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Kim Andringa (Traducteur)
EAN : 9782383611905
Globe (05/10/2023)
3.92/5   6 notes
Résumé :
170 000 Juifs ont été assassinés dans le centre d’extermination nazi de Sobibór, situé dans la Pologne actuelle. Après le soulèvement du 14 octobre 1943, le centre a été démantelé ; les preuves ont été effacées. La nature a repris ses droits et de Sobibór ne restaient qu’une forêt et les photographies prises par l’officier SS Johann Niemann, qui ne montrent pas de chambre à gaz, ni de train, ni de gens, ni de terreur. En 2014, un groupe d’archéologues a retrou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ivar Schute est archéologue. Là où certains rêvent de pyramides égyptiennes, de cités englouties ou de pierres incas, Ivar garde malheureusement bien les pieds sur terre. Sous terre, devrais-je même dire, le propre de son métier, de sa passion. C'est bien dans son propre pays qu'il commencera ses recherches et se spécialisera dans un domaine particulier : les camps ou les anticamps. Camps de travail dans son pays, les Pays-Bas, Westerbork pour commencer, avant d'être appelé sur des camps de concentration en Allemagne, Bergen-Belsen, poursuivant toujours plus vers l'Est et les camps d'extermination de la Pologne, Treblinka, Sobibór...

La question qui me vient à l'esprit immédiatement, c'est pourquoi et comment. A la pourquoi, ce sont en priorité des fondations ou des gouvernements qui veulent créer un mémorial, sur les fondations même de ces camps et qui souhaitent ainsi déterrer un peu de cette sombre histoire pour ne pas l'oublier. A la comment, l'auteur laisse quelques bribes par ci par là. Il évite de trop s'impliquer, et pour cela se concentre sur la terre et ses artefacts, tous ces bouts d'objets humains enfouis sous des décombres de terre et de poussière. Alors le soir, ils boivent tous des bières ensemble, rigolent et écoutent Can ou Kraftwerk. D'ailleurs, je fais pareil, bien que je sois loin d'Auschwitz.. En binant mon jardin, pinte de bibine à la main, je découvre une molaire cassée. Point final de mon histoire. Une autre molaire cassée, découverte par Ivar, raconte une toute autre histoire, surtout si elle a été déterrée à proximité d'une chambre à gaz.

Le soleil se lève lentement, une légère brume se disperse, s'échappe de ce pré champêtre, ballade bucolique du vent et des papillons d'un jour, d'une nuit. Pourtant « le charnier est toujours là, couvert à présent de jolies plantations et surmonté d'une grande croix de bois. » Il est invisible et dort sous terre depuis quelques décennies. Faut-il le réveiller ou l'oublier ? D'ailleurs il n'est pas rare de voir certaines maisons aux Pays-Bas ou en Pologne reposant sur les décombres de certains anciens baraquements. Point de places perdues, réutilisation des matériaux de construction. Ainsi va la vie, elle avance sur les décombres des charniers.

Bien sur, il pourrait y avoir de l'émotion à lire sur la découverte d'ossements ou de lunettes. Sauf que l'auteur semble s'y refuser, comme pour s'y protéger. Il reste donc dans les faits et les artefacts. L'émotion, je vais peut-être la chercher entre les chapitres, lorsque je ferme les yeux et que je me fabrique les images de ma propre zone d'intérêt. Comme un livre pour un public large, Ivar ne rentre pas trop en détail dans la science de l'archéologie, un beau métier que de faire revivre le passé par la mise à nu de quelques briques, même si « La faillite humaine concrétisée en briques, elle est là. » Raconter des histoires à partir d'un simple bout d'objet au milieu d'une terre oubliée, d'une terre encombrée de décombres et de souvenirs, une terre lavée de pleurs et de cendres. A l'ombre d'un papillon de nuit est l'histoire d'un archéologue et un lecteur sur les traces de la Shoah.
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« C'est arrivé et tout cela peut arriver de nouveau : c'est le noyau de ce que nous avons à dire » - Primo Levi. La citation qu'Ivar Schute a placé en exergue de son ouvrage À l'ombre d'un papillon de nuit donne le ton. Il s'agit d'écrire pour ne pas oublier. Il s'agit aussi et surtout, pour l'archéologue néerlandais, de fouiller pour ne pas voir disparaître les traces de la Shoah. Faire ressurgir une matière qui a tant à nous dire sur l'horreur vécue. de Westerbrok à Bergen-Belsen, en passant par Treblinka et Sobibór, Ivar Schute consacre sa vie à rendre visible l'invisible, ce qui a été détruit, brûlé, enfoui. Il y a quelque chose qui relève du devoir et de la nécessité, comme une urgence aussi. Les informations sont nombreuses, le fil n'est pas toujours évident à suivre, il faut lire l'ensemble comme un compte-rendu, une sorte de journal de bord où les détails – factuels et chiffrés – côtoient les grands questionnements, comme le respect de la Halacha ou encore le combat contre le négationnisme. C'est une oeuvre dense et riche que j'ai lue en partie lors d'un voyage d'étude récent en Pologne, ce qui lui a donné une coloration particulière. Je la recommande, pour son approche originale de la Shoah.

Lien : http://aperto-libro.over-blo..
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Ce livre présente un texte fort, puissant. L'auteur qui a témoigné à travers des conférences, des articles et des entretiens, a souhaité aller plus loin en offrant cette lecture. En effet, avec son équipe, il a ressorti des fondations de chambres à gaz, à Sobibór où plus de 170 000 juifs ont été assassinés. Il retranscrit ainsi dix ans de recherches avec les idées et pensées qui l'ont accompagné.
Comme il est archéologue, il fouille et met au jour des éléments qui parlent du passé. Il doit faire preuve de délicatesse car certains objets racontent la vie de personnes disparues. Il faut trouver l'équilibre sans blesser personne, ni outrepasser les limites morales. Comme il touche ce qu'il découvre, il a une relation presque physique avec la Shoah. Certains critiques ses recherches, il se fait parfois attaquer par les administrations ou les négationnistes. A contrario, d'autres s'intéressent de manière positive à ses investigations. Tout est question de dosage et il doit parfaitement mesurer ce qu'il dit, gérer ce qu'il découvre et être vigilant pour chaque mot.
Il écrit qu'il n'est pas un historien mais il s'exprime sur des faits historiques en partageant des réflexions philosophiques. Pour lui, les fouilles archéologiques ont un rôle lié à un processus de commémoration et de conservation du patrimoine. C'est intéressant de comprendre son point de vue, je le partage totalement. Je n'ai jamais senti de voyeurisme dans son texte. Ses remarques sont édifiantes, on sent bien qu'il n'a pas rédigé tout cela a la va vite, c'est soigneusement pesé, analysé et réfléchi. Il s'interroge sur la politique patrimoniale des autorités concernées s'occupant de ces traces et vestiges.
Dans les premières pages, une carte nous montre tous les lieux explorés par Ivar Schute. Certains sont plus connus que d'autres mais il a tenu à aller partout. C'est un homme modeste, humble, qui a peur que son propos soit mal interprété, mal compris. Il décrypte finement ce qu'il observe, ce qu'il ressent.
Son écriture est fluide, précise (merci à Kim Andringa pour la traduction). Il partage ce qu'il voit, ce qu'il vit au plus profond de lui, puis il prend de « la hauteur » et porte plus loin son regard, son étude. Il s'est énormément documenté pour donner de l'étoffe à sa narration. Tout est précis, clair, complété par ses pensées personnelles qui apportent un éclairage supplémentaire.
J'ai beaucoup apprécié cette lecture que j'ai trouvé représentative d'une période terrible. J'ai appris des tas de choses, retenu et engrangé des informations. C'est un opus que je conseille, que je vais prêter car j'ai envie d'échanger sur tout ce que j'ai lu.
Ce recueil est une mine d'informations précises, de souvenirs. C'est ainsi que s'inscrit l'Histoire (avec un grand H) car par l'intermédiaire de tels écrits, nous n'oublierons pas. La souffrance des personnes ayant subi le pire sera honorée, on parlera d'eux, on entretiendra leur mémoire sans haine, sans pathos mais en toute lucidité. Et on fera tout pour que « plus jamais ça ».

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Ce livre je l'ai lu comme on découvre le livre de bord d'un archéologue dans ses fouilles sur les lieux des grands massacres perpétrés par l'armée  allemande pendant la seconde guerre mondiale envers les Juifs.

     C'est un récit construit sans réelle progression, pas de chapitres où l'on avance dans l'histoire mais plutôt des titres de petites parties où l'auteur relate un fait de recherche sur tel ou tel camp qui lui est amené à fouiller.

     Pour tout vous dire je ne me suis pas plongée pleinement dans les faits car je les ai ressentis comme purement factuels et il m'a manqué le côté émotionnel.
Par contre c'est tout à fait logique compte tenu du fait que ce n'est pas un roman, une fiction, mais bel et bien un livre sur les visites professionnelles de cet archéologue pour retrouver des restes, des objets, des traces...

     Alors je ne suis pas déçue et je dirais même que malgré le côté factuel, il est un très bon livre qui permet de garder en mémoire ces événements tragiques avec un point de vue extérieur et scientifique.

Je remercie Babelio pour m'avoir permis de lire ce livre via la Masse critique Babelio.
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Ivar Schute est un archéologue spécialisé dans les camps de concentration et centres d'extermination nazis. Dans À l'ombre d'un papillon de nuit, il explique les travaux qu'il a menés durant des dizaines d'années pour mettre au jour les lieux où les Juifs ont été déportés et exterminés. D'origine néerlandaise, il connaît particulièrement le sort qui a été réservé aux Juifs de cette nationalité et nous parle de camps moins connus du grand public, comme Westerbork aux Pays-Bas, camp par lequel a transité Anne Frank avant de mourir à Bergen-Belsen.
Son travail consiste donc à fouiller les camps pour faire revivre le passé et obtenir de nouvelles informations sur la Shoah. Quand il déterre des objets, ces objets parlent et racontent la vie d'individus. Ivar Schute a participé à la fouille qui a permis de faire apparaître les chambres à gaz à Sobibor.
Il explique les diverses difficultés qu'il rencontre dans ses recherches. Par exemple, il faut suivre la Halacha : la loi juive ne permet pas de déranger les morts dans leur sépulture (fût-elle un horrible charnier). Il faut donc creuser de minces puits, explorer avec précaution en respectant les règles données par les rabbins. Dans d'autres cas, le problème est le site lui-même, parfois transformé en musée et inexploitable. Il donne l'exemple de Bełżec, centre d'extermination (tous les Juifs qui y étaient transportés étaient voués directement à la mort), recouvert de nos jours de multiples cailloux symbolisant les morts. le problème est que ce mémorial et ce dispositif empêchent toutes fouilles et fige Bełżec dans son passé dont on ne saura rien de plus.

La suite sur le Manoir des lettres.


Lien : https://lemanoirdeslettres.f..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
En amont de mes recherches, des témoignages de victimes et de bourreaux m'ont appris ceci :
À un endroit donné dans une forêt polonaise, au milieu des marécages et près d'une ligne de chemin de fer, il y a eu un camp. De ce camp, il ne reste rien. À la suite d'une évasion les nazis l'ont fait raser et y ont planté un bois. C'était un petit camp, car peu de personnes y travaillaient : tous ceux qui y arrivaient étaient aussitôt assassinés ; parmi eux, beaucoup de Néerlandais. Ces victimes étaient dépouillées de leurs biens personnels dans quelques baraques construites aux abords immédiats de la voie ferrée. Elles devaient ensuite parcourir un long corridor jusqu'à la seule construction entièrement en pierre : les chambres à gaz. Trois, puis après des travaux, six chambres à gaz. Les femmes étaient tondues en chemin, dans une baraque dédiée. Un chemin de fer à voie étroite amenait directement malades et personnes âgées dans des wagonnets à une place d'exécution. Tous les morts étaient extraits des chambres à gaz, leurs plombages en or étaient arrachés, et les corps finissaient brûlés sur de grands bûchers. Les cendres et autres restes crématoires étaient enfouis dans de grandes fosses.

Voici les résultats de dix années de fouilles :
À l'endroit indiqué de la forêt, parmi les fondations d'un certain nombre de constructions en bois, nous avons trouvé des quantités énormes d'objets dans de grandes fosses, des objets tout à fait ordinaires : assiettes et couverts, dés à coudre et tubes de dentifrice. Une part importante de ces objets se sont révélés provenir des Pays-Bas, parfois de personnes qui avaient été internées à Westerbork. Nous avons aussi mis au jour le début d'un chemin de fer à voie étroite, que nous avons renoncé à suivre. Nous avons en revanche entièrement excavé deux fossés. Il s'y trouvait des palissades qui formaient ensemble un long corridor de plus de deux cents mètres. Un petit embranchement conduisait aux vestiges d'une baraque où nous avons découvert des épingles à cheveux et des ciseaux. Le corridor débouchait sur un bâtiment en pierre avec huit pièces presque identiques. Dans un espace supplémentaire à l'arrière du bâtiment, nous avons retrouvé des boulons et des écrous. En passant au crible le sable juste à côté du bâtiment, nous avons pu récupérer des fragments de dentiers, des dents en or et des molaires brisées. Et derrière le bâtiment se trouve une zone plus grande qu'un terrain de foot, qui comporte une série de fosses. Dans ces dernières, des cendres et des restes crématoires d'origine humaine ont été découverts jusqu'à une profondeur de cinq mètres.
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Dans la collection du Mémorial de Bergen-Belsen se trouvent quelques milliers d'objets découverts dans le sol. Ces trouvailles ont été collectées dans le cadre du projet Spurem suchen - Spuren sichern (« Chercher des traces - sauver des traces »), durant lequel des groupes de jeunes ont débarrassé les sols en béton des baraques et d'autres fondations de la terre et de la végétation qui les recouvraient, et recueilli les artéfacts. C'est un procédé courant en Allemagne, où l'on organise des « colonies archéologiques » dans ce type d'endroits comme une forme de travail éducatif.
La manière dont les trouvailles étaient exposées m'a fait réfléchir. Comme à Westerbork et Sobibór, j'ai vu que l'approche d'un centre commémoratif est une perspective fortement matérialiste, ce qui n'est pas sans une certaine logique. On parle d'objets, et en effet ces derniers ont un fort pouvoir expressif dans ce domaine. Mais l'archéologie consiste en premier lieu à établir des liens entre les traces et les artéfacts. C'est le contexte dans lequel nous découvrons l'objet qui est important, plus que l'objet lui-même. Une molaire cassée est une molaire cassée, cependant si elle a été retrouvée près des fondations d'une chambre à gaz, sa découverte nous raconte une toute autre histoire.
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L'étoile de David gravée sur cet arbre à Barneveld symbolise le plus grand génocide de l'histoire, mais la personne qui l'a dessinée avait sans doute à peine conscience qu'il se déroulait à ce moment précis. Et cette personne aurait pu être Ida Simons.
Ida Simons mourut avant l'heure en 1960, à la suite des privations qu'elle avait endurées : "Et alors arriva Hitler... Combien de fois n'ai-je entendu ces quatre mots, qui marquaient toujours le début d'un récit plein de malheurs. Parfois, je suis prise du désir honteux de les entendre prononcer pour une fois par quelqu'un pour qui ils marquèrent le début de l'apogée de son existence, puisque pour des dizaines de milliers de personnes cela a bien dû être le cas."
L'étoile de David reste visible tant que l'arbre demeure sur pied.
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Treblinka est qualifié de camp d'extermination, mais s'agit-il bien d'un camp à proprement parler ? A Treblinka, on n'emprisonnait pas les gens, on les assassinait. En ce sens, il conviendrait plutôt de parler d'anticamp. L'image classique d'interminables rangées de baraques, de plaines infinies et de vastes groupes de prisonniers ne tient pas : Treblinka était petit et compact. Il n'y avait que quelques baraques, car seul un nombre très restreint de travailleurs forcés y vivaient, chargés de confisquer les possessions des victimes. Le reste du camp : une chaîne de destruction qui menait à une mort anonyme.
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Sobibór est un site sans vestiges visibles en surface, qui laisse une grande place à l’imagination. Traditionnellement, la culture commémorative insistait fortement sur la « résistance », compte tenu de l’évasion organisée par les soldats soviétiques. Films, documentaires et livres ont exploité ce thème. De ce fait, la narration centrée sur les victimes majoritairement juives était reléguée à l’arrière-plan. L’archéologie a dans une certaine mesure rompu avec cette tendance. Les objets personnels jouent en cela un rôle important en tant que supports de signification qui déplacent l’attention de la perspective du grand nombre vers les récits biographiques que relaient les objets individuels, ainsi que vers la valeur symbolique qui émane de ces objets, qu’ils aient appartenu à une victime ou à un bourreau.
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