À travers les portraits d'une lignée de vingt femmes,
de mères en filles retrace l'histoire du Brésil entre 1500 et 2003. La première figure de cette généalogie féminine est Inaiá, une Tupiniquim, née la veille de l'arrivée des premiers Portugais. Elle vit une idylle avec Fernão, un jeune moussaillon de Lisbonne, qui décide de déserter pour rester au Brésil. le couple met au monde Tebereté… le récit des destins de ces femmes appartenant à la même famille s'enchaîne jusqu'à Maria Flor, née em 1968, qui vit à Rio de Janeiro .
Les vingt récits de ces destins féminins sont structurés en cinq grandes parties.
Le narrateur ou la narratrice omniscient(e) non identifié(e) s'exprime à la première personne et s'adresse dans un mini-prologe, un mini-épilogue, ainsi qu'à de très rares occasions au fil de la narration, aux jumeaux que Maria Flor attend et qui vont naître le 22 avril 2003 – on ne le comprend qu'à la toute fin. Il/elle intervient une dizaine de fois, sans toutefois jamais entrer en scène, pour livrer des réflexions sur l'attitude des personnages, la mentalité de l'époque dont il est question, ainsi que la construction même du roman. le dispositif reste quelque peu bancal.
Simple et soigné, le style – qui ne présente à cet égard pas de grand défi de traduction – est tantôt élégant, tantôt familier, tantôt explicatif, sans toutefois être ni ennuyant ni pédant.
La profusion des personnages (les vingt femmes, leurs maris et autres personnages), ainsi que l'immense espace-temps dans lequel ils évoluent rendent le texte extrêmement superficiel. le récit chronologique parcourt cinq siècles en présentant une multitude de destins personnels, d'histoires individuelles, tout en brossant à très grands traits l'histoire du Brésil, depuis l'arrivée des Portugais à l'aube du XVIe siècle jusqu'au début des années 2000.
Aucun des personnages féminins et masculins n'est approfondi ; leur description psychologique, ainsi que leurs relations restent sommaires, voire stéréotypées. Les problématiques du machisme, de la place de la femme dans la société et dans la famille ou encore de la maternité sont effleurée de manière très attendue.
Il est tour à tour question de l'exploitation du pau-brasil (l'arbre qui a donné son nom au pays), de la vie des autochtones, des malades apportées par les Européens, des guerres que ces derniers se sont livrés en exploitant les rivalités intertribales pour bénéficier de monopoles commerciaux, de l'esclavage des indigènes et de l'arrivée des esclaves africains, de l'industrie du sucre, de l'indépendance, de la proclamation de la république, de Getúlio Vargas, du coup d'État de 1964, etc. L'auteure s'est sérieusement documentée : bien qu'elle passe rapidement sur chacun des éléments constitutifs de l'histoire du Brésil, les données historiques sont précises. Les problématiques de l'esclavage et du métissage traversent le roman. Si les premières femmes de la famille sont elles-mêmes des esclaves, les autres en deviennent très vite propriétaires, voire trafiquantes.
Cabo Frio, Bahia, Recife, Olinda, São Paulo, Rio de Janeiro… le récit traverse l'immensité du territoire brésilien sur l'immense territoire du Brésil
Outre la superficialité qui empêche toute empathie, plusieurs excès portent préjudice à la narration. En effet, il semble curieux que nombre des femmes de cette famille aient des enfants avec des Européens fraîchement arrivés au Brésil. L'enchaînement des faits, des naissances, des rencontres, des morts et des péripéties diverses et variées s'avère extrêmement répétitif. En outre, tous les destins, romanesques à outrance, sont marqués par de trop nombreux assassinats, accidents, morts violentes et autres tragédies, à l'image de la mythologie grecque. le lecteur ne s'attache à aucun personnage et n'éprouve aucune émotion face à ce catalogue de destins improbables. On peut en outre déplorer certaines longueurs, des répétitions inutiles, ainsi que des passages un peu niais.
Il n'en reste pas moins que le roman, du fait de son style fluide, alerte et moderne, se lit rapidement et présente l'intérêt de permettre au lecteur de parcourir l'histoire sociale et politique du Brésil à travers les destins rocambolesques et saisissants des femmes de cette famille. Celles-ci sont toujours de près ou de loin impliquées dans un des éléments constitutifs de l'histoire du pays. Si le projet de l'auteure semble s'inspirer de Cent ans de solitude, l'articulation entre l'Histoire et les destins de vie n'est ici guère convaincante.