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Marc Amfreville (Traducteur)
EAN : 9782882504609
176 pages
Noir sur blanc (06/04/2017)
3.5/5   22 notes
Résumé :
À l’heure où la vie s’achève dans un corps décrépit, le monde se réduit à la dimension d’une fenêtre, l’œil d’une maison en ruine où un homme, Harold Nivenson, remue ses souvenirs pendant que l’on convoite déjà ses biens.
« Au moment crucial où les âmes se choisissent une enveloppe, je me suis trompé d’espèce », pense-t-il du fond de sa tanière d’où il épie les jeux des enfants, le va-et-vient des voisins, leurs pantomimes dans les maisons d’en face, les arb... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Un vieil homme (très) aigri observe le monde à travers sa fenêtre, et nous fait part de ses réflexions. Est-il si vieux ? Ce n'est pas sûr ; en tout cas, il se sent vieux.
Le récit est fragmentaire, il entremêle le passé du vieil homme (Harold Nivenson), et le présent. Peu à peu, la personnalité du narrateur devient plus claire, plus précise. Son aigreur provient d'avoir été et d'être un "artiste mineur", un écrivain qui n'est jamais parvenu à écrire une oeuvre. On découvre son amitié avec Peter Meiniger, un peintre qui le fascinait. Et l'envie, la jalousie qu'il a éprouvé envers lui. Son impossibilité, et partant l'impossibilité pour le lecteur, à savoir, ou admettre, que Meiniger était un grand peintre, -ou pas.
C'est donc une réflexion sur l'art, plus exactement sur l'artiste, que ce livre. L'artiste est celui qui, comme Harold, par une mise en abîme initiale de l'auteur, regarde le monde à travers une espèce de vitre, qui à la fois le coupe de la réalité et lui donne un cadre plus ou moins factice où s'exprimer et où condenser le réel pour lui donner un sens. Harold est derrière la vitre, Harold voit le cadre, mais Harold n'est jamais parvenu à créer. C'est un artiste raté. Il y a une grande tristesse dans cette constatation, dans cette lucidité qui, finalement, ne sert à rien. Mieux vaudrait être idiot.
Harold en est à envier les grands artistes qui sont devenus fous, se sont suicidés, ou les deux mon général, Virginia Woolf, Sylvia Plath, Van Gogh, Nicolas de Stael etc...La liste est longue, il ne fait pas bon être derrière la vitre.
Le roman est assez intéressant pour cette réflexion sur l'artiste, moins fréquente que la réflexion sur l'art, mais elle présente le défaut de ne pas être très originale. Par exemple, moi, je la préfère exactement semblable et pourtant profondément dissimulée dans des romans qui ne paient pas de mine et sont pourtant géniaux, au sens strict : Cinq petits cochons, d'Agatha Christie, à travers le personnage du peintre Amyas Crale, et le Vallon, à travers le personnage de la sculptrice. Voilà, il y a quelque chose d'un peu pédant dans la pose du vieil homme torturé par l'échec et qui fait un cours de philo de terminale sur la malédiction de l'artiste. Ca me fait toujours penser à Josiane Balasko dans Les Bronzés, disant à Christian Clavier en string :
-Tu te mets toujours les fesses à l'air pour réciter du Saint John Perse ?
Je trouve que notre narrateur a un peu les fesses à l'air pour réciter son cours de philo.
Bon, sinon, le procédé du dévoilement progressif de l'histoire personnelle d'Harold est assez réussi, ainsi que ses rapports avec Meiniger, sa femme qui apparaît tout d'un coup, et son fils. Finalement, c'est l'intrigue basique qui retient le lecteur, enfin moi en tout cas.
C'est aussi un texte qui a la politesse d'être court et d'aller droit au but, sans qu'on ait une impression de bâclé.
Un lecture agréable, donc, particulièrement réservée aux amateurs de vieillards aigris en string, avec, je le signale sans spoil, une très belle fin.
Je finirai, et c'est rare, sur l'objet-livre, qui est vraiment réussi (bravo à l'éditeur Notabilia). La page de garde rouge, c'est beau, ça va parfaitement avec la couleur des pages, ça a ravi mon regard pendant toute ma lecture.
Je remercie donc Babelio et les éditions Notabilia pour m'avoir fait rencontrer Harold Nivenson et son double (???) Sam Savage.
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Harold Nivenson: vieux, impotent, aigri, artiste mineur et ami dans sa jeunesse avec le défunt et grand peintre Peter Meininger; suffisamment intelligent et lucide pour jeter sur sa vie un regard triste et désabusé.

Qui a-t-il été, finalement, sinon cet homme pédant qui s'est caché à l'ombre de Meininger et inventant toutes les excuses possibles pour ne jamais accomplir l'oeuvre de sa vie?
Sa vie s'achève dans cette maison délabrée qui a hébergé, dans le passé, peintres et admirateurs, pseudo-intellectuels en manque de reconnaissance. Aujourd'hui, Nivenson se laisse sombrer peu à peu, puisque son vieux chien, Roy, l'a quitté lui aussi, lui enlevant par la même tout intérêt pour la vie. Sa vie se restreint à l'espace entre son lit et la fenêtre par laquelle il observe ses voisins, espace temporel également pour un va-et-vient entre passé et présent.

Si le premier réflexe du lecteur est de détester ce misanthrope ou du moins d'en être dégoûté, on finit par comprendre qu'au delà des mots, il y a une sensibilité meurtrie.

L'objet est beau et agréable, le thème est émouvant et la construction du récit, composé de paragraphes de différentes strates temporelles, est intéressante mais très artificielle et et visible. Difficile de se laisser prendre totalement par le récit.
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Originaire de la Caroline du Sud , Sam Savage, né en 1940, vit maintenant à Madison, Wisconsin.
Son doctorat en philosophie obtenu à l'Université de Yale lui a permis d'enseigner quelques temps mais il a aussi été mécanicien, pêcheur, charpentier… Cet homme qui travaille de ses mains et de la tête, prend ici la plume pour écrire, apparemment à propos de l'Art, de la peinture et du monde artistique où les carrières se font et se défont selon l'humeur du public moyen endoctriné par le critique d'art et les marchands-requins des toiles dont la valeur n'est jamais exacte.
Le regard qu'il porte sur ce monde est impitoyable ! Celui qu'il porte sr la vie n'est pas plus clément.
Avec son roman Moi, Harold NIVENSON, si Sam SAVAGE tourne autour de l'art, il se centre surtout sur la décrépitude d'un vieil ours solidaire, mal léché et chargé de tous les défauts du monde. Harold NIVENSON est, en effet, nihiliste, nombriliste, égoïste, acariâtre, de totale mauvaise foi et de compagnie insupportable ! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est lui. Car la seule voix, le seul point de vue qui est exprimé dans ce récit de fin de vie est celui du mourant fou qui est sans doute fou depuis longtemps et probablement mort-né, ou à peu près, tant ses parents n'ont rien pu lui donner comme affection et envie de vivre, pas plus que ses frères et soeurs qui le torturaient !
Harold NIVENSON veut écrire un Manifeste. Il ne sait pas trop de quoi, peu importe. Un manifeste sur le théorème du bonheur, peut-être, dit-il. Mais sa vie a-t-elle seulement croisé le bonheur? A-t-il quelque chose à en dire? de quoi peut-il manifester si ce n'est de son aptitude à l'échec !
Il a toujours voulu écrire. Il a rédigé des milliers de fiches, telles les pièces d'un puzzle à assembler un jour. Son récit d'ailleurs prend la forme d'une juxtaposition de multiples paragraphes, sans lien apparent, réduits parfois à une phrase, au vide d'une idée qu'un observateur de sa vie aurait pu dire. Il a aussi essayé de peindre. Mais, il le sait et le dit, il n'a jamais été un artiste majeur.
Rongé par la solitude, assoiffé de reconnaissance, emmuré dans un besoin de paraître, il se fera ami du peintre Peter Meiniger qui en profitera pour vivre à ses crochets et lui prendre sa femme. Disposant d'une petite fortune, H. NIVENSON se lancera dans l'acquisition inconsidérée de croutes peintes par les amis de son ami qui, tous nuisibles et pique-assiettes, ne manqueront pas de lui faire une cour l'élevant au rang de mécène et critique d'art incontesté. Mais, Artiste, il ne le sera jamais !
La vieillesse étant là, il ne lui reste plus que sa maison en aussi grand délabrement que son corps, Moll, la femme que peignait son ami, s'occupe de lui, ramasse sa merde et change ses draps. le seul être qui accompagnait sa vie, Roy son chien est mort. Il ne sort plus, vit entouré des croutes accrochées partout dans la maison et subit les assauts de son fils et sa soeur qui guettent, rapaces, le moment de le spolier de ses biens.

N'ayant donc plus rien à vivre d'exaltant, Harold se complaît dans la noirceur de son regard sur le monde, sur lui, sur les habitants de son quartier et sur sa vie qu'il se repasse en boucle de manière neurasthénique.
Ce livre est triste, lourd, pesant sur l'âme d'un lecteur lui-même vieillissant mais gardant pourtant un regard ensoleillé sur tout ce qui peut encore être beau dans le crépuscule d'une vie. Bref, une lecture choc ! Il faut cependant reconnaître à Sam SAVAGE une plume qui sait dire le noir et le faire vivre tout en permettant au lecteur de ne pas s'y enfermer. Il y a, dans son écriture, une proposition de vision du monde qui ne s'impose pas. Un regard à propos duquel l'auteur lui-même ouvre une réflexion.

Merci à Masse Critique et aux Editions Noir sur Blanc de m'avoir permis de découvrir cet auteur.
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Qu'il est bon de devenir ami de Harold Nivenson l'espace de quelques pages !
Quelle chance de pouvoir être le témoin privilégié de la relecture de sa vie.
Une vie pleine d'amertume, de regrets, de sourires, d'envies et de rêves non assouvis.
Une vie pleine de rencontres parfois enrichissantes, souvent destructrices.
Une vie entre espérance et souffrance, entre engagement et démission, entre lumières et ombres.
Le caractère râleur et le ton critique de ses propos pourraient faire de Harold un personnage détestable.
(C'est évident que dans la vie réelle j'aurais tendance à fuir ce genre d'humains).
Pourtant, au long des pages, sa présence a soulevé en moi une once de compassion, un souci de protection, une envie d'aimer ce vieillard en manque de tout au crépuscule de sa vie.
Car il faut le dire, Harold Nivenson est attachant.

Ce vieillard n'est pas n'importe quel vieillard. C'est un passionné d'art, du Vrai, du Beau, de l'Authentique. Pas celui qui compte les ventes aux sommes faramineuses. Pas celui qui couvre les murs des musées, les pages des magazines spécialisés. Mais celui qui révèle la profondeur de l'âme de celui qui peint.
Harold Nivenson aurait aimé être l'un de ces artistes.
Celui qui a gardé une âme d'enfant, celui qui peint les étoiles et les fait briller dans les yeux des autres.
Pour certains pseudo artistes, Harold s'est sacrifié, s'est oublié. Ce qui plonge ses derniers jours dans un bol d'amertume et de tristesse.

Cette lecture pourrait être morose. Elle m'est apparue au contraire lumineuse.
Sam Savage a su distiller à travers la lenteur de ses lignes, le choix de ses mots, une douceur et une tendresse infinies.
Moi, Harold Nivenson... Un livre d'une profondeur insoupçonnée que je recommande vivement.

Un grand merci à Babelio à travers sa Masse Critique et aux Editions Noir sur Blanc pour cette belle découverte !

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Lorsque j'ai lu les premières pages de « Moi, Harold Nivenson » je me suis dit « Oh la la, je vais jamais pouvoir entrer dans ce livre… » mais comme je suis d'une époque – pas si lointaine quand même – où on disait volontiers aux enfants : « Quand on n'aime pas, faut se forcer », j'ai repris le cours de ma lecture. Et peu à peu, je me suis prise d'affection pour ce vieil Harold, atrabilaire, nihiliste, narcissique, injuste, misanthrope au point de se haïr lui-même avec la plus extrême vigueur. On l'aura compris, Harold a toutes les qualités ! Un gai luron, vraiment, qui philosophe grave en mode dépression et qui coupe les cheveux, non en quatre ou en huit, mais bien à la puissance de calcul exponentielle d'un ordinateur. C'est qu'il est sans indulgence aucune et qu'il souffre, physiquement, moralement, au point que le lecteur finit par être atteint de compassion. Au fond, il n'est pas méchant Harold, mais terriblement malheureux, il a un sentiment de manque ; il manque un élément au puzzle de sa vie, ce petit plus qui lui donnerait enfin, en fin de vie, un sens à sa vie.
Franchement, en tant que lectrice, j'ai eu du mal à comprendre ce qui pouvait le rendre malheureux à ce point. Certes il a eu une enfance malheureuse, incompris qu'il était par ses parents et maltraité par ses frère et soeur. Oui, il a ouvert sa maison à toute une bande de parasites ingrats et offert son amitié à au peintre Meininger, qui en retour lui a piqué sa compagne. Bien sûr il y a laissé sa fortune. Hélas, son fils et son ex-femme s'empressent surtout à faire estimer la valeur des tableaux qu'il a conservés de son ami peintre. Et voilà, maintenant, il est vieux, malade, vraiment décati...
De toute façon, c'est lui qui le dit. Personne d'autre ne donne un autre point de vue. Il dit aussi qu'il a eu l'amitié véritable de Roy, son ami à quatre pattes ; qu'il est désormais entouré des soins de Moll, la femme qui figure sur les tableaux de Meininger.
Resterait-il, alors, un frêle espoir de résilience ?

« On ne peut pas raconter sa propre histoire, on ne peut même pas la vivre. » C'est Harold qui le dit.

Je remercie Babelio dans le cadre de "Masse Critique" et les éditions Noir sur Blanc, de m'avoir permis de découvrir ce livre.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Quand on tombe, on est saisi par une panique soudaine. On tend la main, on essaie de se raccrocher au vide. Mais alors que la distance au sol diminue, la panique cède la place à la résignation, et tandis que le présent se dilate et que le champ du possible s'amenuise, dans le millième de seconde qui précède l'impact, quand la porte de l'avenir se referme enfin, on est soudain pris d'un immense ennui qui ne dure pas. Alors, c'était ça la vie, se dit-on. On serait tenté de bâiller, mais on n'en a pas le temps.
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J'ai toujours été fou, mais pendant la plus grande partie de ma vie je me suis cru normal. Je pensais que n'importe quel test objectif démontrerait combien j'étais tristement normal. J'aurais voulu être atteint d'une folie intéressante et romantique, au lieu de cette folie banale dont j'ignorais l'existence. Meininger qui, lui, avait l'air complètement dément, qui se fit pour ainsi dire un nom comme artiste fou, était en secret et à cent pour cent un intrigant parfaitement sain d'esprit.
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Les gens heureux, ai-je commencé à me dire récemment, assis à ma fenêtre, sont le plus souvent de nature conviviale. Ils se reconnaissent entre eux au moyen de signes discrets. Ce quartier en est plein. Le week-end, ils se rassemblent par grappes dans leurs jardins et les parcs, ils se sourient et frétillent à la manière des chiens.
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A quoi peuvent bien servir les artistes mineurs ? Quelle justification, quelle excuse peut-on bien leur trouver ? Les détritus, les montagnes de déchets produits par les soi-disant artistes, qui n'en sont pas du tout, mais qui profanent l'idée même de l'art. Plutôt que de s'appeler eux-mêmes artistes, ils devraient se considérer comme des gougnafiers.

Par mineurs, je n'entends pas inconnus. Les peintres les plus célèbres de nos jours, par exemple, sont aussi les plus mineurs, tout comme les écrivains les plus reconnus sont aussi les plus insignifiants. Ce sont en fait des artistes minuscules. Il en a toujours été ainsi, l'insignifiance et la vacuité, gonflées de leur importance, remontent inévitablement à la surface, tandis que ce qui pèse et vaut véritablement quelque chose coule résolument au fond, au moins au début, et on ne peut rien y faire.
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Les réclames insultantes, agressives et brutales qui vous violentent à la radio et à la télévision : que des gens – les spectateurs, les auditeurs, ceux qu’il est convenu d’appeler les consommateurs de mass-médias – permettent qu’on leur parle, et même qu’on leur crie dessus, de cette manière est en soi le signe le plus répugnant, le symptôme le plus révoltant d’une maladie qui détruit non seulement ceux qui en souffrent et la répandent en tous sens sous la forme d’une épidémie professionnellement propagée, mais aussi tous les autres, des gens comme moi, qui sinon ne courraient aucun risque, et réussiraient parfaitement à s’en protéger.
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