Voilà un roman bien prometteur, qui évoque immédiatement Ratatouille, ce film adorable où un gentil rat devenait un véritable cuisinier. Mais la comparaison s'arrête vite là :
Firmin est tout, sauf attachant et mignon ; laid, bavard, prétentieux, imbu de son érudition, il méprise ses congénères autant que les hommes semblent le mépriser. Avec un conte anthropomorphique exaltant la solidarité et la tolérance, sur fond d'hommage aux valeurs de la littérature,
Sam Savage signe ici son premier roman (à 65 ans passés, comme quoi on peut vraiment découvrir sa vocation sur le tard) mais ne parvient pas à tenir la distance. Certaines réflexions, notamment sur l'exclusion, la peur de l'étranger, l'amitié (sans parler de cette magnifique ouverture sur les incipit de roman, avec un bel effet de mise en abyme qui n'est malheureusement pas réitéré dans la suite du roman) sont habilement menées, sans dogmatisme ni manichéisme de mauvais aloi, mais l'humour, même noir, qui aurait pu faire de ce roman un bon livre, fait cruellement défaut, les réflexions amères du rat sur l'humanité ou la littérature deviennent de plus en plus agaçantes et péremptoires, et malgré quelques jolies formules ou trouvailles lexicales, l'ensemble reste plat, voire carrément lourd, et le petit rongeur intello et pervers (en dépit de son titre, ce livre n'est absolument pas à conseiller aux enfants, ne serait-ce que pour les passages où
Firmin évoque son désir incestueux pour sa soeur à la croupe visiblement bien rebondie) ne parvient pas à susciter l'enthousiasme du lecteur, ni même sa sympathie.