Un dimanche d'octobre, la décision et les rendez-vous pris afin de se séparer de la maison de vacances héritée de sa grand-mère, Claire quitte Paris et arrive à l'Île-Tudy. Sur la route l'accompagnent les rappels d'autres déplacements vers ce lieu de villégiature, ceux lointains avec ses parents et sa soeur Armelle puis ceux qui ont suivi avec sa mère et sa petite soeur uniquement. Son père, un jour d'été, ici même, les avait quittées pour ne plus jamais revenir et avait trouvé la mort six ans plus tard sur une route d'Argentine.
Dans le silence automnal de cette rue déserte, seulement troublé par un des volets battant au vent, la première vision de cette maison qui a abrité toutes ses vacances d'été lui rappelle ses paroles d'alors « Jamais plus cette maison. » Mais il lui faut retourner là, boulevard de l'Océan, pousser la porte et être assaillie par le parfum nostalgique des vieilles maisons du bord de mer.
Cette maison, elle pense qu'elle ne l'aime pas. Seule l'inoubliable senteur de la mer la charme encore.
Claire craint d'entendre les lieux qui ne peuvent taire les souvenirs. Elle se méfie des chambres à l'étage et leur préfère celle contigüe à la pièce principale dans laquelle sa grand-mère dormait. Mais là, une forme immobile sur le lit accélère subitement les battements de son coeur. Des cheveux blonds désordonnés et une pensée aussi fulgurante qu'absurde, celle que son père est revenu ! Mais ce sera une confrontation avec un jeune homme mort…
L'enquête sera brève et simple mais cet évènement inattendu viendra chambouler sa décision initiale et fera voler en éclat les scellés qu'elle a posés sur les souvenirs de sa famille, sur toute cette histoire si personnelle qu'elle se refuse de regarder en face. Sont revenus à la surface la douleur de la fuite paternelle, la froideur, la voix dure et sèche de la mère, les rapports cruels et conflictuels avec Armelle.
Dans ce retour sur un passé familial,
Marie Sizun ne s'est pas attachée à des révélations nettes et précises mais en dégage juste des impressions mises en lumière sous un autre jour et qui viennent modifier doucement la colère et l'amertume jusqu'alors héritées de ce passé.
Interrogeant les souvenirs, portée par des phrases courtes et percutantes, cette délicate introspection mène notre narratrice vers ce qu'elle a vécu dans cette maison de Bretagne. C'est tout d'abord son regard et son ressenti, enfermés alors dans l'enfance puis l'adolescence, qui semblent sortir tout droit des murs de la vieille habitation, mais en est-il vraiment ainsi ? Cette ambiance intérieure conjuguée à celle de ce petit coin breton vont-t-elles lui montrer une autre version des êtres qui composaient sa famille ?
Une semaine, juste une semaine pour inverser des sentiments de jadis, pour chambouler la mémoire et porter un regard différent.
Marie Sizun a ce don particulier, si sensible et délicat, pour interroger les souvenirs d'enfance et parler de la tristesse que peut abriter une vie de famille. Ici, cette maison de Bretagne nous retient dans son « odeur de salpêtre, de moisi et de sel qui est la marque des vieilles maisons d'ici. » On s'y installe avec nostalgie et on la laisse, avec émotion, revenir sur le passé de Claire. L'Île offre un charme supplémentaire, esquissée par le regard d'un peintre. On la devine aisément, cachée derrière quelques mots glissés ça et là, un petit restaurant sur le port, la vue vers Loctudy, un goéland posé sur un muret, le sable humide de la
plage. Un très beau roman à glisser délicatement dans sa valise d'été… vers la Bretagne !