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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE SIÉBERT

Antyryia : - Vous avez publié une courte biographie sur votre métier, de ses débuts hasardeux à une forme de consécration : Être publié par les éditions au Diable vauvert ( Neil Gaiman, Thomas Gunzig, Poppy Z. Brite, Pierre Bordage pour ne citer qu'eux ).
Intitulée Fabrication d'un écrivain, vous y évoquez vos galères et votre acharnement.
Considérez-vous qu'un auteur a achevé sa construction lorsqu'il peut enfin vivre de son art comme c'est le cas pour vous aujourd'hui ? J'associe plus volontiers le mot Écrivain à un auteur de talent ( "La littérature qui me plaît est celle qui provoque l'impact le plus mastoc possible dans les boyaux de la tête et du ventre", pour reprendre vos mots, correspond tant à mes goûts qu'à votre style unique ) plutôt qu'à un auteur qui vend des livres. Les deux ne sont pas incompatibles mais loin d'être synonymes.
Christophe Siébert : - Oui, ce petit fascicule a été édité par Au diable vauvert après qu'ils l'ont découvert sur Facebook – moi je l'avais surtout écrit pour frimer auprès de mes copains, sans penser qu'il deviendrait un objet littéraire ! J'avais un peu honte, au départ, je trouvais quand même ça un peu infatué, et puis à l'usage ce petit objet s'est avéré utile aux chroniqueurs voulant faire ma connaissance, et aux auteurs en galère qui avaient besoin d'un peu de réconfort. Donc je ne regrette finalement pas que ce truc soit sorti.
J'aime bien la définition que donne Stephen King de l'écrivain : un type qui paie ses factures grâce à ses phrases. Je suppose que le point de vue du lecteur et celui de l'auteur ne sont pas tout à fait identiques. Mon but est d'accomplir mon travail le plus librement possible, de produire les textes les plus aboutis que je peux, et les exploiter ensuite dans le but de bouffer et de dépenser mon pognon comme n'importe quel consommateur, sauf que mes goûts semblent plus bornés que ceux de la plupart de mes contemporains – je m'intéresse à peu de choses, dans le vaste univers de ce qu'on peut acheter. Mais, oui, vous avez raison : en tant que lecteur, je me fous bien que l'auteur roule en Rolls ou crève de faim, du moment qu'entre les mains j'ai un bon livre ! (Enfin, je préfére quand même que les écrivains que j'aime rencontrent le succès !)

A : Les éditions Au diable vauvert ont d'abord publié en 2019, sous forme de recueil, deux romans qui étaient jusqu'alors restés confidentiels. Métaphysique de la viande reprend en effet Paranoïa, le dernier roman publié de la collection TRASH, ainsi que l'ignoble Nuit noire.
Diffusés à une échelle plus importante, quel a été l'accueil réservé par un public pas forcément aussi averti ?
CS : J'ai été très surpris, globalement, par la diversité du lectorat que m'a apporté le Diable. J'aime beaucoup Nicolas Rey, par exemple, mais imaginer que des lecteurs puissent apprécier Nicolas Rey ET Siébert me paraissait légèrement absurde. Ils se sont chargés de me démontrer le contraire et j'en suis encore chamboulé et ravi, tout comme je suis ravi et étonné qu'un mec du calibre de François Bon, pour prendre un exemple récent et frappant, s'intéresse à mon dernier livre.
En fait, contrairement à mes a priori, les lecteurs disons plus mainstream que mes hooligans habituels sont très ouverts d'esprit et capables de s'intéresser à des trucs dont je pensais qu'ils les repousseraient. Je ne suis pas en train de prétendre qu'aimer mes bouquins constitue une preuve de bon goût, hein ! Mais que les lecteurs s'avèrent plus aventureux et gourmands qu'on ne le croit – et que les éditeurs seraient bien inspirés de publier davantage d'auteurs issus de l'underground, du fanzinat et des marges en général, avant que le Diable, qui signe cette année par exemple Jérôme Bertin et Marlène Tissot, issus des mêmes toundras que moi (ça fait quinze ans qu'on se connaît, qu'on se lit dans les mêmes fanzines, qu'on se croise dans les mêmes squats et qu'on s'aime), ne fasse main basse sur tout l'underground et rafle la mise. Réveillez-vous les mecs, Mazauric est dans la place, vous allez rien voir venir !

A : 2020 marque donc le début de la publication des Chroniques de Mertvecgorod (la cité des cadavres en russe), votre projet le plus ambitieux à ce jour. Trois titres à venir sont d'ores et déjà prévus. Vous expliquez sur le site internet réservé à ce cycle (mertvecgorod.home.blog) que, et je vous cite : « J'ai toujours désiré créer un monde qui serve de terrain de jeu à mes fictions, un bac à sable où m'enfermer jusqu'à la fin de mes jours en emportant tout ce qui me passionne ou me fascine et dont je veux parler en littérature : le crime, la corruption, la violence, l'horreur organique, le fantastique, les rapports de domination, la névrose, la paranoïa, les complots, les monstres, la religion, l'occulte, les fantasmes, l'amour, le cul, les délires technologiques et sécuritaires, la chute. »
Le présent ouvrage a pour originalité de se composer de vingt et une nouvelles qui pour la majorité pourraient être lues indépendamment. Toutes appartiennent à votre vaste terrain de jeux, dont les nouvelles de Porcherie donnaient déjà un aperçu. Mais l'originalité ici c'est qu'elles se déroulent toutes dans la capitale de la RIM ( République indépendante de Mertvecgorod ), que les personnages qu'on retrouve parfois d'un texte à l'autre s'y croisent, et qu'au fur et à mesure de notre lecture s'améliore notre vue d'ensemble. Chaque nouvelle est comme la petite pièce d'un gigantesque puzzle permettant de découvrir la ville, sa géographie, ses groupuscules terroristes, sa mythologie, sa technologie en un univers tentaculaire.
Pourquoi avoir fait ce choix de rédaction ?
CS : Je voulais proposer au lecteur un moyen d'entrer en douceur dans ce monde. Et il m'a semblé au lieu de le plonger directement dans le grand bain, qu'une découverte progressive de cet univers, à travers toutes sortes de voix et d'anecdotes, serait plus agréable. Ce livre – que pour ma part je considère davantage comme un roman à la construction volontairement éclatée que comme un recueil de nouvelles – est aussi une introduction aux différentes formes que vont prendre les prochains volumes du cycle, depuis la fiction pure jusqu'au faux documentaire, en passant par des trucs hybrides.
Pour moi, le plaisir du lecteur est essentiel (et je crois que plus on écrit des trucs noirs, violents, difficiles, lourds, etc., plus le plaisir du lecteur est une donnée cruciale à prendre en compte) et je ne voulais surtout pas le forcer à assimiler dans un même récit toutes sortes d'infos historiques, géographiques, sociales, tout le jetant dans les méandres d'une histoire complexe. D'où cette idée d'instantanés, qui offrent une sorte de visite guidée de la ville, véritable personnage principal livre.
Quant aux volumes suivants : le tome deux, qui est terminé et sortira en septembre 2021, prend la forme d'un faux documentaire constitué des notes de Timur Domachev (narrateur de deux chapitres dans le tome 1) et suicidé avant d'avoir pu terminer son enquête. Il y sera question, principalement, du féminicide qui endeuille Mertvecgorod depuis plus de vingt ans sans que la police ne s'en préoccupe plus que ça, et de toutes les ramifications, qu'entraîne pour Domachev cette enquête labyrinthique. Ce sera aussi l'occasion – pour ceux que ça intéresse, les autres pourront lire au premier degré sans problème – d'une réflexion sur la place du narrateur et l'oeuvre elle-même dans l'univers fictif, sur la fiabilité des informations donnée par le texte, d'un jeu sur le paratexte, etc.
Le tome trois, lui, sera consacré à Nicolaï le Svatoj, le Sit, Camille, l'attentat et La Faille. Je l'ai commencé voici quelques semaines, il avance tranquillement et cherche encore sa forme et sa langue définitives.

A : Également, pourquoi ce choix de ne pas présenter ces chroniques dans leur ordre chronologique, sachant qu'elles se déroulent entre 2020 et 2025 ?
CS : L'ensemble du cycle va se dérouler entre le milieu des années 70 et 2050. L'idée de présenter les chapitres dans un ordre non-chronologique correspond à une nécessité toute simple de tension dramatique. Après avoir mis en place mes fils narratifs, créé les liens entre les personnages et consolidé et renforcé les trames générales unissant tout ça (le personnage du Svatoj, l'attentat, la danse de mort, etc.), j'ai organisé tous les éléments du bouquin de manière à obtenir la narration la plus efficace possible. Je tenais par exemple à commencer avec ce journaliste français qui débarque à Mertvecgorod sans rien y connaître, tout comme le lecteur. Je tenais aussi à finir avec l'histoire de ces deux amoureux qui offrent une note d'espoir dans toute cette pourriture. Il s'agissait des deux pôles de mon histoire. Et entre les deux, chaque élément a trouvé sa place naturellement, chacun s'organisant par rapport aux autres afin que chaque chapitre et chaque anecdote donne sa pleine puissance et que le livre dans son ensemble obéisse à un principe de montée permanente mais aussi d'entonnoir, d'aspiration dans les ténèbres de la ville et ses secrets les plus étranges, jusqu'au relachement du dernier chapitre, qui permet aussi – j'espère – au lecteur de sortir en douceur du roman avant d'aller s'amuser à picorer dans les annexes.
D'autre part, en bouleversant l'ordre chronologique, en proposant toutes sortes de personnages récurrents ou non, en multipliant les formes, les points de vue et les voix, j'avertis le lecteur que la suite pourra prendre place à différentes époques de la RIM, qu'on ne va pas avoir une série de tomes bien rangés chronologiquement mais que se sera plus bordélique et intuitif que ça – et je l'avertis aussi que puisque j'ai choisi un ordre esthétique et dramatique et non chronologique, eh bien lui, le lecteur, peut choisir de lire les bouquins dans l'ordre qu'il veut et même de faire l'impasse sur ceux qui ne l'attirent pas. Je ne voulais pas emprisonner mes lecteurs dans une saga où si tu loupes un épisode, c'est foutu, tu es exclu de la fête. Malgré la grande noirceur de mon univers, je veux que le grand plaisir que j'ai éprouvé à le créer, que la grande liberté que j'éprouve à l'arpenter en tous sens, soient partagés par mes lecteurs. C'est un cauchemar, OK, mais un cauchemar cosy, haha !

A : Si Mertvecgorod n'existe pas en réalité, vous en avez cependant fait un véritable pays de l'ex-URSS en situant celui-ci au point de rencontre entre la Russie, l'Ukraine et la mer d'Azov. Vous avez été jusqu'à élaborer une fiche Wikipédia extrêmement détaillée et permettant de mieux comprendre certains événements d'ordre surnaturel du roman .
Sur la page internet consacrée à ces chroniques, le lecteur a également accès aux plans de la ville.
On apprend ainsi que Mertvecgorod est un petit coin de paradis : Tourisme sexuel, énorme production de films pornographiques, trafics d'organes, centre de déchets au point d'en faire une des villes-décharges les plus polluées de la planète.
Comment crée-t-on un univers aussi vaste et aussi complexe ?
Et pourquoi avoir choisi un pays de l'ex-URSS pour y implanter ce pays cauchemardesque ? Pour dénoncer les trafics humains et d'organes propres aux pays les plus pauvres ?
CS : On le crée en rêvassant à son sujet du matin au soir, en se documentant sur tous les thèmes qu'on veut aborder (ceux que ça intéresse ou amuse peuvent parcourir ma bibliographie ici : https://mertvecgorod.home.blog/2019/12/03/bibliographie/ – ceux qui savent lire entre les lignes pourront même y trouver quelques indices !), en prenant des tonnes de notes, bref en y vivant soi-même un maximum.
Les thèmes que j'aborde, du féminicide au trafic de déchets et d'organes en passant par la corruption et le crime organisé, sans oublier tous les autres, font partie du monde réel, de notre société contemporaine. le trafic d'organe, par exemple, est à l'heure actuelle l'activité criminelle la plus lucrative, loin devant la drogue. Ça me paraissait donc important de parler de ça.
Je ne dénonce rien, dans mes fictions. Je mets en scène des trucs qui me préoccupent, me fascinent, me troublent, me font réfléchir, m'émeuvent, etc. Au lecteur d'y trouver matière à s'indigner si c'est dans son caractère, ou de prendre ça comme un simple divertissement s'il préfère.
Le choix de la Russie est à la fois esthétique – je voulais un décor qui soit l'équivalent graphique des musiques que j'aime écouter – et pragmatique : il n'existe pas beaucoup d'endroit sur la planète où on peut installer une ville fictive de sept millions d'habitants et vieille de plusieurs siècles sans que ça paraisse invraisemblable.

A : Images de la fin du monde a eu le malheur de sortir le 19 mars 2020, soit deux jours après le confinement et la fermeture des librairies. Est-il possible de mesurer à quel point cette période a été dommageable pour la sortie du premier volume de ces chroniques ?
Comment les habitants de Mertvecgorod ont-ils vécu la pandémie de leur côté ?
CS : Les libraires (à l'exception notable des Fnacs) ont joué le jeu avec une grande loyauté et ont traité mon livre (ainsi, je crois, que tous ceux sortis à cette période) comme de réelles nouveautés. Donc Images... n'a pas, ou presque pas, été impacté par la situation. Bien sûr, on a perdu des vente avec l'annulation des salons et de tous les événements littéraires, mais mon livre n'est pas un produit lié à l'actualité, il est là pour longtemps. Donc sur le long terme, ça ne change pas grand chose, j'espère. Quoiqu'il en soit, même si le but, une fois qu'il est terminé, est qu'il rencontre son public et qu'on en vende le plus d'exemplaires possible, mon éditrice s'intéresse davantage à la littérature qu'à ses bilans comptables !
Quant aux habitants de Mertvecgorod, ils ont vécu cette période avec un certain détachement : les virus occidentaux sont bien trop fragiles pour survivre dans les conditions extrêmes de la RIM, hahaha !

A : Anticipation oblige, les drones, les images virtuelles et les jeux vidéos nouvelle génération sont de la partie, mais à la sauce Siébert. Les drones nucléaires y sont bénis selon d'anciens rituels vikings et les jeux donnent des sensations inédites (devenir une voiture dans Mashina). le texte qui m'a le plus marqué est probablement Fight Club, ou deux frères se livrent un combat à mort afin de sortir leur famille de la pauvreté. L'astuce étant qu'ils ne sont que les marionnettes aux mains de deux joueurs munis de manettes contrôlant leurs mouvements. Vous avez une imagination démesurée me rappelant par moments celle d'un Serge Brussolo et vous ne vous encombrez jamais de vernis pour travestir la réalité. Définiriez-vous cette originalité comme votre marque de fabrique ?
CS : C'est pas à moi de définir ça, mais je suis très content d'être comparé à Brussolo !
Concernant le coup des combats de cafards, l'idée m'est venue en lisant un article à propos d'un labo travaillant sur la cybernétique, qui a réussi à implanter une puce dans des cerveaux de cafards pour les télécommander ! Il suffisait d'extrapoler à l'humain. Et j'ai gardé le terme « cafard », désignant ces pauvres combattants, comme une allusion à la source réelle de mon invention. Un truc marrant avec la science-fiction, et ça tous les auteurs du genre le savent, c'est que le réel s'avère toujours plus dingue, bizarre, révoltant ou stupide que ce qu'on peut sortir de notre imagination !

A : Sauriez-vous expliquer pourquoi la misère humaine sous toutes ses formes prend autant de place dans ce livre comme dans le reste de votre bibliographie ?
CS : Tout simplement parce qu'il n'y a que ça qui me semble intéressant en littérature. Je me fous de lire des bouquins qui parlent des problèmes de cul de gens dont les appartements sont huit fois plus grands que le mien, et me fous aussi d'écrire à ce sujet, d'autres font ça très bien.
C'est dans les recoins sombres qu'on trouve des trucs qui font sens universellement : la douleur, la trouille, la frustration, etc. Il existe une littérature dont la fonction est d'apporter du réconfort, mais ça n'est pas la mienne. Et je dirais même que, justement, c'est dans la littérature dans laquelle je m'inscris moi, celle du mal, de la violence et de l'inquiétude, qu'on trouve le plus de réconfort, en réalité. le train-fantôme ne sert pas qu'à faire peur : il sert aussi, une fois qu'on en est sorti, à faire éprouver une forme de soulagement. Et, s'il est bien conçu, il permet de nourrir une réflexion à propos des réels trains-fantômes qui peuplent notre réalité.
D'autre part, puisque nous vivons dans un monde où des gens sont broyés, exclus, rejetés aux marges, etc., je crois que c'est à ces gens-là, qui n'ont pas tellement voix au chapitre dans la vie réelle, que la fiction doit d'intéresser. Pas afin de dénoncer quoi que se soit, mais simplement pour exprimer leur point de vue et parfois indiquer des causes possibles à ces situations. C'est pour ça que les personnages les plus fréquemment rencontrés dans mes livres sont des crevards, des galériens, des criminels parfois et qu'ils peuvent l'être par malchance, stupidité, déterminisme social ou toute autre raison sociale, économique ou individuelle. Souvent ils essaient d'échapper à leur condition, rarement ils y arrivent. Épouser pendant un moment leur destin permet peut-être au lecteur d'éprouver un peu plus d'empathie et de compréhension envers les véritables laissés-pour-compte, qui occupent un hors-champ social et crèvent dans l'indifférence – qu'ils soient de braves types ou de purs salauds n'entre pas en ligne de compte en ce qui me concerne : je ne fabrique pas une littérature morale mais une littérature qui veut, d'une certaine manière, augmenter le champ de vision de mes lecteurs.

A : La haine des parents fait également partie intégrante de votre univers personnel : père pédophile, fugue, suicide adolescent, plongée dans la drogue et la prostitution sont autant de thèmes déjà abordés, comme si le rôle des parents consistait à faire souffrir leur progéniture.
Avec les personnages de Camille X ou de Chloé Lemoine on retrouve ces thèmes. Il y aussi ce gamin dans la gare désaffectée de Mertvecgorod et dont le père a vendu un oeil. Ou ce groupuscule terroriste qui a pour but d'anéantir les adultes.
Cette obsession vraiment récurrente de l'adulte destructeur est-elle liée au modèle parental que vous avez eu (vous évoquez dans Fabrication d'un écrivain la fuite de la violence et de la folie de l'appartement familial) ? Aux générations qui semblent toujours compter sur les suivantes pour résoudre des problèmes de société de plus en plus urgent (réchauffement climatique, écologie, nucléaire ) ?
Comment l'expliqueriez-vous ?
CS : J'ai du mal à réfléchir à certains ressorts profonds de mon écriture. Je constate, comme vous, que dans mes textes certaines obsessions surnagent. Parmi tous les gens qui en chient, qui constituent mon territoire littéraire, pourquoi je reviens sans cesse à certaines conditions d'existence et en laisse d'autres de côté, je l'ignore et préfère l'ignorer. Je ne veux pas en savoir trop sur ce qui, en moi, fait tourner la machineà fiction. Il me semble que trop connaître mes propres mécanismes pourrait nuire au processus – c'est sans doute un peu superstitieux de ma part, mais bon.
Moi, mon boulot consiste à donner à ces obsessions une forme qui fait sens, et qui peut parler à d'autres individus.
Il y a peut-être effectivement une part biographique.

A : En vous remerciant, Christophe, pour cet éclairage autour de votre métier et de ce cycle de science-fiction noire, je vous laisse le soin de conclure pour donner envie aux lecteurs de se plonger à leur tour dans les rues de Mertvecgorod.
CS : Avec plaisir ! J'espère que cette interview leur donnera au moins envie d'aller le feuilleter dans une librairie !
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Mertvecgorod. Ne cherchez pas ce pays sur votre atlas. Il n'existe pas. Pourtant Christophe Siébert fait vivre pour nous cette pseudo-république, tout droit venue de l'ère soviétique, avec son lot de corruption, d'oligarques, de désespoir, de pollution, de violence et de magie. Un monde dur et froid, mais dont on ne peut se détacher.

Images de la fin du monde se présente sous la forme de plusieurs textes de tailles variées, des nouvelles mais aussi des articles de journaux, des portraits (des chroniques, dit le sous-titre). Tous en tout cas sont liés à la ville de Mertvecgorod. Mais elle n'est pas le seul point commun : on retrouve des personnages d'un texte à l'autre, parfois juste furtivement, au détour d'une phrase ; on explore des lieux par étapes ; on découvre des évènements qui s'éclairent au fur et à mesure de leur narration, une nouvelle éclairant une autre, par petites touches. Ce livre est donc une porte d'entrée nécessaire dans l'univers inventé par Christophe Siébert. Et je dis bien univers inventé, car ce n'est pas la seule incursion que nous pourrons faire dans Mertvecgorod et son ciel huileux de pollution. L'auteur a créé le pays dont elle est la capitale : la République Indépendante de Mertvecgorod (RIM), dont il a imaginé la fiche Wikipédia (qu'on trouve à la fin du livre, mais aussi sur le site de l'auteur, à cette adresse : https://mertvecgorod.home.blog/2019/12/02/fiche-wikipedia-de-la-rim/). Il a aussi dessiné les plans de la ville, disponibles également sur son site, imaginé un glossaire (pas une nouvelle langue, comme Tolkien, mais plusieurs termes qui colorent les récits, leur donnent une couleur locale, de l'est), une liste d'évènements, qui nous seront peut-être racontés dans d'autres opus. D'ailleurs, en parlant de « suite », un autre ouvrage situé dans le même monde va paraitre le 16 septembre : Feminicid. Et plusieurs indices, dans Images de la fin du monde, en préparent la venue. Je devrais mettre en ligne une chronique de cet ouvrage dans peu de temps.

En entrant dans Mertvecgorod, préparez-vous à prendre quelques baffes ! Car Christophe Siébert ne plaisante pas. Il nous convie dans une ville en sursis, dont la naissance en tant que ville en décomposition est un attentat raté. Raté, non parce que la bombe n'a pas explosé. Raté parce qu'elle a fait trop de dégâts et qu'elle a ouvert la porte à quelque chose de mystérieux, d'inconnu, de trop grand. Mais cela semble avoir ouvert des portes. Et à présent (enfin, il faut savoir que les textes que contient ce recueil s'étalent sur une longue période de temps : de 2000 à 2025, environ), tout y est possible. Surtout de souffrir et de perdre espoir.
Car la vie y est d'une dureté exceptionnelle. Si vous habitez dans les quartiers pauvres, proches de la Zone, vos chances de survie sont minimes. Et votre qualité de vie va aller de mauvaise à carrément lamentable. L'air est presque solide tant il est pollué. Les cancers sont monnaie courante à Mertvecgorod. En plus, y fleurissent les groupes armés chargés de fournir à de plus riches des corps : corps encore chauds pour le sexe (et on baise à tire-larigot, de toutes les façons, essentiellement les plus violentes, voire létales) ou pour la figuration ; corps déjà froids pour des dons involontaires d'organes. Mertvecgorod est un gigantesque supermarché pour ceux qui ont de l'argent. Les habitants ont, pour beaucoup, atteint un niveau de fatalisme rarement obtenu. Ils se battent pour survivre, ils tremblent pour leur vie, celle de leurs proches. Mais, en tant que lecteur, on voit poindre ce côté inéluctable de leur destinée que leur comportement finit par montrer : peu des personnages essaient vraiment de se battre. Ils subissent beaucoup, comme si cela était normal, inéluctable. Et c'est sans doute vrai. le monde est dur, on doit faire ce qu'il faut pour y vivre le mieux possible, quitte à laisser de côté son humanité. D'ailleurs, pour tenir, beaucoup se réfugient dans le rire et la dérision, « ils s'en tirent en ricanant » et vont « rire pour se mettre en règle avec leur conscience ». Refuge ultime devant l'absurdité du monde qui nous entoure, d'une société qui part en déliquescence.
« Le péché est l'expression religieuse du remords » dit un des protagonistes. le narrateur de lui répondre une citation de Cioran, pas le plus rigolard des philosophes : « Le regret son expression poétique ». On voit bien que tout est possible dans la noirceur. Et il faut avoir le coeur bien accroché pour lire certaines pages. Mais Christophe Siébert a le talent de nous accompagner dans cette horreur et je n'ai jamais songé à refermer le livre avant la fin. Au contraire, j'ai eu du mal à lâcher l'ouvrage avant de l'avoir terminé. Et pourtant, des passages ont pu me choquer, me troubler, me toucher. Que ce soient ceux qui mettent en scène des personnages prêts à tout, avec des violences écoeurantes. Ou ceux qui tournent autour du sexe, sous toutes ses formes, même les plus étranges ou, en tout cas, les moins conventionnelles. Et, malheureusement, rarement consenties. Car le plaisir des uns va rarement avec celui des autres, victimes de viols plus ou moins atroces, voire de mutilations ou de meurtres. Des extrêmes dans le plaisir.

Mertvecgorod est la ville de tous les excès, sans fard, avec des préoccupations terre à terre, et d'autres plus mystiques. Des personnages étonnants, auxquels on s'intéresse malgré leur veulerie, leur égoïsme, leur cruauté. Nikolaï le Svatoj, par exemple, chef mystérieux d'un groupe de truands extrêmement puissant, au passé empli de trous et de légendes, à la vie pleine de meurtres et de stupre, qui clame une hygiène du corps exigeante et passe ses nuits dans des boites à multiplier les partenaires des deux sexes dans des soirées où l'alcool et la drogue coulent à flots. Homme à l'origine de l'attentat qui a changé la face de Mertvecgorod. Ou bien Camille, qui finit par fuir le foyer familial tant il en a assez de supporter les disputes entre sa mère et son père, disputes qui finissent souvent par des coups violents (de la mère contre le père). Jeune garçon que l'on retrouvera dans plusieurs textes et que l'on verra grandir. D'autres, victimes ou bourreaux, qui marquent notre esprit de leur présence fugace.

La lecture d'Images de la fin du monde m'a marqué. Moi qui ne cours pas après les récits post-apocalyptiques ou autres textes décrivant la déliquescence de nos sociétés, j'ai été fasciné par ces chroniques qui ont su me plonger instantanément dans une ville hideuse, mais hypnotisante. Grâce au talent de conteur de Christophe Siébert que j'ai découvert à l'occasion. Mais qui m'a donné envie instantanément de replonger dans les profondeurs de Mertvecgorod. Ce que je vais faire rapidement avec Feminicid, toujours hanté que je suis par certains spectres venus de cette ville et qui me poursuivent encore, de façon fugace, depuis que j'ai refermé le livre.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Images de la fin du Monde pourrait porter le très joli et doux nom de « roman chorale » c'est à dire plusieurs points de vues se succèdent pour parler de la même histoire.
Ici, c'est l'histoire de Mertvecgorod qu'on découvre. Une ville poubelle imaginaire de l'ancienne URSS qui est une ville et à la fois le pays dont elle est capitale et unique ville, avec plus de 2 000 habitants au mètre carré, cette dernière se déploie dans le ciel. Au-dessus des trottoirs principalement composés de détritus.

Qu'est ce qu'on découvre dans cette uchronie ? En effet, nous sommes plus sur de l'uchronie que de la dystopie car les points de vues, comme des journaux intimes ou des lettres de suicides, se mélangent, nous baladant de 2025 à 2018 en passant par 2022 ou bien par notre propre année. Ainsi, nous parlons de trafique d'organes, de snuff-movies (un vrai Serbian Film ce bouquin !), de secte, de pauvreté, de pollution, de surveillance à outrance, de prostitution. Bref, on est bien contents de ne pas vivre à Mertvecgorod.

Le livre tourne autour d'un attentat qui a lieu dans les premières pages. Après ce premier témoignage journalistique, tourne justement, toutes les autres histoires comme autant de genèses au désastre. Pour retracer, ou semer des pistes, qui permettraient de comprendre ce monde étrange et qui ressemble pourtant au nôtre et qui a amené à cet attentat. C'est donc un livre trash, gore, avec des gens qui survivent plus qu'ils ne vivent, une décharge vivante de l'Europe, où tous les maux semblent macérer. Ainsi, les drames qui se multiplient sans cesse, amènent fatalement à la terrible situation qui ouvre le roman, mais, puisqu'il s'agit ici d'un tome 1, les mystères ne sont pas tous révélés, au contraire, on est plutôt sur un plantage de décor, pour notre plus grande frustration.

Particulièrement intéressant, l'auteur se nourri de diverses spiritualités, religions, croyances de l'Est et de l'Orient pour créer le mysticisme de son roman. Ce dernier mêle, exactement comme j'aime, la spiritualité presque chamanique, ancestrale, avec la science-fiction, la robotisation, la réalité virtuelle.
Il réussi à mélanger tout ça à l'ambiance sale et glauque pour créer un univers bien à lui. C'est à dire qu'on découvre une réelle genèse avec une patte particulière qui donne envie de découvrir le fin mots de toutes ces ficelles politiques et sociales. On s'intrigue sur ce pays, cette ville-pays, renfermée sur elle-même et décrite avec beaucoup de brio en passant d'un témoignage à un autre.

Trash, science-fictif, totalement halluciné, ce premier tome donne fiévreusement envie de découvrir la suite !
Lien : https://barauxlettres.wordpr..
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Le titre ne ment pas, c'est vraiment le chaos entre ces pages.

Bienvenue (?) à Mertvecgorod, métropole-capitale d'une ex république socialiste soviétique fictive. Corruption, violence et stupre en devise.

Sur la forme c'est un fix-up, à savoir un assemblage de textes indépendants se situant dans un même univers et se répondant de manière plus ou moins explicite. Un plaisir donc !

Sur le fond, les scènes horribles s'enchainent et le monde s'enfonce dans le chaos sous les coups de boutoir de la violence sous toutes ses formes. le cadavre de l'espoir flotte dans la pisse (surnom de la rivière crasseuse qui traverse la ville). Et quand on pense avoir atteint la limite, Siébert en a encore sous la semelle.

Vers la fin se dessine un changement de cap thématique assez inattendu, avec d'étranges apparitions. Qui trouvera des développements dans "Feminicid".

Du Siébert-punk pur jus. Ça tâche, ça mine et c'est rude.
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À la chute de l'URSS, entre Ukraine et Russie, Mertvecgorod est devenue indépendante. Désormais terminus du crime, de l'ordure et du spectaculaire marchand, il faut paradoxalement la visiter pour mieux saisir ce qui nous hante et nous guette, dans l'impressionnante sauvagerie de son humour noir.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/25/note-de-lecture-images-de-la-fin-du-monde-christophe-siebert/

Lorsque l'Union Soviétique s'est effondrée, il y a eu quelques territoires suffisamment éloignés des grandes capitales nationales, suffisamment corrompus, suffisamment riches pourtant de ressources plus ou moins secrètes – et globalement illicites ou presque -, pour que des officiels et des seigneurs du crime, économique ou non – en attendant que de véritables oligarques s'y proclament -, puissent en établir discrètement mais officiellement l'indépendance. À la frontière de la Russie et de l'Ukraine, la ville de Mertvecgorod, devenue la République Indépendante de Mertvecgorod (RIM), est la plus célèbre et la plus peuplée, avec ses 8 millions d'habitants (selon sa fiche Wikipédia, dont l'abrégé vous est offert en annexe 1, page 325 de l'ouvrage) de ces créations apparues pas tout à fait ex nihilo, mais par l'application logique des forces du marché, qu'on les estime ici dévoyées ou non.

Sauf que, bien entendu, malgré les importants volumes de documentation (disponibles en annexes de l'ouvrage et surtout sur le site de l'auteur, ici) créés durant les années de travail préparatoire, Mertvecgorod n'existe pas – en tout cas, pas au sens où nous l'entendons généralement. Publié en 2020 chez Au Diable Vauvert, un an après « Métaphysique de la viande », « Images de la fin du monde » nous en propose néanmoins une formidable radiographie agencée, mêlant divers moyens d'enquête (depuis celle d'un journaliste occidental jusqu'à celle de policiers ou para-policiers locaux, en passant par toutes sortes de récits, d'observations, de rapports officiels ou officieux) qui constituent autant de « Chroniques de Mertvecgorod » (le sous-titre de l'ensemble) dont les résonances orchestrées entre elles constituent de facto un véritable roman.

Pour donner forme et outrance à l'important matériau fourni dans notre réalité par la décomposition et la reconstruction partielle selon d'autres critères de ce qui fut l'empire soviétique, Christophe Siébert a su transformer et réinterpréter à merveille, de façon très personnelle, l'amoncellement de réel et d'imaginaire issu de l'implosion / explosion de 1991, à Moscou et sur l'ensemble des 22 millions et demi de kilomètres carrés qui furent l'Union soviétique. Si l'écrivain et politicien Édouard Limonov (dans une version puissamment retravaillée au corps, naturellement) fournit la matrice de l'un des personnages-clé de « Images au bout du monde », on trouvera ici également toutes sortes de bribes magnifiquement trafiquées, portant clin d'oeil (notamment lorsque leurs auteurs donnent leur nom à certains personnages) du côté de Vladimir Kozlov et de sa banlieue de Koursk hallucinée, de Vladimir Sorokine bien sûr (des failles de l'âme russe traitées à l'explosif dans « Roman » à la quête nationale et sexuelle du « Lard bleu », en passant par la mise en scène sauvage d'un mysticisme sectaire hors normes dans la trilogie « La glace » / « La voie de Bro » / « 23 000 »), voire de Zakhar Prilepine et de ses « Chaussures pleines de vodka chaude » et des investigations ukrainiennes conduites en son temps par Thierry MarignacRenegade Boxing Club » et « Milieu hostile », surtout), ou même de Valery Zalotoukha et de son « Dernier communiste ».

Mertvecgorod s'est installée à une soigneuse distance de deux autres cathédrales issues en tout ou partie d'une interprétation créative, politique et poétique de la réalité post-soviétique, celle du post-exotisme (car l'oeuvre collective d'Antoine Volodine, de Lutz Bassmann, de Manuela Draeger et d'Elli Kronauer peut se lire de plus d'une manière, au long cours, comme un formidable « À la recherche de la révolution perdue ») et celle de Yirminadingrad (car « Yama Loka Terminus », « Bara Yogoï », « Tadjélé : récits d'exil » et « Adar », en traquant sous l'impulsion décisive de Léo Henry et de Jacques Mucchielli les tenants et aboutissants de l'immense cité fictive des rivages nord de la mer Noire, font bien d'une déliquescence apparemment localisée le bréviaire d'une vraie compréhension poétique et politique du monde contemporain).

Si Mertvecgorod se place résolument sous le signe de l'avidité et de l'ordure, le sexe y joue un rôle essentiel (Christophe Siébert, par ailleurs éditeur d'une collection de pornographie chez La Musardine, connaît bien ce sujet) : sexe ayant basculé sans ambiguïté du côté du crime pur et simple (il mentionne ce fait terrible avec finesse dans un bel entretien avec La Spirale, ici), mais aussi et peut-être surtout sexe se heurtant aux mécaniques de domination envahissant l'intime, et devant y réagir (à Mertvecgorod, ce ne peut globalement être que dans le désespoir). Dans cette voie, il n'y a peut-être aujourd'hui que Jean-Marc Agrati, celui du « Chien a des choses à dire » et de ses continuations par d'autres moyens, qui sache aussi bien saisir que Christophe Siébert le caractère profondément explosif de ce que le spectaculaire marchand a fait de nos désirs.

Conçu avec un extrême brio pour simultanément horrifier et enchanter par son traitement spécifique de l'imagination de la déliquescence et du déchet civilisationnel, « Images de la fin du monde » déstabilise en grand dans un formidable éclat de rire jaune et noir.

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En commençant la lecture, je me suis dit que je n'allais pas aimer. Je suis un fan de S.F., mais là, non, vraiment, c'est pas mon trip. Trop trash, trop violent. Meurtres, viols, drogues, tortures, pornographie. Puis, la fluidité de l'écriture aidant, j'ai fini par prendre du recul, de la hauteur. Et de là-haut, j'ai commencé à voir le tableau qui se dessinait dans son ensemble. Un tableau sombre, forcément, pessimiste, inhumain, au-delà du tolérable, mais au fond, pas si loin de la réalité. Il suffirait d'un grain de folie pour enrailler la roue de la raison et précipiter l'humanité vers ce genre d'excès.
Avec ce patchwork de nouvelles plus ou moins liées entre elles, l'auteur a inventé l'histoire d'un pays, une société, un environnement à la frontière entre horreur et fatalisme.
Je ferme le livre sur un sentiment mitigé, très partagé. Je n'aime pas le tableau dépeint, je confirme, mais j'ai aimé cette forme de résignation bien humaine qui s'en dégage, et cette envie de vivre malgré tout l'instant présent. Au final, je ne regrette pas cette lecture, cette expérience, mais la zopa, elle remue les tripes !
Lien : https://www.pascific.fr/auth..
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Nous avons lu en quelques jours le dernier ouvrage de Christophe Siébert. Cette fois-ci nous n'écrirons pas un article critique formaliste, premièrement il y en a déjà eu quelques-uns de publiés – et de très bons – deuxièmement nous souhaitions plutôt partager des impressions en relation directe avec l'auteur que nous connaissons (un petit peu) pour l'avoir vu quelques heures et pour depuis maintenir une correspondance des plus amicales (sans oublier quelques précédents ouvrages que nous avons lus, notamment Métaphysique de la viande).
Sur le contexte, de toute façon, tout ou presque a déjà été dit sur ce livre : ville imaginaire coincée entre l'actuelle Russie et notre vieille Europe, un cloaque de science-fiction, de pornographie (pas tant que cela contrairement à ce que nous avons pu lire dans certaines critiques), de violences parfois (souvent) insoutenables où la déchéance humaine vient se percuter dans un bourbier de pollution et un attentat pour le moins sanglant. le personnage principal de l'histoire est donc cette mégalopole irrespirable, aucun autre personnage (nous voulons dire par personnage, des hommes ou des femmes) n'évolue durablement dans un fil rouge. Certains apparaissent pour aussitôt disparaître, d'autres vont et viennent tout de même mais sans franchement participer à un récit linéaire. Parmi ces personnages nomades, Camille, un adolescent fugueur à cause de parents qui se déchirent sur fond d'alcool (tiens donc, il nous semble avoir lu un truc de ce genre dans Fabrication d'un écrivain). Voilà donc notre premier clin d'oeil à Christophe ! Mais, au-delà de cette référence légèrement autobiographique, on se rend compte que, sans avoir puisé dans d'autres moments de sa vie (quoi que le récit du sdf jouant aux échecs…), Christophe y a mis de sa personne dans la conception de sa dernière oeuvre. Bon d'accord l'expression « y mettre de sa personne » n'est pas très heureuse et peut-être pas non plus très littéraire, mais nous Cercle, nous nous comprenons. Car, pour imaginer ce produit artistique, il faut puiser très loin dans sa réflexion. Chroniques… a dû se bâtir, jour après jour, sur papiers, sur post-it dans la tête, puis sur papiers, etc. pour réussir à faire dérouler des axes multiples : chronologique, géographique, événementiel. Christophe s'est donc mué en architecte, mais un architecte innovant dans la mesure où il n'est pas parti de trames préconçues. Pour le coup il s'est révélé architecte et inventeur. Parce qu'il n'est pas du tout aisé de tenir en haleine un lecteur sans lui proposer une histoire avec un début, un milieu et une fin, l'auteur a finalement remporté un sacré pari, celui de donner du sens et une âme si particulière à Mertvegorod, et de donner l'envie de découvrir très rapidement les tomes II et III.
Bien entendu toutes les chroniques ne laissent pas des souvenirs impérissables, néanmoins certaines frappent par leur ingéniosité (le jeu virtuel en voiture, la cérémonie pré-attentat, les deux jeunes ados au sommet d'un gratte-ciel abandonné) quand d'autres peuvent aussi réellement choquer (le combat faussement virtuel entre les deux frères, le rapt des enfants par des adolescents et ce qui s'ensuit). Aussi faut-il être bien au fait de l'univers de Christophe Siébert et de sa bibliographie, et ainsi de rappeler que Chroniques ne peut s'adresser qu'à un public averti. Une fois que l'on sait cela, on peut se laisser aller au plaisir indicible de cette lecture.
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