorte d'hôtel, dont ils occupent une pièce. Au début, chacun rechigne à expliquer aux autres pourquoi il se retrouve en enfer : une erreur, forcément. Et peu à peu, les langues se délient. Les masques tombent. Et les personnages s'enchaînent eux-mêmes les uns aux autres, compromettant toute chance que l'un deux puisse en sortir.
Des messages, il y en a plusieurs dans cette pièce. le plus connu, évidemment, l'enfer c'est les autres. Mais aussi "Tu n'es rien d'autre que ta vie", seuls les actes comptent, pas les intentions.
Huis clos, c'est une succession de triangles de Karpman, même si cette notion était encore inconnue à l'époque de Sartre, qui débouche sur une monstrueuse impasse, le désespoir et l'impuissance d'être pris au piège résumés dans la dernière phrase : "Alors, continuons..."
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Garcin, Inés et Estelle sont morts et se retrouvent dans une pièce meublée de trois canapés et d'un bronze et une cheminée. Il fait chaud et c'est l'éternité, l'enfer. Chacun va défendre son innocence, son incompréhension à être projeté dans cet enfer. Puis, confrontés à eux-même dans cet espace confiné, ils dévoilent peu à peu leurs fautes et leur caractère. La relation triangulaire des personnages montrent leur faiblesse, leur exaspération, les alliances qui se font et se défont. le ton monte crescendo et les protagonistes sont confrontés à eux-mêmes dans le regard de l'autre.

Sous forme de pièce de théâtre, Sartre décrit merveilleusement bien la condition humaine. L'enfer c'est les autres, une vision de soi-même au travers du regard de cet autre auquel on ne peut échapper et qui parfois est bien plus puissant que toutes les souffrances physiques.
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Ces deux pièces sont deux chefs d'oeuvre d'une nouvelle facette de l'oeuvre de Sartre, son théâtre. Les Mouches sont plus complexe, reprenant les mythes de l'antiquité et symbolisant à l'extrême les situations. Des mouches tournent autour du personnage principal et on comprendra à la fin pourquoi. Huis clos est plus célèbre et de meilleure qualité, car plus facile à lire. L'histoire est savoureuse, faire se rencontrer en enfer trois personnages que tout éloigne et les obliger à cohabiter, c'est assez truculent. On pense au théâtre de l'absurde, à Godot mais on est ici en enfer, et les autres n'y sont pas pour rien. Encore deux pièces d'expression existentialiste, restées célèbres pour leurs citations et leur histoire et qu'il faut avoir lues pour comprendre le vingtième siècle.
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C'est avec "Huis clos" et "Les mouches" que j'ai découvert le théâtre sartrien. Jusqu'alors, je ne connaissais de cet auteur que la philosophie et l'oeuvre autobiographique.
L'autobiographie m'avait plu ; le théâtre m'enchanta.
Je le lus avec le plus grand intérêt.
La première pièce, "Huis clos", est une démonstration de l'absurdité a priori de la condition humaine, destinée, comme "L'étranger", de Camus à nous donner le sentiment de l'absurde.
La deuxième, "Les mouches" est l'illustration des principes existentialistes sartrien : elle montre un personnage, affirmant sa liberté, face au reste du monde qui la refuse.
Les deux pièces sont d'une puissance étonnante ; les répliques des personnages sont travaillées, ciselées. Chacune apporte à la pièce une grande puissance.
J'ai été positivement impressionné par le talent déployé par l'auteur des "Mots".
Talent divers, qui plus est, puisqu'il s'agit de pièces que tout oppose : l'une, "Huis clos" a un sujet contemporain de l'époque sartrienne, l'autre, "Les mouches" tire sa thématique de la mythologie antique, et, tandis que dans "Huis clos", la folie et le non sens règne, "Les mouches" est la peinture d'un monde ordonné, mais oppressé par la mauvaise foi.
Dans tous les cas, il nous dépeint de beaux personnages, que ce soit les veules et pourtant tellement humains personnages de "Huis clos" ou la belle, grande et héroïque figure d'Oreste, dans "Les Mouches".
Magnifique à tout point de vue !...
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