À mi-chemin entre le fantastique de H. P.
Lovecraft et la fantasy de
R. E. Howard
Le présent recueil rassemble dix-huit nouvelles publiées aux environs de la première moitié des années trente par l'écrivain américain
Clark Ashton Smith et rassemblées dans un recueil nommé Zothique. Zothique doit son nom au continent unique d'un futur lointain et indéterminé où survie une Humanité moribonde. C'est un monde obscur, désespéré et désespérant, à la fois barbare et décadent.
Disons-le sans plus attendre les nouvelles rassemblées dans ce recueil (que l'on qualifierait aujourd'hui de dark fantasy) sont globalement de très bonne qualité. Elles allient une atmosphère crépusculaire, un style puissant et une ironie grinçante. Ces textes qui partagent le même univers, ont également pour dénominateur commun la thématique de la mort. Amateurs de cadavres pourrissants, de lugubres nécropoles, de goules, de nécromants, vous serez tout à votre aise dans le monde de
Clark Ashton Smith.
Le livre commence d'ailleurs très fort avec les nouvelles «
L'Empire des Nécromants » et « L'île des tortionnaires », deux nouvelles très réussies qui nous plongent dans l'univers cruel de Zothique et instillent au lecteur autant d'intérêt que d'inconfort face aux agissements des protagonistes (torture nécrophilie…).
La suite n'est pas toujours égale et d'excellents textes comme le très lovecraftien « le dieu nécrophage » ou « Les nécromants de Naat », qui dégage une certaine poésie spectrale côtoient des textes un peu plus quelconques comme « le voyage du roi Eurovan ». le tout restant globalement d'un très bon niveau.
Ami d'Howard P.
Lovecraft (les deux hommes entretiennent une
correspondance nourrie), il est troublant de retrouver autant des points communs entre leurs oeuvres que ce soit sur le fond (insignifiance des hommes vis-à-vis de « dieux » anciens, puissants et cruels, ambiance horrifique) comme sur le style (écriture archaïsante et foisonnante d'adjectifs). L'influence (croisée) avec
Robert E. Howard, s'incarne davantage dans l'univers : un monde sans merci où cohabitent des barbares et des « civilisés » (ces derniers, décadents, se révélant souvent plus malsains et nuisibles que les premiers).
Outre les influences entremêlées entre
Lovecraft, Howard et Smith on peut déceler un certain gout de ce dernier pour les mythes gréco-romains mais aussi imaginer une certaine filiation avec des auteurs du XIXème comme
Edgar Allan Poe,
Maupassant ou
Baudelaire.
Le style de l'auteur, autodidacte, est très marqué par une langue volontairement archaïque, qui utilise abondement les adjectifs et n'hésite pas à employer un vocable rare et désuet. Ce style est repris dans la traduction de 2017 des éditions Mnemos. À l'exception d'un ou deux passages que j'ai trouvé un peu forcés (Et encore, je chicane…), cette écriture est assurément l'un des points forts du recueil tant elle se met au service de l'histoire et participe à l'immersion du lecteur.
Ce recueil est le premier que je lis de cet auteur et ne sera certainement pas le dernier. J'ai grandement apprécié la qualité de l'écriture, la subtile ironie de l'auteur et l'immersion procuré par l'ouvrage et le recommande très volontiers aux amateurs des littératures de l'imaginaire. de mon coté, je poursuivrai certainement le voyage avec un autre recueil de l'écrivain : Hyperborée et Poséidonis