Je n'oublie pas ce livre de
Laurent Seksik, Les derniers jours de
Stefan Zweig, ces mots mélancoliques emportant cet écrivain autrichien en exil au Brésil avec sa nouvelle femme, vers une destinée Camusienne absurde, le suicide. Ce roman
Un fils obéissant livre l'intimité de notre auteur à travers l'hommage rendu à son papa, mort dernièrement à l'hôpital de Tel Aviv. Ces autres romans sont une partie lui aussi, une forme intérieure de sa richesse intérieure, de ses mots venus à lui à travers ses auteurs qu'il met en scène dans sa propre prose comme un échange fluctuant, une traversée de son intérieur de l'intérieur, où
Romain Gary partage comme le fils d'Einstein une scène de sa propre existence.
Un fils obéissant au contraire dans un style direct avec un "je" nominatif, ce "je" qui l'aspire dans son propre passé et celui de ces aïeux, une porte ouverte dans sa propre existence, un roman précurseur d'une force certaine,
Laurent Seksik s'écrit enfin tout seul, sans otage de ses précédemment romans, avec ses héros connus, il peut en lui pour se mettre en scène.
Un an après la mort de son père
Laurent Seksik se souvient de cet homme, à travers ce périple vers sa tombe en Israël, les images de lui traverse son esprit, sa prose varie selon la fluidité de ses souvenirs et la réalité qui l'entoure, cette
rencontre avec cette jeune femme dans l'avion l'amenant vers son géniteur, son père et sa propre vie entremêlée avec le récit de son père sur son grand-oncle. Une écriture triple, la narration du récit de son père, l'enfance de
Laurent Seksik et la réalité de son voyage avec la
rencontre de cette jeune femme, complice lors de ce voyage, dans un dialogue savoureux et le chauffeur de son papa.
« le grand dessein des fils n'est-il pas de se hisser à hauteur de leur géniteur en prenant soin de les dépasser de leurs épaules, puis de trainer leur peine, le dos courbé, la tête basse, accablés de leur avoir survécu ? »
Voilà un témoignage de son père lors de ce récit étrange, comme une petite nouvelle, à part de ce roman, une histoire dans l'histoire, comme un cadeau donné de son père, une forme de testament familial. du Maroc à Marseille, de la Grande Guerre aux États-Unis, cette épopée extraordinaire en soi, de l'élixir « le Jacobin » au Coca-Cola, fabule encore plus ce passage de cette famille des grands hommes simples. Cette fratrie au lien familial respire cette ode paternelle de l'histoire du grand-oncle.
Il y a une sorte de sacralisation du père et du fils modèle, débute alors une caresse musicale entre eux avec les feuilles mortes de
Prévert.
« J'ai commencé ma carrière de fils idéal, pianiste de bar à dominicale »
Il y a dans la vie de Laurent jeune, une dualisation de ces désirs face à ses parents, sa mère désire médecine, son père écrivain, alors cette pensée paternelle résonne en lui.
« Garde une poire pour la soif » Disait son paternel, pour lui être médecin pour vivre et l'écriture pour passion sera la vie de
Laurent Seksik.
Il y a dans ce récit de beaux aphorismes, des petites perles savoureuses comme des diamants taillés pour son défunt père, comme cette réplique dans un dialogue.
« Écrivain par votre père, vous êtes docteur par votre mère ? Je croyais qu'il n'y avait que la religion qui se transmettait ainsi chez vous ? »
Il y a une forme de romance dans ce roman, son père étant fantasque, « il dilapidait son argent en cadeaux », amoureux fou de sa femme, fidèle sans faille, son rêve de ne pas tromper sa femme, qu'il réalisera avec beaucoup de fierté et d'amour.
La religion flotte son étendard, comme un voile permanent sur la vie de cette famille, être juif avec ces traditions, ses faiblesses et surtout ses démons. le passage sur la Pâques juive est sublime, j'ai trop aimé, les fêtes de Pessah, la lecture de la Haggadah, puis ce lien fort entre le père et le fils comme un héritage caresse cette prose sensible et pure, une source de communion coule entre ses deux êtres, ce lien du sang puissant.
Il y a une forme de biographie cachée de
Laurent Seksik, il se raconte avec son père, sa
rencontre avec
J.M.G. le Clézio, sa bibliothèque était devenue un mausolée de Zweig en 1987, sa lecture,
le Monde d'hier : Souvenirs d'un Européen fût un évènement pour lui. Avec ses amours, ses
rencontres et cette scène incroyable dans l'aéroport pour faire
rencontrer une jeune demoiselle juive à son fils, devenant Cupidon.
J'avais trop aimé
le château de ma mère et
La gloire de mon père de
Marcel Pagnol, deux romans rendant hommage à ses parents et aussi celui de Jacqueline de
Romilly sur sa mère avec
Jeanne, une tendresse belle, à défaut de ce roman
Un fils obéissant, dans lequel mes émotions furent peu activées, comme si j'avais comme
Laurent Seksik perdu le gout de la lecture, lui à la mort de son père, une forme opacité de ma sensibilité dans le brouillard d'une lecture triple peu osmotique, mais les mots sont pour le fils obéissant un hommage émouvant, doublement avec cette tradition juive, de deuil d'un an, avec beaucoup de passages savoureux et drôle. D'autres romans comme Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan, relatant le destin de la maman de celle-ci, bouleversent les sentiments,
le Bonheur des tristes de
Luc Dietrich aussi est un hommage poignant sur sa maman, ces romans sont des petits mausolées personnels faisant partie de mes lectures dernièrement,
Laurent Seksik se livre dans ce roman, comme une révélation, un témoignage pure et sensible sur son intimité, un tournant dans ses écrits, une sorte de maturité révélatrice pour une douleur encore blessante,
Un fils obéissant est cette cicatrice ouverte éternelle, une vie immuable d'un fils à son père, mais personnellement je n'ai pas pu avoir comme les autres une once de plaisir, juste une lecture simple et plaisante sans cette émotion donnée par les autres romans cités.