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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un excellent Joy Sorman. Témoignage, reportage dans un Palais de Justice. Bart s'exile , il programme se relégation, Il s'escamote. C'est son ultime liberté. Il assiste, en silence, sans rien noter. Il est venu là pour voir si il existe une Justice, lui qui vient d'être frappé par l'injustice.
Il va s'enfermer volontairement entre les murs de la Justice. Y vivre, jour et nuit. Il deviendra presque le fantôme du Palais. Il écoute les accusations, les plaidoiries, il lit les visages, les corps, et décryptent les bruits.
23e chambre comparutions immédiates...15e chambre : mineurs et affaires familiales, 16e chambre : terrorisme….il pousse les portes au hasard s ‘assoit et assiste.
A travers ce roman Joy Sorman interroge nos institutions, nous interroge quant au sens que nous déposons sur sa balance.
Justice expiatoire ? Justice de classe ? Parodie ? Comédie ? Lieu de vengeance ? Hôtel des sacrifies ? Machine férocement bien huilée ou vieille mécanique dépassée ? Quel rôle joue chaque partie ? La victime, le coupable, le juge, l'avocat, les témoins, l'opinion publique, nos gouvernants ? La Justice serait l'ordre face au désordre ?.. Mais d'où viennent cet ordre et ce désordre ? Où se trouvent la morale, la justice sur ces tapis roulants qui défilent de plus en plus vite devant une magistrature qui voudrait rendre justice.
« Le témoin » de Joy Sorman est à rapproché du dernier roman de Constance Debré « Offenses ».
Pourquoi ne pas avoir pensé organiser la rencontre lors d'une émission radio ou télé, de ces deux auteures ? Cela serait passionnant .
« Le témoin » : une preuve supplémentaire que la littérature est capable de pousser toutes les portes et d'apporter un éclairage différent sur le monde, elle fait apparaître ce que l'on voudrait ou aimerait escamoter. La littérature ne sublime pas, elle révèle.

Astrid Shriqui Garain
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« ... son pas encore un peu plus allégé, son existence en voie d'escamotage.
Car c'était une fugue, une évasion, une disparition volontaire puisqu'on avait voulu l'effacer; il se retirait de sa propre initiative, programmant sa relégation. Banni, il choisissait son exil, c'était sa revanche. »
Joy Sorman, le Témoin (Flammarion, 2024), p.13
Ancien employé de Pôle Emploi, qu'il a dû quitter à cause d'un plan social entraînant des licenciements massifs, Bart choisit de ne pas réintégrer le monde du travail. Ayant toujours été « meilleur observateur qu'acteur » (p.95), ce fonctionnaire discret et un peu terne élit comme lieu de retraite le Palais de Justice de Paris, où il s'installe en clandestin, organisant son campement nocturne à l'intérieur du faux-plafond des toilettes, un havre qu'il partagera bientôt avec une minuscule souris… le jour, Bart parcourt les différents espaces du Palais, de la cafétéria à la salle des pas perdus où convergent tous les jours des milliers de personnes, jugés, jurés, ou professionnels de la Justice, et, surtout, notre « témoin » fréquente les différentes Cours, des chambres de comparution immédiate aux procès d'Assises.
Veillant à rester invisible, Bart assiste au défilé des jugements, de nature pénale ou civile, montrant comment la machine de la Justice, condamnée à une perpétuelle urgence, faute des moyens et du temps nécessaires pour accomplir sereinement son office, broie les destins de ceux qu'elle condamne, méprisant souvent autant les accusés que leurs victimes. Tout est traité avec la même absence d'empathie, les petits conflits de voisinage, les violences sexuelles ou conjugales, les multiples trafics de stupéfiants et délits de fuite, les cambriolages et les crimes de sang, donnant à Bart le sentiment d'un bâclage incessant, voire d'un immense gâchis humain.
En choisissant, après s'être mise elle-même remarquablement en scène en exploratrice du monde psychiatrique dans À la folie (Flammarion, 2021), cet astucieux dispositif narratif du « témoin » comme porteur de son point de vue, Joy Sorman dresse à travers ce roman un portrait sans concession d'une Justice… sans justice, réduisant son rôle à appliquer à la lettre les injonctions du Code Pénal et à remplir les prisons. Elle souligne ce choix de l'enfermement et du risque de récidive plutôt que de la simple peine d'« infamie », qui, outre le fait de soulager les structures carcérales, favoriserait l'oubli et le pardon, et, par voie de conséquence, la bonne réinsertion… Elle montre, surtout, toute la distance mise entre le petit monde des magistrats, exhibant avec vanité leur entre-soi, et la population, aussi variée soit-elle, des justiciables :
« Aux comparutions immédiates, il assiste à la lutte des classes – à nu, à cru, à l'os -, une guerre, sociale, civile et intérieure, de quelques-uns à l'allure prospère et éclairée contre beaucoup d'autres, les crasseux et les insolents , à une guerre, durcie et systématique, de l'ordre contre le désordre, il assiste à la mise en scène d'une réconciliation impossible : nous n'avons rien en commun disent quelques-uns à beaucoup d'autres. » (p.101)
La fin du récit (mais on n'en dira pas plus, évidemment !) est elle-même astucieusement symbolique, laissant voir à quel point, quand Bart joue à… Bartleby, la justice est perdue lorsqu'elle ne peut plus assigner une identité sociale contraignante aux individus auxquels elle a affaire. Ici, comme dans toute son oeuvre, Joy Sorman démontre comment la parole politique et les leçons de l'engagement peuvent trouver leur meilleure expression dans la fiction. Une réussite, ce Témoin, … alors, allez-y, sur les pas de Bart, les portes du Palais vous sont ouvertes !
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"Si punir n'est pas glorieux, si la justice ne répare rien, parler et écouter, le minimum requis dans cette enceinte, peuvent être avantageux, estimables (...)".

- EBLOUISSANT! -

Je referme ce livre, dont j'ai dévoré la lecture en une seule petite journée, absolument saisie par l'acuité et la finesse de l'analyse que nous y livre l'autrice, qui a arpenté les prétoires durant une année pour s'imprégner de ces lieux singuliers que constituent les tribunaux pénaux.

La forme du roman préserve du caractère péremptoire de l'opinion, selon l'explication de Joy Sorman dans une interview, et il est vrai que cet exercice d' "arracher le langage à l'enfer des opinions", suivant les mots de Christian Bobin, permet à la fois une mise à distance des scènes et une protéiformité des sentiments qui ne manquent pas de coloniser les coeurs et les consciences des "spectateurs" de la violence ordinaire que constitue inexorablement le procès pénal.

C'est à la faveur du regard d'un homme qui n'est pas particulièrement animé, ni de convictions, ni d'opinions, ni - encore moins - de certitudes, que l'on découvre cette pantomime cathartique, flanquée de solennité désuète et figée, que constitue "un procès", cette saynète grinçante où s'expriment les passions humaines, la médiocrité des raisonnements simplistes, l'atavisme des précarités jamais compensées, jamais réparées, et où tente de s'exercer, dans une parfaite hypocrisie, l 'étiologie judiciaire du "fait pénal" et de la sanction qui doit, au nom de l'Etat et des velléités d'une opinion publique aussi vorace qu'impermanente, le disqualifier.

L'autrice pose la question de la vacuité de cet exercice qui ne s'exerce pas et l'inanité du pseudo syllogisme juridico-judiciaire qui tire d'un fait pénal une peine sensée le châtier, la seconde étant prétendûment proportionnellement calibrée à la gravité du premier. Elle ose interroger le sens et la fonction de la peine d'emprisonnement et, plus fondamentalement, le lien causal qui unirait un individu au crime qu'il a commis, dénonçant la grande absente du débat judiciaire: la dimension collective, autant sociale que sociétale, dans la fabrication de la délinquance.

Le propos n'est pas caricatural; j'eu pourtant préféré, faisant moi-même partie "du système" que je subis bien plus que je ne célèbre. Et ce qui me frappe de façon aussi terrible que dramatique, c'est l'incapacité - collective toujours - à remettre l'ouvrage sur la table, à oser porter le vrai débat sur les vraies questions, questionner les soubassements immémoriaux et l'aveuglement volontaire qui rendent possible la perpétuation - encore et encore - d'une même violence systémique, laquelle produit - encore et encore - de la misère humaine à tous les échelons.

C'est un livre brillant, écrit par une plume subtile qui laisse le lecteur - en apnée durant les 275 pages - à l'intimité de ses réflexions, le privant du confort moral de la délivrance que lui offrirait le postulat simpliste d'une réponse optimiste et définitive.

Saisissant.
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Aujourd'hui je vais évoquer le témoin roman judiciaire de Joy Sorman. Elle a notamment publié A la folie un récit immersif dans le milieu psychiatrique. Cette fois, sur un mode littéraire différent, elle explore le milieu de la Justice française.
Le témoin c'est Bart, le protagoniste fictionnel, quadragénaire récemment licencié de son travail sans grand intérêt qui décide de tout quitter de sa vie précédente, de disparaitre et de s'introduire incognito au tribunal de Paris (les nouveaux locaux dans le dix-septième arrondissement et non ceux de l'ancien Palais de Justice sur l'île de la Cité) et de s'y installer pour ne plus en sortir. Il veut s'exiler en dehors du monde et se recroqueviller au sein de cette institution. Il abandonne son logement et ses papiers et avec un simple petit sac, quelques vêtements et un peu d'argent se dirige vers le grand bâtiment de verre. Il rentre sans difficulté à l'intérieur puis cherche où se construire un nid discret sans être douillet. Il parcourt les étages, fréquente la cafétéria, évite de parler avec le public ou les magistrats afin de ne pas se faire repérer. La justice étant rendue au nom du peuple la plupart des audiences sont publiques et Bart passe ses journées assis sur un banc à assister aux comparutions et aux procès. Il suit le ballet des prévenus, des avocats, des procureurs et des juges. le procédé mis en place autour de ce personnage de fiction et de ses cachettes dans les toilettes des étages où il va vivre plusieurs semaines est ce qui est le moins intéressant du roman. Cela s'explique sans doute parce qu'en raison des mesures de sécurité inhérentes au lieu et à la protection en vigueur cette invention parait un peu absurde et surtout difficilement crédible. D'ailleurs cette aventure extraordinaire s'achèvera au dernier chapitre sous le motif désuet de vagabondage. Nul doute que Joy Sorman n'avait pas besoin de ce dispositif pour rendre son texte puissant. En effet, la narration de toutes les audiences auxquelles l'homme invisibilisé assiste quotidiennement est passionnante. D'un chapitre à l'autre le lecteur découvre la retranscription des débats et des échanges entre la Cour et les personnes jugées. La diversité est impressionnante : histoires de famille et de divorce, terrorisme, trafic de cannabis, violence quotidienne, vol à la tire, sans papier illégal, délits routiers, immigré proxénète. le dispositif narratif permet cette alternance et offre une perspective sur la réalité de ces jugements, souvent expéditifs. La justice est souvent déshumanisée, c'est une machine qui doit répondre aux exigences de rendement. Bart a une position où il voit tout, écoute tout et il est le scribe de ces moments. Il désespère du système, du systématisme des verdicts, du manque de moyens, de l'encombrement avec le nombre affolant d'affaires à juger. L'inégalité sociale transparait, avec notamment le rapprochement de classe entre les magistrats et certains des prévenus avec lesquels ils seront plus indulgents. Quant aux peines prononcées elles interrogent souvent, en particulier sur la capacité à laisser une chance à la réinsertion.
Le témoin est un livre passionnant, un état des lieux sans concession du monde de la justice, de ses vertus et de ses nombreux dysfonctionnements. C'est une plongée dans le réel, une mise en mots (et en silence) de la réalité des audiences et des jugements.
Voilà, je vous ai donc parlé du Témoin de Joy Sorman paru aux éditions Flammarion.

Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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Bart a tout quitté. Il franchit la porte et la sécurité du Tribunal de Paris et va vivre clandestinement dans cet endroit où se côtoient misère, violence, désespoir, justice et sentence. Il se glisse dans un faux plafond qui va devenir sa nouvelle maison pendant le temps qu'il faudra. Pas de confort, très peu de nourriture et une souris pour seule compagnie. Bart recherche autre chose. Peut-être la compréhension d'un monde qu'on aperçoit de loin et qu'on a du mal à comprendre. Chaque jour, c'est la même routine. Un petit déjeuner à la cafétéria du tribunal et le choix d'une salle d'audience pour la journée. Enfance et maltraitance, Terrorisme, Comparution immédiate, Harcèlement, Attouchements, Radicalisation, Violences conjugales, Bart s'interroge sur tout et découvre les rouages d'une institution qui a du mal à se mettre au même niveau que ceux qu'on juge entre ces murs. En entrant dans ce Tribunal, Bart pensait retrouver un peu de ceux qu'il aidait dans son travail. Avoir l'air utile, encore un peu. Un tout autre paysage se dessine. Une mécanique bien huilée qui met en scène des juges et des prévenus qui semblent vivre dans des mondes différents. Deux extrêmes qui ne peuvent dialoguer. Peu à peu, Bart devance les peines et les sanctions. Dix ans pour ci, 6 mois pour ça… Ça devient tellement déroutant qu'il en oublie même de remonter dans sa cachette, au risque de se faire prendre. Mais que cherche-t-il au juste ? Des réponses ? Comprendre cette société qui l'entoure ? Se faire attraper ? Jusqu'où cela va-t-il le mener ? A vous de le découvrir en ouvrant ce roman qui questionne et qui amène le lecteur à s'interroger sur un thème central : la justice. Comment la rendre au mieux ? Comment juger des faits et non des personnes ? Être juste. C'est ce que Bart semble chercher. Maintenant c'est à vous de juger.
Lien : https://cafenoiretpolarsgour..
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