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EAN : 9782020530507
213 pages
Seuil (17/02/2002)
3.64/5   18 notes
Résumé :
L'enfant qui grandit à Azrou est inité au désir par Messaouda, la prostituée, la sorcière vénérée de tous. Son père, compromis dans l'histoire sanglante de la décolonisation, abandonne sa famille pour assouvir ailleurs ses obsession. La voix de l'enfant résonne, écho d'un peuple oublié, étouffé sous le silence d'une histoire honteuse.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Autobiographie ou autofiction ? Dans tous les cas, avec « Messaouda », l'auteur marocain Abdelhak Serhane raconte la jeunesse dans un quartier pauvre de la petite ville d'Azrou. Des nombreux frères et soeurs, une mère soumise et craintive, puis un père autoritaire et égoïste. D'ailleurs, ce dernier, après avoir éré mêlée à une affaire peu claire (contre les Français colonisateurs), devra s'éclipser et il en profitera pour retrouver le lit d'une très jeune épouse dans un village lointain. Laissée sans ressource, la famille devra survivre et Abdelhak deviendra un enfant de la rue. Mais, même avant cet événement terrible, le narrateur l'était déjà un peu.

La rue, c'est l'univers des garçons d'Azrou. Ils y jouent ensemble, y passent continuellement pour aller à la mosquée ou à la médersa suivre l'enseignement de l'imam, puis, plus tard, à l'école française. C'est là aussi qu'ils croisent parfois Messaouda, la prostituée du village, sans doute aussi un peu sorcière. Vénérée de tous – jeunes et moins jeunes –, elle envoûtera également le jeune narrateur qui entre dans l'adolescence. Il passera plusieurs nuits à rêver à elle, puis, éventuellement… je vous laisse deviner la suite.

Ce roman raconte le passage à l'adolescence du jeune narrateur mais aussi le quotidien dans la vie d'un jeune homme, le destin de n'importe quel Marocain à une époque où le pays marche vers l'indépendance. Peut-on dire la voix d'une génération ? Les peurs, les craintes, les désirs... les obsessions. Et, comme toile de fond, ce quartier pauvre d'Azrou. le café d'à côté, où les jeunes trainent sans pouvoir y acheter quoi que ce soit, le vieil aveugle qui se promène dans la rue, les prostituées, quelques figures famillières – ne le sont-elles pas toutes ? – le muezzin qui lance son appel à la prière.

C'est un voyage dans un univers fascinant – pour le lecteur – et qui, s'il n'a pas complètement changé, n'est plus tout à fait le même non plus. La très grande maitrise de la langue française de Serhane lui permet de faire évoquer cet univers sous nos yeux. Tellement que j'avais l'impression d'y être. Ses descriptions précises, sans lourdeur, quoique parfois assez crues, vont droit à l'essentiel, et la narration est étrangement bien rythmée, malgré le peu de dialogues. Décidément, c'est un auteur à découvrir et à suivre.
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Je dirai que abdelhak serhane est l'as de la littérature française. Je suis amoureuse de ses métaphores, ses descriptions , la véracité de ses mots m'ont conquis . J'ai lu Messouda 7 fois et je ne m'en lasse jamais.
Chapeau bas !
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C'est fort!
Je l'ai lu dans une édition "contemporains en poche" éditée en Tunisie en 1997.
Il serait étonnant qu'une telle publication se fasse aujourd'hui.
Un peu comme la chanson "la coco" de Fréhel (1931) vraisemblablement non éditable aujourd'hui.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Et vivaient ma haine et mon angoisse, plus précieuses que le sang. Il y avait assez de haine en moi pour décimer le monde entier ; j'avais vécu dans l'injustice et j'avais appris à etre injuste à mon tour. En me portant sur ses épaules le père m'avait enseigné la misogynie. En me portant sur son dos ma mère m'avait prodigué le mépris du mâle. Tiraillé entre ces sentiments ambivalents, j'étais devenu misanthrope malgré moi.
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Le père n'aimait plus Mi [son épouse]. D'ailleurs, l'avait-t-il jamais aimé? L'amour pour lui était une faiblesse, c'est pourquoi il n'aimait pas ses enfants, il n'aimait pas les autres, il n'aimait rien de ce qui valait la peine d'être aimé ni de ce qui pouvait être aimé. Il aimât son singe ; passe-droit grotesque mais futé, inventé à dessin pour gruger davantage.
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Mi, la femme répudiée, mi, la femme rejetée,
Dis-moi, dis-nous l’insulte dans ton corps, la plaie ouverte de ton âme tatouée par l’injuste social, l’injustice des hommes. Dis-nous la langue liée, la parole tremblante. Dis-moi le sexe muselé et la souillure sur ton corps, la blessure du temps qui s’ouvre en toi et nous engloutis, la marque d’infamie et tes rides apparues avant le matin. Dis-nous la nuit fermée sur l’horizon de notre existence, la mer brûlée par le soleil. Dis-nous la violence du nouveau-né dans la nuit immobile ou la femme devint mère et misère, ou l’enfant devient pierre et le cendres et fumée.
Dis-moi la plage déserte après l’orage et l’arrachement après la blessure et le sang après le déchirement et la honte après la souffrance et la cicatrice…
Dis-moi le jour séparé, le puits retourné, le destin infirme, l’enfant orphelin ou abandonné, la peur, le misère de nos âmes.
Dis-moi au-delà de tes paroles nos pensées, nos rêves de montagnes écroulés sur ta joue meurtrie par la première épreuve. Dis-nous le mensonge et le Livre sacré, le chapelé accroché à nos rêves, témoin du temps te de notre destinée.
Dis-moi la pierre grise déchue, le mouvement et le distance de la vague sculptée sur le sable solide, l’heure de ton absence, ta vie massacrée par l’orage de la honte, l’opprobre.
Dis-moi le soc dans notre chair, dis-moi l’injustice, la femme derrière le mur, dis-moi ma mère.
Dis-nous le mot qui accompagne le geste, la parole qui dépasse le sacrifice. Dis-nous l’écaillement des murs, l’étendue de la solitude, le repos refusé. Dis-moi le cri timide, le regard avare au-delà des ruines du temps.
Dis-nous le sang de la bête, celui de l’enfant et de la vierge. Dis-nous la larme de l’innocent, la blessure profonde, la torture infernale, les profondeurs de notre abîme.
Dis-moi, dis-nous…
Dis-moi mère, dis-nous !
Dis-leur ton silence, tes yeux éteints
Dis-leur ta résignation, ta vie entre les murs
Dis leurs ta patience, dis-leurs tes prières, ta négation
Dis-leur, dis-leur Demain
Et la confusion.
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Je suis toujours surpris d'entendre certaines personnes parler du «bon vieux temps» et se rappeler avec nostalgie les jours heureux de leur enfance à l'école. Il n'y a pas d'école heureuse. Le «bon vieux temps», si on se le rappelait avec sincérité, on s'apercevrait que c'était un enfer.
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«L'amour n'est pas un péché, dit-on. Mais il faut aimer au grand jour et dans la joie. Ce n'est un péché que lorsqu'on se cache et qu'on est malheureux.»
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