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Le cissexisme s’exprime lorsque quelqu’un·e cherche à refuser à une personne transsexuelle les droits élémentaires associés au genre auquel elle s’identifie. Pour exemple, on citera notamment les personnes qui utilisent intentionnellement et obstinément de mauvais pronoms lorsqu’elle s’adressent à une personne trans, ou encore celles qui insistent pour qu’une personne trans utilise des toilettes publiques différentes. (...) En s’obstinant à considérer les genres transsexuels comme des contrefaçons, ils et elles [cissexistes] cherchent à ce que leur propre genre soit certifié « vrai » ou « naturel ». Cette façon de penser est prodigieusement naïve, dans la mesure où elle nie une réalité de base : nous élaborons quotidiennement des hypothèses sur le genre des gens, sans jamais voir leur certificat de naissance, leurs chromosomes, leurs organes génitaux, leur appareil reproducteur, leur état civil, sans jamais savoir de quelle manière ils ont été socialisés durant leur enfance. Il n’existe pas de « vrai » genre - il n’y a que le genre dans lequel nous vivons et le genre que l’on perçoit chez les autres. (p. 24)
Puisqu’en sociologie et en études de genre les universitaires ont plutôt été disposé·es à rechercher les causes sociales de la transsexualité, iels ont eu tendance à négliger ou à rejeter la possibilité que des prédispositions individuelles (le sexe subconscient) puissent amener les personnes trans à transitionner. Un tel cadrage de la problématique amène la transsexualité à ne pouvoir être comprise que comme une forme de « fausse conscience », et les personnes trans elles-mêmes à ne pouvoir être conceptualisées que de deux manières : soit comme des « dupes » (induites en erreur dans la transition par des cerbères), soit comme des « contrefaçons » (si bouleversées par leur propre expression de genre exceptionnelle et/ou leur propre orientation sexuelle atypique qu’elles sont disposées à aller jusqu’à des extrêmes telles que modifier chirurgicalement leur corps et adhérer inconditionnellement aux idéaux sexistes dans le but de rentrer dans la norme de la société hétérosexuelle hégémonique.) (p. 83-84)
Avec leur sentiment de surlégitimité lié au genre, les cissexuel·les vont probablement dire que je cherche activement à « voler » le privilège cissexuel en transitionnant et en vivant en tant que femme, mais la vérité est que je n’ai pas à le faire. En réalité, j’ai constaté que les cissexuel·les distribuent facilement les privilèges cissexuels, plus ou moins sans distinction, à des personnes qui leur sont totalement étrangères. (…) Toutefois, comme je suis transsexuelle, le privilège cissexuel que je vis n’est pas égal à celui des cissexuel·les car il peut être remis en question à n’importe quel moment. Il serait d’ailleurs peut-être plus juste de le décrire en tant que privilège cissexuel conditionnel, car il peut (et c’est souvent le cas) m’être retiré dès que je mentionne ou que quelqu’un·ne apprend que je suis transsexuelle. (p. 117-118)
Il est important de reconnaître la différence entre la transphobie (qui cible les personnes dont l’expression de genre et l’apparence diffèrent de la norme) et le privilège cissexuel (qui cible les personnes dont le sexe d’identification diffère de celui qui leur a été assigné à la naissance), tout particulièrement lorsqu’on essaie de comprendre les politiques queer/trans contemporaines. (…) Plutôt que de qualifier les règlements excluant les femmes trans de transphobes, il est plus exact de dire qu’ils sont cissexistes car ils refusent de reconnaître le genre féminin des femmes transsexuelles et de lui donner autant de légitimité qu’à celui des femmes cissexuelles. (De tels règlements peuvent aussi être qualifiés de trans-misogynes, puisqu’ils favorisent les personnes trans du spectre FTM au détriment des personnes du spectre MTF.) (p. 133)
Beaucoup d’universitaires se sont par exemple concentré·es sur le processus de transition transsexuelle pour affirmer que le genre n’apparaît pas « naturellement », mais qu’il est appris, répété et performé. Pourtant, les mêmes universitaires tendent à négliger (ou à écarter totalement) le fait que la plupart des personnes transsexuelles font l’expérience d’une connaissance d’elles-mêmes de longue date qui leur a ft comprendre qu’elles devraient être de l’autre sexe. Cette connaissance de soi subsiste malgré la pression sociale écrasante qui s’exerce sur l’individu pour qu’il s’identifie et se comporte comme un membre du sexe auquel il a été assigné, ce qui suggère fortement l’existence de prédispositions de genre naturelles et individuelles qui précèdent et/ou supplantent les normes de genre et le conditionnement social. (p. 162)