AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,24

sur 1306 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Eté 1967, début et fin d'une vie. Pour la fin, celle de John Coltrane. A Love Supreme sera son testament. Une oeuvre qui bousculera tant d'âmes, celle de Patricia en premier, la tienne peut-être, la mienne, une évidence. L'été de la mort de Coltrane fut une ode à la brune, belle et pleine d'épices, à la musique, des références rock au punk et à l'amour, pour un homme son évidence. 1967, un tournant dans cette putain de vie.

Patti Smith, dont sa musique a participé depuis quelques années à ma vie, se livre presque intimement et nous livre un grand roman d'amour et de tristesse, deux sentiments qui vont de pair. Spleen, les mots de Baudelaire sont profondément ancrés dans son âme. Coltrane, Baudelaire, les références, des êtres qui me causent également tant ils sont présents en moi. Elle évoque aussi ses doutes à ses débuts, et d'ailleurs il n'y a de début qu'à cause de l'influence d'un autre poète, dont j'ai aimé me recueillir sur sa tombe, main dans sa main, Jim Morrison, le silence des lieux, son silence, mon silence.

« Just Kids », c'est aussi une histoire d'amour de deux gamins différents qui se sont rencontrés, trouvés, deux âmes soeurs qui se comprenaient, même sans parole, et qui conversaient par art interposé, Patti Smith et Robert Mapplethorpe. Et dans cette jeunesse de plans galères en paysages gris et pluvieux, c'est toute une époque qui s'ouvre entre les pages avec son lot de grands noms qui font partie également de mon univers, John Coltrane, Tim Buckley, Janis Joplin, Jim Morrison, Lou Reed et son Velvet Underground. Putain quelle époque ! Même David Bowie a bien dû s'assoir sur ce canapé en bas du Chelsea Hotel… Putain que des monstres morts, je n'ai plus qu'à attendre la mienne pour les retrouver, en attendant je savoure chacun de leurs disques.
Lien : https://memoiresdebison.blog..
Commenter  J’apprécie          723
Just Kids, ou l'autobiographie de Patti Smith, de son premier cri à la reconnaissance internationale , même si le livre va un peu plus loin.
Pas de surprise pour les fans , que des découvertes pour les incultes dans mon style.
Certes Patti Smith évoquait dans mon subconscient les colliers de fleurs, les vans aux couleurs flashy , le shit et les substances revigorantes (à court terme) et aux autres caractéristiques d'un mode de vie associé aux hippies. Certes, mon subconscient cochait quelques bonnes cases mais il ne connaissait absolument rien de la future chanteuse.

Le livre tourne autour de sa relation avec Robert Mapplethorpe , inconnu pour moi, autre artiste en quête de reconnaissante et rencontré dès son arrivée à New York. Leur relation est très touchante et porte littéralement le livre.
Le livre est très détaillé , les noms d'artistes en devenir , has ben ou never known foisonnent, rendant parfois l'ensemble un peu poussif malgré la fluidité du style.
On se ballade avec plaisir dans le New York 'underground', Tompkins Park, Chelsea Hotel , le CBGB, Bowery...Le CBGB , ce fief de la musique underground où l'on devait traverser les coulisses pour aller aux toilettes .Un autre monde , une autre époque. Et où Patti Smith , comme les Ramones par exemple, ont lancé leur carrière.
On soulignera l'optimisme du livre , la foi de Patti en la vie , sa résilience , l'acceptation d'un style de vie qui peut sembler marginal mais dont l'évocation tendre et amoureuse de l'auteur ne suscite aucune réprobation. son attachement à Rimbaud et sans doute un peu à la France et ses poêtes, ses liens familiaux , brossant le portrait d'une femme fondamentale humaine ,posée, déterminée , tolérante, très attachée aux objets et à leur symbolique.
Je pense que les fans passeront un moment hors tu temps et je les envie. Moi, en tant que lecteur "neutre" , j'ai passé un bon moment.
Commenter  J’apprécie          548
"Jésus est mort pour les péchés de quelqu'un, mais pas les miens" sont les premiers mots du "Gloria" de Patti Smith -de quoi forcer l'admiration.
Et de l'admiration, on ne peut qu'en avoir davantage, après la lecture de ce récit, où Patti Smith raconte son histoire d'amour avec Robert Mapplethorpe dans le New York interlope des années 60-70. Nous prenant par la main, elle nous emmène dans le dédale du Chelsea Hotel, et l'on croise tous les artistes de cette période (Janis Joplin, Allen Ginsberg, Andy Warhol et sa cour...). Mais surtout, on observe le processus créatif de deux jeunes artistes qui se cherchent encore, entre peinture, dessin, collage, poésie, photographie, musique. C'est la vie de bohème où on ne mange pas tous les jours à sa faim, où on achète ses fringues à l'Armée du Salut, où on quitte les hôtels miteux à la cloche de bois, et où on songe à tapiner pour payer le loyer...
Mais ce qui m'a le plus fascinée dans ce livre, c'est la foi qui animait Smith et Mapplethorpe, tous deux convaincus de leur talent, qui se sont toujours mutuellement encouragés et n'ont jamais renoncé à leurs rêves d'artistes. Toutefois, j'ai parfois été agacée par le dévouement de Patti Smith, qui se chargeait toujours de trouver des boulots alimentaires pour permettre à son amoureux de se consacrer pleinement à la création artistique, et j'ai parfois regretté qu'elle s'efface derrière lui dans ce récit.
Il n'en demeure pas moins que ce livre est un témoignage beau et émouvant sur ces années de bonheur et de galère. Il s'en dégage un doux parfum de nostalgie, porté par une écriture d'une exquise délicatesse, pudique et lumineuse.
Merci, Jean-Jack, de m'avoir persuadée de le lire.
Commenter  J’apprécie          5410
On ne présente plus Patti Smith, chanteuse et performeuse, "poétesse électrique", incarnation de l'héroïne rock rebelle et libre. Avec Just Kids, elle revient sur ses jeunes années et avant tout sur son histoire d'amour avec Robert Mapplethorpe, grand photographe décédé en 1989. Deux enfants terribles de la scène artistique New-Yorkaise aux parcours indissociables, qui ont pour point commun d'avoir bousculé les codes pour forger leur identité et devenir des figures majeures du rock pour l'une et de la photo pour l'autre.

Dans ce récit autobiographique, Patti Smith se souvient… Tout commence par sa rencontre avec Robert en 1967: l'amour, la vie de bohème, ses vaches maigres et ses joies dans le New-York de la fin des années 60, les coups durs où il faut s'accrocher l'un à l'autre, le travail acharné du couple pour trouver leurs voies artistiques respectives, les rencontres avec les figures de la contre-culture (Allen Ginsberg, William Burroughs, Sam Shepard, Janis Joplin, Lou Reed, Jimi Hendrix… ) aussi bien qu'avec les marginaux hauts en couleur du Chelsea Hotel non loin de la Factory de Warhol … Jusqu'au début de la reconnaissance, puis de la gloire, moment où leur identité s'affirme en même temps que leurs chemins se séparent.

Patti Smith raconte avec pudeur et émotion ces années où tout a commencé. Admirablement bien écrit, le style limpide de la poétesse du rock, férue d'Arthur Rimbaud, nous emporte. Et si l'on referme ce livre la gorge nouée, c'est parce qu'elle parvient à nous faire ressentir la nostalgie du temps de l'innocence, ce temps où avec Robert, ils étaient "juste des gamins". Quelques photos d'époque agrémentent ce récit passionnant, accentuant la plongée dans l'ambiance des années 1970. Un magnifique témoignage sur une histoire d'amour peu ordinaire. Elle lui promit d'écrire un jour leur histoire. Just Kids est cette belle, très belle promesse tenue. Il a remporté aux États-Unis le prix national du livre non fictionnel (National Book Award for Nonfiction) en 2010 et, l'année suivante en France, le prix du livre rock : preuve si besoin était de la qualité littéraire de ce texte.

A lire en réécoutant bien sûr les albums de Patti Smith, surtout les trois premiers, "Horses" en tête ! Et aussi son dernier, "Banga" (2012), vraiment très réussi. Il nous prouve qu'à 65 ans elle n'a rien perdu de son incroyable talent.
Commenter  J’apprécie          4414
Les 2 kids du titre, ce sont Patti Smith et Robert Mapplethorpe, tour à tour amants, amis ou âmes-soeurs mais toujours artistes jusqu'au bout des ongles.

Patti Smith raconte ici leur vie de bohème à New York dans les Années 1970, leurs passions, leurs déboires, leurs démerdes... Kids oui puisque ce sont des jeunes qui se cherchent, mais 'just' kids pas forcément, ou alors il faudrait ajouter 'Just rock'n roll', 'Just art' et 'Just love'.

Si la relation entre Patti et Robert, faite de communion artistique et d'acceptation inconditionnelle de l'autre, m'a profondément touchée, le livre dans son ensemble est un peu trop punk pour moi : je ne vois pas vraiment de poésie dans le fait de transporter un oiseau empaillé, de faire des collages à partir de photos pornos ou d'échanger 3 mots avec toutes les stars du milieu underground...

A certains moments, je me suis un peu perdue dans cette kyrielle de prénoms d'amis Sam, Allen..., de noms de lieux Max, Chelsea... ou de descriptions des oeuvres déjantées, photos, collages, poèmes... Mais j'ai beaucoup apprécié le début, avec l'enfance, la rencontre et les rêves, ainsi que le terrible final, malheureusement très fréquent à cette époque, plein de pudeur mais surtout d'amour.

Un livre qui m'a fait penser à 'Paris est une fête' d'Hemingway, un livre qui ne m'avait pas complètement emballée non plus mais qui place Patti Smith en bonne compagnie.

Challenge PAL et challenge Atout Prix 10/xx
Commenter  J’apprécie          400
Just Kids, c'est une histoire d'amour amitié, à la vie, à la mort.
Patti Smith et Robert Mapplethorpe commencent par être amants avant de devenir amis, avant que Robert Mapplethorpe découvre son homosexualité. Ils sont jeunes tous les deux, tout juste sortis de l'adolescence, au début du récit.
Robert Mapplethorpe deviendra un photographe connu. Il mourra du sida en 1989 à l'âge de 43 ans. Patti Smith, devenue une chanteuse célèbre, lui a promis d'être fidèle à sa mémoire et d'écrire leur histoire. C'est une histoire d'amour, d'amitié et de fidélité qui continuera par-delà la mort du photographe.
J'ai beaucoup aimé le style de Patti Smith qui rend hommage avec poésie à celui qui fut son ami.
A noter que le livre contient des photos prises par Robert Mapplethorpe ainsi que des dessins et des poèmes de Patti Smith.
Commenter  J’apprécie          342
J'ai mis une éternité à me décider à commencer ce livre, ce qui est inexplicable puisque l'adolescent que j'étais dans les années 70 passait en boucle sur son tourne-disque « Horses » puis « Easter ». Je ne comprenais pas toutes les paroles mais je recevais 5 sur 5 les grandes envolées lyriques de Patti, sur fond de rock'n'roll affuté. Personnellement, il m'arrive encore de les réécouter avec beaucoup de plaisir. Ils sont intemporels (« Radio Ethiopia » et « Wave » me semblent moins indispensables).

Je savais que Patti Smith avait été proche du photographe et artiste Robert Mapplethorpe, mais j'ignorais à quel point leur relation avait été fusionnelle. Ils ont été amants quelques années mais surtout totalement inséparables depuis leur rencontre dans le New-York de la fin des années 1960 jusqu'à la mort de Robert Mapplethorpe, du SIDA, en 1989.

C'est donc un livre de mémoires, avant tout. Loin de la sécheresse de certains ouvrages de ce genre, Patti Smith a su donner un ton très juste, élégiaque, à son livre. Des photographies s'intercalent dans le texte, le plus souvent des portraits d'eux, ensemble ou séparés, pendant ces années de bohème. Ils ont souffert de la faim, du froid mais ont tenu bon dans leur volonté de vivre pour l'art. Patti Smith a toujours eu des emplois plus ou moins réguliers, souvent dans des librairies, qui leur assuraient à tous deux de quoi payer une petite chambre au Chelsea Hotel. Puis de louer un atelier commun.

Leur rêve était d'approcher Andy Warhol et son cercle, ce qui ne se produira pas vraiment, même lorsqu'ils commencent à être connus dans ce petit monde de l'underground new-yorkais du début des années 1970. Patti deviendra une rockeuse presque par hasard. Elle aimait la scène mais ses expériences au théâtre lui semblaient trop réductrices. Elle était probablement trop libre pour se contenter d'incarner un personnage aux contours bien définis. Ses poésies, elle les donnait en public, ce qui, selon elle, lui avait donné une grande expérience de la répartie et procuré du plaisir.

On rencontrera dans ces pages d'autres figures essentielles de cette époque et de ce lieu. Mais ce n'est pas un catalogue. Patti Smith n'a jamais perdu de vue que ce livre était avant tout un hommage à Robert Mapplethorpe. Même sa carrière de rock-star est à peine abordée. Il ne faudrait pas s'attendre à de longs développements sur la genèse des albums les plus marquants du Patti Smith Group, qui sont survolés.

La question que je me suis posé en terminant ce livre, était « à quoi bon ? ». Si le prix à payer pour être artiste est si élevé, en termes de souffrances, d'addictions, d'épreuves de toutes sortes, pourquoi se l'infliger ? Il est vrai que ces deux-là pouvaient absolument compter l'un sur l'autre, ce qui leur a probablement permis de tenir bon, contre vents et marées. Patti Smith a eu la sagesse de mettre un terme brutal à sa carrière des années 1970, après « Wave », pour s'installer à l'écart de New-York avec Fred Sonic Smith et se consacrer à leur vie de famille.

Patti Smith, faut-il le rappeler, est poète. Elle est aussi, avec ces mémoires, une écrivaine sensible et grave.
Commenter  J’apprécie          304
Chanteuse immense, poétesse, artiste plastique, musicienne, performeuse, égérie du mouvement punk et désormais écrivaine : Patti Smith a décidément plus d'une corde à son arc ! (devrais-je dire "à sa Gibson" ?)

Si c'est par sa voix puissante, rebelle, inimitable, qu'elle m'avait depuis longtemps conquis, c'est par sa plume pleine de sincérité, sa personnalité et son parcours pour le moins singulier qu'elle me séduit aujourd'hui. Quelle vie, quel talent, quelle énergie, quelle rage et quelle tendresse dans le joli témoignage qu'elle nous dévoile ici !
Cette biographie est bien celle d'une femme libre, entière, férue d'art, de photo et de littérature française (Baudelaire, Genet, par dessus tout Rimbaud), celle d'une gamine simple, partie de rien et devenue icône.

C'est aussi et avant tout l'histoire d'un serment, d'une fidèlité à toute épreuve. L'histoire d'une rencontre fusionnelle avec Robert Mapplethorpe, son complice et sa référence absolue en matière d'expression artistique et de créativité.
Son amant d'un temps, son âme soeur de toujours.
Ensemble, Robert et Patti ont traversé les seventies comme des comètes jumelles.
Ils ont écumé les quartiers les plus populaires de New-York, ils ont connu la faim, ils ont partagé leurs rêves, leurs maigres économies et leurs modestes biens (des portfolios surtout, quelques bijoux de pacotille et autres petits accessoires vestimentaires, un polaroid...), ils ont navigué main dans la main dans une faune interlope qui les a tous deux beaucoup inspiré, ils ont consommé (Robert surtout) quelques substances douteuses, ils ont vécu de longs mois - comme tous les plus déjantés des artistes et poètes New-Yorkais de l'époque - dans une chambrette du mythique Chelsea Hotel, ils ont croisé la route des Dylan, Joplin, Hendrick et autres membres émérites du Velvet Underground ("on ne pouvait pas rêver mieux dans le registre du glamour sombre"), en bref ils ont bâti leurs carrières sur un terreau des plus fertiles.

Robert s'est essayé à divers arts plastiques avant de s'adonner pleinement à la photo, principalement des nus masculins chargés d'érotisme, voire carrément de sado-masochisme, pour lâcher la bride à ses penchants homosexuels et exprimer sa franche volonté de rupture et de transgression.
De son côté Patti prend la pose (ah ! la beauté de ces clichés noir et blanc, francs et sans artifices !), elle peint, dessine et écrit, notamment des poèmes plutôt torturés dont elle aime faire des lectures publiques et des pièces de théâtre pour "refléter la pagaille flamboyante de [son] monde intérieur". En amoureuse des livres, curieuse et cultivée mais toujours prête à se passionner pour les idées provocantes, elle cherche à "insuffler dans le mot écrit l'immédiateté et l'attaque frontale du rock and roll". En clair ça dépote !
C'est Robert, qui l'invite à mettre ses textes en musique, la propulsant indirectement sur le devant de la scène punk, puis plus tard au panthéon du "Rock and Roll Hall of Fame" et en bonne place dans ma playlist favorite (merci Robert !)
C'est à Robert aussi, évidemment, qu'est consacré en grande partie cet ouvrage. Tourmenté jusqu'au bout, avide de reconnaissance, il est mort du sida à 42 ans (1989) et c'est pour lui que Patti a conçu ce joli document très intime, plein d'authenticité et riche en anecdotes sur la folie d'une époque et sur leur formidable couple de touche-à-tout.

J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir ce texte et à me plonger dans l'histoire d'un coup de foudre artistique hors-norme, en regrettant toutefois par moments la multitude de noms propres (poètes, musiciens, noms de lieux...) et de références culturelles américaines qui me sont inconnues...
Ceci mis à part, la lecture reste passionnante, et les superbes portraits de Patti, leur sombre puissance esthétique, leur cadrage strict, leur noir profond si loin des couleurs à outrance et des motifs psychédéliques en vogue dans les années 70, constituent un bel hommage au talent du photographe. Il s'en dégage vraiment quelque chose de très fort !
Souvent Patti se tient debout, la tête haute, et son regard semble nous dire : « People say "beware !" / But I don't care / The words are just rules and regulations to me » ("Gloria", titre inaugural de l'album de légende "Horses").
En d'autres termes : « Je suis ce que je veux, je ne suis pas comme vous, et je vous emmerde ».
Défi, révolte, audace, insoumission.
Rock'n roll.
Forever.
Commenter  J’apprécie          295
A quoi ça tient un destin parfois ? Celui de Patti Smith s'est joué dans une cabine téléphonique. L'été 1967, à 21 ans, elle décide de quitter son New Jersey natal et de rejoindre New York avec pour seule possession une valise et le montant exact du trajet en petite monnaie. Arrivée à la gare routière, elle découvre que le prix du billet a presque doublé depuis la seule et unique fois où elle s'est rendue dans la Big Apple. Honteuse à l'idée de devoir rentrer chez elle, elle s'isole dans une cabine téléphonique pour réfléchir à la situation et découvre un sac à main posé sur un annuaire. A l'intérieur, 32 dollars, largement de quoi se payer le voyage : « J'ai pris l'argent et déposé le sac au guichet. […] Je ne peux que remercier, comme je l'ai bien souvent fait intérieurement toutes ces années durant, cette bienfaitrice inconnue. C'est elle qui m'a donné l'ultime encouragement, le porte-bonheur de la voleuse. J'ai accepté le don du petit sac à main blanc comme si c'était le doigt du destin qui me poussait en avant. »

Passionnée de dessin, de peinture, de littérature et de poésie, Patti quitte les siens sans véritable but. Arrivé sur place, elle pense pouvoir se loger chez des amis mais ceux-ci ont déménagé sans laisser d'adresse. Se retrouvant à la rue, elle dépose des CV dans des librairies et des magasins de mode. En attendant des réponses qui tardent à venir, elle dort dans des cimetières, des cages d'escalier ou des wagons de métro. Elle trouve enfin un boulot de caissière dans une échoppe vendant des bijoux fantaisies et son destin bascule à nouveau le jour où elle sert un jeune homme qui deviendra son inséparable compagnon de route. Il s'appelle Robert Mapplethorpe et avec lui elle veut refaire le monde. Fascinés par l'art, ils vont se lancer dans de nombreuses expérimentations allant du collage à la photographie en passant bien sûr par le dessin et la poésie. Pendant des semaines, des mois et même des années, le couple va subir quelques tempêtes et bouffer de la vache enragée. D'abord amants puis liés par un indéfectible lien d'amitié, Patti et Robert vont traverser la fin des années 60 et le début des années 70 portés par le souffle d'intense créativité qui balaie New York. Dans leur sillage, on croise Andy Wharol, Allen Ginsberg, Janis Joplin, Jimi Hendrix et tant d'autres.

La carrière de chanteuse de Patti commence par le biais de la poésie. Fascinée par Rimbaud (le chapitre où elle relate son périple à Charleville en 1973 est tout en émotion), elle parvient à placer quelques textes dans des revues avant de faire des lectures dans les bars. Elle y affronte un public difficile, chahuteur, indifférent ou vindicatif. C'est grâce à ces prestations souvent chaotiques qu'elle va se forger une identité scénique des plus solides. En posant des notes de musique sur ses mots, c'est la révélation. Entourée de musiciens, Patti déploie ses ailes et créé une parfaite fusion entre la poésie et le rockn'roll. Une recherche de simplicité dépouillée de tout artifice, une forme de sauvagerie et de pureté : « Nous avions peur que la musique qui était notre nourriture ne se trouve en danger de famine spirituelle. Nous avions peur qu'elle perde sa raison d'être. Nous avions peur qu'elle s'enlise dans un bourbier de spectacle, de finances et d'insipides complexités techniques. »

Cette autobiographie m'a passionné. Quelle femme, quelle vie, quelle époque ! Patti et Robert, c'est un couple indestructible à la curiosité intellectuelle permanente guidé sur la voie de l'art par la fréquentation de figures mythiques et qui n'aura cessé d'élargir le champ des possibles. Just Kids, des gamins inséparables qui seront parvenus à réaliser leurs rêves. Une histoire belle et tragique.

Les dernières pages sont bouleversantes. A la fin des années 80, Patti s'est mariée et a eu deux enfants. Robert est devenu un célèbre photographe. Malade du sida, il se meurt et sa compagne de toujours lui rend visite le plus souvent possible. Entre eux la magie est toujours présente. de leur ultime rencontre elle dira : « La lumière ruisselait à travers les vitres sur ses photos et ce poème silencieux que nous formions, assis ensemble une dernière fois. Robert mourant : il créait le silence. Moi, destinée à vivre, j'écoutais attentivement un silence qu'il faudrait toute une vie pour exprimer. » Juste avant sa mort, elle lui écrit quelques mots : « l'idée m'est venue, en regardant tout tes objets, tes oeuvres et en passant en revue mentalement des années de travail, que de toutes tes oeuvres tu es encore la plus belle. La plus belle de toutes les oeuvres. »

Robert s'est éteint le 9 mars 1989. Lorsqu'elle a appris sa mort, Patti écoutait La Tosca entamer la sublime aria « Vissi d'arte » : J'ai vécu pour l'amour, j'ai vécu pour l'art. « J'ai fermé les yeux et joint les mains. La providence décidait des termes de mon adieu. »
Lien : http://litterature-a-blog.bl..
Commenter  J’apprécie          272
Just kids": 1970, Patti Smith et son compagnon d'alors, l'artiste Robert Mapplethorpe se promènent à Coney Island après avoir soigneusement choisi leur style du jour. Une femme aurait lancé à son mari "prend-les en photos, ils deviendront peut-être quelqu'un plus tard!" Ce à quoi le mari aurait réponcu "come on, they're just kids!"
La femme se serait-elle rappelé d'eux quelques années plus tard? Ou serait-elle passée à côté sans jamais savoir qu'elle avait rencontré les deux artistes avant qu'ils ne deviennent célèbres?

Juste des enfants, oui mais des enfants remplis de rêves, curieux, et créatifs qui se sont soutenus l'un et l'autre dans leurs trajectoires. Une belle histoire d'un amour-amitié inébranlable, que Patti Smith mettra sur papier des années et des années plus tard, bien après la mort prématurée De Robert.
Par ce récit autobiographique qui recouvre quatre ans d'une époque incroyablement fertile - les années 70 à New York- Patti Smith nous dépeint une atmosphère unique de rencontres artistiques où on retrouve les plus grands de l'époque entre le Chelsea Hôtel et le Max, bar à la mode et QG d'Andy Warhol notamment: Velvet Underground, Allen Ginsberg, William Burroughs, Janis Joplin, Jimmy Hendrix, et les Doors qui ne sont pas loin, sans parler de John Lennon et Yoko Ono. Incroyable.
Le double-portrait que Patti Smith fait d'eux deux est plein de tendresse et de compréhension, la jeune femme même est très touchante par la fragilité qui en ressort et qui me semble si opposée à sa voix, puissante et très féminine quand je l'écoute chanter.
Ca a été un plaisir de vivre toute une époque à travers ce témoignage et de retrouver Patti Smith mais je dois avouer que j'avais pris un plaisir encore plus grand et profond avec son autobiographie suivante, M Train, lu l'année dernière.
Patti Smith a quand même une sacrée plume, j'ai très envie de me procurer un recueil de ses poèmes maintenant, et de jeter un oeil sur les travaux De Robert.
Commenter  J’apprécie          264




Lecteurs (3096) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1718 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}