Oh, ce qui les remplacera, ou plutôt ce qui revivifiera la science, la religion, la philosophie et l’humanité elle-même, ce n’est l’oeuvre ni d’un homme, ni d’un jour, ni d’un siècle, ni d’une nation. Cela vient de loin et de profond, de dessous et de dessus, d’en bas et d’un haut, de partout comme l’eau des sources et la pluie qui tombe, et cela monte lentement, sûrement, comme parfois les fleuves et le niveau des mers. La sagesse primordiale a toujours existé, quoiqu’elle ait rarement gouverné officiellement. Cette sagesse éternelle, perennis quædam philsophia, n’est assurément consciente et puissante que dans les vrais sages, voyants, initiés, prophètes, génies créateurs de tout ordre. Mais elle existe aussi, infinitésimale, en nous tous, particulièrement dans les simples, sous forme d’aspiration confuse, de subconscience, de sentiment divinateur. Aujourd’hui le vaste flot arrive de toutes parts et roulera bientôt ses vagues jusqu’au pied du phare où luit la lumière ésotérique.
D’où vient cette persistance de l’idée de la pluralité des existences et de la réincarnation ? D’où sa vitalité étrange, ses renaissances périodiques et sa recrudescence à l’heure présente ? La raison en saute aux yeux. Aux âmes à la fois religieuses et réfléchies elle est toujours apparue et apparaît plus que jamais comme la seule hypothèse rationnelle pour expliquer l’antériorité de l’âme et sa survie après la mort. D’autre part, elle s’accorde avec certaines hypothèses de la science actuelle, notamment avec celle de l’évolution des espèces, mise en branle par les théories partiellement vraies de Darwin, théories popularisées par ses innombrables disciples.
Dans le livre que j’imagine, on verrait ensuite que, pour combattre les désolants effets moraux qu’ont produits involontairement ces puissants écrivains, un certain nombre d’esprits honnêtes et sérieux, disciples de Pascal et de Kant, ont imaginé ce que j’appellerai la philosophie des cloisons étanches. Cette philosophie met, dans un compartiment, la vérité morale et religieuse, prouvée par la conscience, dans l’autre, la science du monde extérieur, prouvée par le témoignage des sens et de la raison.
Intuition, Expérience et Synthèse résument la méthode de toute science.
Elles coopèrent plus intensément, plus étroitement encore dans la Sagesse ésotérique. C’est parce que les Idées dont je parle ne sont pas les idées abstraites, mais les forces organisatrices de la création, les moules dont se servent les Puissances spirituelles qui la gouvernent, sous l’action de l’Esprit vivant, du verbe éternel, du Dieu des Dieux ; c’est pour cela que ces Idées peuvent servir de clefs universelles.
Pareil à l’homme, l’univers est un édifice à trois étages. Il se compose du monde physique, ou de la matière pondérable, du monde des âmes ou individualités sensibles et pensantes et du monde divin ou des forces
cosmiques, puissances spirituelles, qui gouvernent le monde au moyen des Archétypes ou Idées éternelles.