Dans un ouvrage érudit et mélancolique, l'historien Ralph Schor évoque le Paris qui, de 1919 à 1939, fut la terre d'accueil des meilleurs écrivains américains. Une époque bénie.
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Le moment essentiel dans la diffusion de la musique venue d'Amérique fut la "Revue nègre" dont la première eut lieu le 2 octobre 1925 au théâtre des Champs-Elysées. L'idée venait de Fernand Léger, passionné d'art africain et voulant montrer un spectacle entièrement noir. A cet effet, une troupe fut recrutée aux Etats-Unis, avec des musiciens dont Sidney Bechet, et des danseurs afro-américains. Dès la première, Joséphine Baker, alors âgée de dix-huit ans, fit sensation : relativement dévêtue, ses cheveux coupés à la garçonne, dansant avec une gestuelle endiablée et parfois érotique, elle semblait symboliser l'émancipation de la femme. L'année suivante, elle se produisait aux Folies Bergère avec, autour de la taille, sa célèbre ceinture de bananes. Dès lors, sa carrière prit un envol extraordinaire.
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Les écrivains américains cherchaient à comprendre la psychologie et l'art de vivre des Parisiens. À cet égard, ils multipliaient les observations, lesquelles se révélaient souvent contradictoires. En effet, selon les Américains, les habitants de la capitale se montraient à la fois sensuels et épris de spiritualité, audacieux et enfermés dans une routine confinant à la sclérose, formés dans une noble rationalisme et se laissant emporter par la passion xénophobe, doté d'un vif esprit critique et incapable d'appliquer celui-ci à eux même, libéraux et désireux d'aligner les nouveaux venus sur leurs critères de vie, revendiquant une culture de haut niveaux et friands de plaisirs matérielles.
En vérité, ces oppositions reflétaient les innombrables expériences auxquelles étaient confrontés les Américains.
Gertrude Stein, entre autres conseils, prescrivit à Hemingway de supprimer les adjectifs et les adverbes dont les journalistes abusent, de suggérer plutôt que de décrire ... Aux recommandations de Gertrude Stein, Hemingway ajouta la visite du Louvre et du Jeu de Paume, où les tableaux de Manet, Monet et surtout Cézanne furent pour lui une révélation. En effet, les artistes, peignant simplement, mais non de manière simpliste, obtenaient le résultat que lui-même cherchait à atteindre avec des mots : parvenir à une réalité cachée au-delà des apparences.
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Henry Miller, mal à l'aise au début de son séjour, fournit de gros efforts pour lire et parler, comprendre les dialogues des films et même écrire. En fait, il admirait le français et confia à un ami : "L'année prochaine j'écrirai dans cette langue prestigieuse. Je l'aime. J'aime la façon dont les adjectifs affluent, et les expressions nuancées, la cadence, la sonorité, la subtilité de tout cela."
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La capitale ... avait acquis un cachet unique auquel Anaïs Nin se montra toujours très sensible : "La France est vieille. Elle a le parfum, la saveur, le bouquet, la patine des choses anciennes. Elle a de l'humanité, ce que New Tork n'a pas .... En me rendant à pied de l'Opéra au parc Montsouris, j'ai compris que Paris était construit pour l'éternité et New York seulement pour le présent."
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