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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voilà, j'ai replongé dans l'univers de Simenon. L'univers d'un de ses 117 romans durs... comme il les qualifiait.
Simenon pour moi est un rendez-vous littéraire nécessaire.
C'est un grand, un très grand auteur, trop souvent cantonné pour bon nombre à ses romans policiers, à son "double" le commissaire Maigret et aux nombreuses adaptations cinématographiques ou télévisuelles tirées du personnage et de ses enquêtes.
Or l'homme à l'oeuvre prolifique et à la vie "intense" a le sens de l'intrigue chevillé à la plume.
En peu de mots il sait vous peindre et vous rendre vivant n'importe quel personnage là où il faut des pages et des scènes ou des circonstances à des écrivains de talent.
Son narratif est toujours ou presque toujours implacable.
Sa littérature est autant un canevas excellemment et prestement exécuté d'actions, d'émotions, de psychologie, de descriptions, de dialogues - épurés - que de réflexion.
Nous sommes en 1962.
Lors d'une réunion avec son cercle d'amis dans un grand restaurant parisien, le tout-puissant René Maugras, patron de presse respecté, craint, courtisé... arrivé, est victime dans les toilettes de l'établissement étoilé, d'un AVC.
Transporté à l'hôpital de Bicêtre, il va devoir, s'il échappe à la mort, tout réapprendre, se reconstruire.
Simenon nous offre un voyage intérieur, le regard d'un homme soudainement devenu hémiplégique, aphasique, incontinent... dépendant.
De cette ouate foetale qu'est la maladie, dans ce cocon où il s'abrite, il voit, écoute, entend comme le ferait un nouveau-né qui s'efforce de tirer sur son cordon pour retourner dans la douce quiétude de l'amnios.
La maladie offre souvent l'envie d'une reddition sans conditions.
La maladie, souvent, nous révèle à nous-mêmes.
Que devient-on lorsqu'on sort "réparé" d'un tel accident.
A-t-on appris ?
A-t-on changé ?
Vit-on différemment ou reprenons-nous le cours de notre vie là où nous l'avions laissé ?
Simenon vous propose une réponse à travers René Maugras.
En dehors du fait qu'en 1962 je découvrais l'hôpital version patient et que quelques décennies plus tard j'ai eu affaire aux mêmes ennuis de santé que Maugras... je me suis parfaitement retrouvé dans cet univers d'un autre temps... eh oui ! le soin de naguère, ses structures, son personnel, ses connaissances, ses croyances et ses pratiques m'ont paru d'un autre âge... et pourtant !
J'ai lu pas mal de Simenon, dont certains que j'ai présenté ici.
Celui-ci fait partie des très, très bons car d'une maîtrise narrative qui ne souffre d'aucun défaut, offrant une galerie de personnages croqués de main de maître.
Un drame social et humain de haute volée !
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Hervé-Lionel nous a offert déjà, en ces lieux, un formidable article sur ce monument romanesque de 1962.

"Les anneaux de Bicêtre" ou : aimez-vous souffrir ?

Car vous souffrirez bien : corps, âme et esprit fusionnés avec la conscience et les sens de René Maugras, ce grand patron de presse des années soixante (le biographe Pierre ASSOULINE - en son magnifique "Simenon" - y reconnaîtra, sans l'ombre d'un doute, la silhouette familière de Pierre Lazareff, patron du défunt "France-Soir", mais passons... Un détail).

Vous entrez dans le torrent de conscience d'un hémiplégique. Vous savez, après l'accident vasculaire cérébral.... Mais non, ça n'est pas douloureux. Simplement passionnant (bien réparti en 13 chapitres denses).

Les couches d'espace-temps s'y télescopent, comme le son des cloches, les bruits de la cour, le grondement lointain des poids-lourds redémarrant à la Porte d'Italie, "le doux chant de la pluie" (celui que chantait Jean FERRAT) sur les ardoises noires et brillantes du toit vu de la fenêtre , l'odeur de la soupe à l'Hôpital du Kremlin-Bicêtre, le passage incessant des autres malades - ceux de la salle commune - derrière la porte vitrée opaque de la chambre du "privilégié", l'enfance pauvre à Fécamp, le père veuf peu à peu abruti d'alcool, Lina l'épouse délaissée, elle aussi peu à peu alcoolique (on y reconnaît l'une des plus pénibles facettes de Denise, épouse Simenon des années cinquante... ), ces deux infirmières qui se relaient au chevet de l'hôte de la chambre particulière située dans le service du bon professeur Besson d'Argoulet (un ami et un habitué - comme René - du repas mensuel au Grand Véfour", le "Fouquet's" de l'époque)...

Il y a bien les deux faces de "La Femme" (selon Simenon). D'abord l'infirmière de jour, jeune et apprêtée : Mlle Blanche. Puis celle de nuit, Josépha, Alsacienne aux formes généreuses sous la blouse, à l'incroyable accent....

Mais ce tuyau d'aspiration qu'on vous enfonce soudain dans le larynx puis la trachée (juste pour vous éviter l'encombrement bronchique fatal) et il faut bien être trois pour tenir fermement le malade ("Pardonnez-moi mais nous allons être obligés de vous faire à nouveau des petites misères. C'est pour vous soulager"), le comprimé de Sintrom ou l'injection de de pénicilline, la nutrition veineuse, la fuite obligée dans son monde intérieur, ses souvenirs cruels ou dorés, le sentiment de gâchis sous l'apparente "réussite" sociale, une indifférence à la guérison, ce trop fort goût de cendres en bouche...

L'existentialisme simenonien à l'oeuvre... à l'un de ses sommets - et ils sont nombreux.

Avec l'instinct de l'absurde "camusien" (mille fois plus net, concis et ressenti que dans la "La Peste" [1947] si délayée, au moins égal à celui que l'on inhale dans "L'étranger" [1942] d'Albert CAMUS) qui nous ramène à l'étrangeté totale de "Les Gens d'en Face" [1933], de "Il pleut bergère..." [1941] ou de "La fenêtre des Rouet" [1945] de ce bon Georges SIMENON.

L'artisan ciseleur travaille sans à-coups, sans retouches possibles dans la chair vive.

Que d'expérience, que de "métier" aussi...
Comme tout cela respire (organiquement) bien !
Paragraphes après paragraphes, la musicalité sans failles, le rythme inimitable du phrasé simenonien.

Un chef d'oeuvre.
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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Un des grands mystères de ma vie de lectrice: trouvé par hasard dans la bibliothèque de mes parents à l'âge de 12 ans, ce long monologue interne d'un quinquagénaire, Parisien de la haute, aphasique et cloué dans un lit d'hôpital suite à une attaque cérébrale avait raisonné en moi. Curieuse de voir si la magie opère (opérer, hôpital: j'adore l'humour, hu, hu) toujours, je l'ai relu. C'était encore mieux (avec un degré supérieur de compréhension, vu mes 25 ans d'expérience de vie supplémentaires). le génie de faire tenir tout un roman dans un seul lieu, que dis-je, dans une seule tête, pour en faire ressortir une vérité humaine universelle. le génie introspectif du retour sur lui-même du personnage et sa lente métamorphose. du génie, rien que du génie, voilà le mot.
Lien : https://tsllangues.wordpress..
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Je ne voulais pas arriver en décembre et me dire "j'ai oublié Simenon" dans ma liste de l'année en cours. Ce roman dur, comme Georges les appelait lui-même, était prévu pour le printemps 2022, à lire pendant la semaine où je me suis fait hospitaliser pour une ablation d'une tumeur "maligne". Mais comme je ne faisais pas le "malin" à l'époque, je dus attendre la rémission avant d'envisager de me plonger (replonger !) dans l'univers "hospitalier". Encore un adjectif employé de manière incongrue quand on connaît la situation de ce milieu médical. Mais bon, affronter un "Huis Clos" en janvier est peut-être une façon de conjurer le sort et de tourner la page pour ne pas attraper "La nausée". "Le Discours" "Intérieur" que nous propose le plus traduit des auteurs belges francophones nous montre toute l'étendue de son talent pour étudier la psychologie de personnages évoluant dans un seul lieu, une chambre d'une clinique. "On n'est pas là pour disparaître", puisqu'on s'y retrouve pour être soigné, même si le fait d'arriver en urgence puisse laisser envisager "Le dernier jour d'un condamné". Mais c'est sur ce lit, cloué à l'horizontale après un AVS, que l'"Extension du domaine de la lutte" prend tout son sens. Quand les membres ne réagissent plus comme avant, la fonction de la pensée est en alerte et permet à "L'étranger" de retracer sa vie intérieure. "Apprendre à finir", en décrivant minutieusement tous les éléments d'un univers rétréci à l'extrême, puisqu'aucun souvenir ne se rapporte à "La chute" qui a causé la venue dans ce monde aux confins de la mort. "L'innommable" s'est produit, se sentir exclu de la vie d'avant, toute entière consacrée à raconter celle des autres, par l'intermédiaire des "Echos" d'un grand journal de presse écrite.
Jean-Paul Sartre, Fabrice Caro, Thomas Clerc, Olivia Rosenthal, Victor Hugo, Michel Houellebecq, Albert Camus, Laurent Mauvignier, Samuel Beckett et tant d'autres écrivains ont utilisé le monologue intérieur pour exprimer une situation inédite où la méditation prend tout son sens lorsqu'elle permet d'analyser le passé et le présent d'une vie incapable d'envisager si le futur a encore une place quand on se sent réduit à contempler des murs, des machines médicales et les allées et venues de soignants souriants mais exténués qui s'évertuent à essayer de remonter le moral de "patients", qui en sont bien dépourvus, de patience.
Très peu de personnages, une économie de moyens, mais Simenon nous fait chavirer dans son univers à la fois glauque et lumineux, en sondant l'âme humaine comme peu d'auteurs savent le faire. "Les anneaux de Bicêtre", appelé aussi les cloches de Bicêtre, selon que l'on met les sens en alerte plus sur la vue ou sur l'ouïe, m'a profondément marqué par son réalisme, cru et subtil, mais toujours pointilleux et glaçant. Evidemment, je ne suis pas très neutre dans cette approche, j'y ai revu des scènes vécues il y a moins d'un an, quand, bien que tout mouvement physique soit proscrit, on se penche sur sa propre vie à en avoir le vertige.
Il me fallait cette lecture pour revivre ces moments douloureux et tourner la page. Je reprendrai un Simenon beaucoup plus tard, peut-être un Maigret, moins "dur" à supporter, en me laissant aller dans une histoire impersonnelle.
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Je lis un ou deux Simenon chaque année, celui-ci sera millésimé 2021 (lecture achevée le 31 décembre). À chaque fois, je suis plus admiratif ; à chaque fois, je me dis "celui-ci est meilleur", "celui-ci sort du lot". Et avec les Anneaux de Bicêtre, ça n'a pas manqué.

Sauf que cette fois, c'est vraiment le meilleur de tous, non ? Jusqu'au prochain peut-être tant Simenon me touche. J'apprécie chaque ligne, chaque idée, chaque phrase, le fond comme la forme, la puissance d'évocation, la simplicité de l'énonciation, la profondeur du propos malgré tout... Et je fais mienne cette vision désabusée, au sens vrai du terme, une vision sans illusion, une vision vraie, sèche, crue.

Je me fous totalement de l'aspect médical (qui a pu paraître peut-être un élément important au moment de la publication) et encore plus de l'aspect mondain (chaque figure esquissant le portrait d'une personnalité de l'époque, on le devine). Seul compte le chant, le chant gris et intérieur de cet homme muré dans le silence – et pourtant il vit ! –, qui cherche à comprendre qui il est, se pardonne à lui-même et aux autres, les voies tels qu'ils sont. Un homme nu (concept cher à Simenon) rencontre l'humanité nue.

Rien de grandiose pourtant dans cette épiphanie, et c'est là la leçon.
Lien : https://www.tristan-pichard...
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