Il faut qu'on parle de Kevin

Être heureux, c'est un métier.

Et d’ajouter : « Parce que je te déteste. »
Je sais que les enfants sortent à tout bout de champ cette phrase : Je te déteste, je te déteste ! avec plein de larmes dans les yeux. Mais Kevin approche des dix-huit ans, et il a articulé ces mots froidement.

"J'ai besoin de savoir. Est-ce que pour, pour toi, je suis responsable ? Tu peux le dire, si c'est ce que tu penses. C'est ce que tu racontes à tes psys, ou ce qu'eux te racontent ? Que tout cela remonte à ta mère."
La réponse a été cinglante. "Pourquoi est-ce que tout le mérite te reviendrait à toi ?"
La conversation qui dans mon esprit allait consommer l'heure entière s'est terminée en une minute et demie. Nous sommes restés silencieux.
"Est-ce que tu te souviens précisément de ta petite enfance, Kevin ?" J'avais lu quelque part que les gens ayant vécu une enfance douloureuse ont souvent tendance à l'effacer.
"Me souvenir de quoi ?
- Par exemple, que tu as eu des couches jusqu'à six ans.
- Et alors ?" Si j'avais eu vaguement l'idée de le gêner, c'était raté.

Mon histoire est à peu près tout ce que je possède en mon nom, aujourd'hui, et c'est pour cela que je me sens grugé. Mais une histoire, c'est beaucoup plus que ce qu'on la plupart des gens. Vous tous qui regardez, là, vous écoutez ce que je dis parce que j'ai une chose que vous n'avez pas : une histoire.

C’est quand il le mérite le moins qu’un enfant a besoin de votre amour (Erma Bombeck)

Sincèrement, Franklin, on devrait peut-être faire un enfant, rien que pour avoir un autre sujet de conversation.

On ne peut atteindre quelqu'un que si il possède une conscience On ne peut punir quelqu'un que s'il a des espoirs que l'on peut contrarier, ou des attachements que l'on peut rompre;quelqu'un qui se soucie de ce que l'on pense de lui. On ne peut punir que des gens qui ont déjà un tout petit quelque chose de bon en eux.

"Tous les élèves de mon école sont déséquilibrés, P'pa, a-t-il dit. Ils ne jouent qu'à des jeux violents sur leur ordinateur, et ils ne regardent que des films violents. On ne va voir une psychologue que pour sortir de la classe, et tout ce qu'on lui dit c'est des conneries."

L’État de New-York est plutôt compréhensif avec les mineurs de moins de seize ans, ai-je dit. Mais, même dans cet État, les gamins doivent faire au moins cinq ans en cas de meurtre – surtout quand les victimes sont sept lycéens et un professeur de lettres.

Oh, tu comprenais parfaitement ce que je voulais dire. Non que le bonheur soit ennuyeux. C'est juste qu'il ne se raconte pas bien. Or l'une des grandes distractions des gens, avec l'âge, est de rabâcher, pas seulement aux autres, mais aussi à eux-mêmes, leur propre histoire. Je devrais le savoir ; je fuis mon histoire chaque jour et elle me poursuit comme un chien fidèle. Du coup, s'il y a bien un point sur lequel j'ai changé, c'est que je considère aujourd'hui les gens sans histoire ou presque comme terriblement chanceux.