Voilà un sujet et un héros de roman particulièrement originaux. Un jeune homme suicidaire accepte de renoncer à son humanité pour devenir un objet, une oeuvre d'art et la propriété au célèbre, excentrique et mégalomane Zeux-Peter-Lama, un artiste contemporain mélange de Salvatore
Dali,
Marcel Duchamp et ORLAN, pionnière dans le body art.
Raconté du point de vue de l'homme-objet, le roman est une méditation sur la beauté, la célébrité, l'art et l'âme ! Au passage, Éric-Emmanuel Schmitt en profite pour faire la peau à notre société de consommation et au culte de l'image. Il épingle aussi le snobisme et le marché de l'art contemporain.
Le propos est donc intelligent dans son fond, bien structuré et pensé, mais la forme m'a déçu comme si, une fois sa réflexion poussée à son terme, le philosophe éclairé et le conteur raffiné qu'il y a en lui s'étaient transformés en écrivain paresseux et pressé d'en finir…
L'histoire est surprenante et m'a tenu en haleine jusqu'au bout. J'étais admiratif devant tant d'inventivité. Mais j'étais aussi agacé par la simplicité de la langue frisant parfois le roman de gare. Éric-Emmanuel Schmitt a-t-il ainsi souhaité que sa pensée s'adresse à un maximum de lecteurs ? On peut aussi voir ce style rudimentaire comme une tentative d'épurer son écriture de tout effet superficiel afin d'aller à l'essentiel tel
Hergé et sa ligne claire… Oui, il y a un côté bande dessinée dans ce court roman farfelu, parcouru de petites invraisemblances. C'est un roman qu'il faut accepter de lire comme un conte pour en sucer la moelle. D'ailleurs la dernière histoire, restée inachevée à la mort de
Hergé, a de lointains échos avec «
Lorsque j'étais une oeuvre d'art » : la dernière case de « Tintin et l'Alph-Art », esquissée par le maître de la BD belge, nous montre en effet Tintin prêt à être transformé en sculpture par son ennemi juré Rastapopoulos. L'escroc éternel a trouvé dans le marché de l'art une nouvelle source de profits !!! L'un des personnages du roman se nomme d'ailleurs le Juge Alpha… Un hommage caché ?
Malgré tout, si l'on se laisse porter par cette fable, on fait un beau voyage et l'on découvre un récit plus profond que les apparences ne nous le laissent d'abord croire ! Ce roman ferait d'ailleurs un excellent support de discussion pour des lycéens en cours de philosophie…