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Merci aux éditions Flammarion et à Babelio pour l'envoi du livre, de par le règlement de la Masse Critique qui fait loi dans notre petite communauté je suis donc appelé à la barre pour témoigner sur le témoin. La déontologie m'impose une mise en garde : ce témoignage ne saurait être totalement objectif. En vérité -mais qu'est-ce que la vérité ?- aucun ne l'est, et vous même en lisant ceci commencez à être confronté à certains préjugés. le principal biais dont je dois vous informer est ma sélection basée sur l'inattendu comportement d'un homme s'installant clandestinement dans un palais de justice, étrange à l'associer instinctivement au Baron perché d'Italo Calvino à l'imaginaire débordant et farfelu. Rien de cela ici où l'on balance entre roman et essai, or je n'aime pas les entre-deux, les "cross-over", une des parties -si pas les deux !- fini toujours lésée dans ces affaires-là prétendant allier les qualités de concepts antagonistes.


Intéressant ouvrage cependant, mais aux rouages aussi obscurs que ceux de la justice objet de l'éclairage que l'auteure voudrait nous prodiguer à travers une succession de rapports d'audiences de différentes chambres dédicacées chacune à un type de litige en fonction de son degré de gravité ou de son positionnement dans le labyrinthe du droit. Point de vibrant réquisitoire, ni de virulente remise en cause, ce qui aurait pu être un plaidoyer fort voire une thèse étayée pour une justice moins protocolaire, attachée au fond plus que se raccrochant à la forme s'étiole dans un long catalogue de faits parsemé de l'opinion subjective du témoin. Ainsi donc j'en arrive à déplorer la forme de ce récit plus que son fond à l'instar, me semble-t-il, de l'auteure vis-à-vis de la justice. L'impalpable témoin lui-même de par sa volonté de non-implication et de transparence n'a créé chez moi aucun rejet, ni empathie, ni même indifférence, juste un vague questionnement.


Rappelons peut-être qu'un témoin devrait se garder de juger, d'où cette cote pile entre une et cinq étoiles ne faisant aucunement pencher le fléau de cette balance subjective qu'est l'appréciation d'un livre que je ne condamne, ni ne soutient. Peut-être d'ailleurs l'auteure se borne -t-elle à pointer une justice aveugle nous confrontant à l'image crue du visage de notre société d'une vérité subjective dont la peur principalement défini les concepts du bien et du mal ainsi que les peines pour tenir éloignés arbitrairement de présumés fautifs suivant un droit complexe au point de permettre toutes les interprétations avec comme objet ultime la protection du système en place. En conséquence, eussé-je à juger, j'assignerais l'affaire en référé et donc je me dessaisis du dossier sans autre forme de procès.
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Un excellent Joy Sorman. Témoignage, reportage dans un Palais de Justice. Bart s'exile , il programme se relégation, Il s'escamote. C'est son ultime liberté. Il assiste, en silence, sans rien noter. Il est venu là pour voir si il existe une Justice, lui qui vient d'être frappé par l'injustice.
Il va s'enfermer volontairement entre les murs de la Justice. Y vivre, jour et nuit. Il deviendra presque le fantôme du Palais. Il écoute les accusations, les plaidoiries, il lit les visages, les corps, et décryptent les bruits.
23e chambre comparutions immédiates...15e chambre : mineurs et affaires familiales, 16e chambre : terrorisme….il pousse les portes au hasard s ‘assoit et assiste.
A travers ce roman Joy Sorman interroge nos institutions, nous interroge quant au sens que nous déposons sur sa balance.
Justice expiatoire ? Justice de classe ? Parodie ? Comédie ? Lieu de vengeance ? Hôtel des sacrifies ? Machine férocement bien huilée ou vieille mécanique dépassée ? Quel rôle joue chaque partie ? La victime, le coupable, le juge, l'avocat, les témoins, l'opinion publique, nos gouvernants ? La Justice serait l'ordre face au désordre ?.. Mais d'où viennent cet ordre et ce désordre ? Où se trouvent la morale, la justice sur ces tapis roulants qui défilent de plus en plus vite devant une magistrature qui voudrait rendre justice.
« Le témoin » de Joy Sorman est à rapproché du dernier roman de Constance Debré « Offenses ».
Pourquoi ne pas avoir pensé organiser la rencontre lors d'une émission radio ou télé, de ces deux auteures ? Cela serait passionnant .
« Le témoin » : une preuve supplémentaire que la littérature est capable de pousser toutes les portes et d'apporter un éclairage différent sur le monde, elle fait apparaître ce que l'on voudrait ou aimerait escamoter. La littérature ne sublime pas, elle révèle.

Astrid Shriqui Garain
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« ... son pas encore un peu plus allégé, son existence en voie d'escamotage.
Car c'était une fugue, une évasion, une disparition volontaire puisqu'on avait voulu l'effacer; il se retirait de sa propre initiative, programmant sa relégation. Banni, il choisissait son exil, c'était sa revanche. »
Joy Sorman, le Témoin (Flammarion, 2024), p.13
Ancien employé de Pôle Emploi, qu'il a dû quitter à cause d'un plan social entraînant des licenciements massifs, Bart choisit de ne pas réintégrer le monde du travail. Ayant toujours été « meilleur observateur qu'acteur » (p.95), ce fonctionnaire discret et un peu terne élit comme lieu de retraite le Palais de Justice de Paris, où il s'installe en clandestin, organisant son campement nocturne à l'intérieur du faux-plafond des toilettes, un havre qu'il partagera bientôt avec une minuscule souris… le jour, Bart parcourt les différents espaces du Palais, de la cafétéria à la salle des pas perdus où convergent tous les jours des milliers de personnes, jugés, jurés, ou professionnels de la Justice, et, surtout, notre « témoin » fréquente les différentes Cours, des chambres de comparution immédiate aux procès d'Assises.
Veillant à rester invisible, Bart assiste au défilé des jugements, de nature pénale ou civile, montrant comment la machine de la Justice, condamnée à une perpétuelle urgence, faute des moyens et du temps nécessaires pour accomplir sereinement son office, broie les destins de ceux qu'elle condamne, méprisant souvent autant les accusés que leurs victimes. Tout est traité avec la même absence d'empathie, les petits conflits de voisinage, les violences sexuelles ou conjugales, les multiples trafics de stupéfiants et délits de fuite, les cambriolages et les crimes de sang, donnant à Bart le sentiment d'un bâclage incessant, voire d'un immense gâchis humain.
En choisissant, après s'être mise elle-même remarquablement en scène en exploratrice du monde psychiatrique dans À la folie (Flammarion, 2021), cet astucieux dispositif narratif du « témoin » comme porteur de son point de vue, Joy Sorman dresse à travers ce roman un portrait sans concession d'une Justice… sans justice, réduisant son rôle à appliquer à la lettre les injonctions du Code Pénal et à remplir les prisons. Elle souligne ce choix de l'enfermement et du risque de récidive plutôt que de la simple peine d'« infamie », qui, outre le fait de soulager les structures carcérales, favoriserait l'oubli et le pardon, et, par voie de conséquence, la bonne réinsertion… Elle montre, surtout, toute la distance mise entre le petit monde des magistrats, exhibant avec vanité leur entre-soi, et la population, aussi variée soit-elle, des justiciables :
« Aux comparutions immédiates, il assiste à la lutte des classes – à nu, à cru, à l'os -, une guerre, sociale, civile et intérieure, de quelques-uns à l'allure prospère et éclairée contre beaucoup d'autres, les crasseux et les insolents , à une guerre, durcie et systématique, de l'ordre contre le désordre, il assiste à la mise en scène d'une réconciliation impossible : nous n'avons rien en commun disent quelques-uns à beaucoup d'autres. » (p.101)
La fin du récit (mais on n'en dira pas plus, évidemment !) est elle-même astucieusement symbolique, laissant voir à quel point, quand Bart joue à… Bartleby, la justice est perdue lorsqu'elle ne peut plus assigner une identité sociale contraignante aux individus auxquels elle a affaire. Ici, comme dans toute son oeuvre, Joy Sorman démontre comment la parole politique et les leçons de l'engagement peuvent trouver leur meilleure expression dans la fiction. Une réussite, ce Témoin, … alors, allez-y, sur les pas de Bart, les portes du Palais vous sont ouvertes !
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Le précédent livre, A la folie, était le récit documentaire de l'immersion de Joy Sorman dans un hôpital psychiatrique.
Si son ambition est ici de continuer son exploration au coeur de nos institutions, elle s'éclipse derrière un personnage fictif afin de créer une trame romanesque et gagner un peu de liberté d'expression.
Bart, un cinquantenaire plutôt insignifiant, décide de quitter son appartement et sa vie pour se cacher dans une tanière peu commune. Il investit les couloirs du palais de justice de Paris. Toute la journée, il va suivre des procès dans les différentes chambres du palais. le soir venu, lorsque les portes se ferment, Bart s'installe dans le faux plafond des sanitaires afin d'y passer la nuit.
Pourquoi ? Qui est cet homme dans son costume étriqué ? Nous ne l'apprendrons qu'au fil des pages.
De jour en jour, Bart assiste à tout type de procès.
Des comparutions immédiates pour faits de rue plus ou moins graves, mais aussi des histoires de terrorisme, de violences conjugales ou d'inceste.
Bart a l'impression que la justice est bâclée, qu'elle est une justice d'urgence et d'abattage. Et surtout que, contrairement aux maximes qui illustrent les murs du palais, elle est profondément injuste.
Les accusés, sans travail, sans papiers, ceux qui s'expriment mal ou comprennent peu les belles phrases des juges sont davantage sanctionnés que ceux bien habillés, au niveau culturel plus élevé.
La justice ne peut corriger l'injustice liée à la naissance.
Bart s'étonne aussi de l'attribution des peines. Comme si les juges suivaient bêtement une grille sans aucune once d'aménité. Ils appliquent la loi plus que la justice.
Ces procès sont des tranches de vie, étalées devant les juges. Bart se sent proche d'eux. Il ne comprend pas ce besoin de vengeance de la société qui pousse les juges à prononcer des peines. Pourquoi cette obsession carcérale ?
Mais Bart ne s'impose-t-il pas une privation de liberté ? Nous suivons son évolution dans les couloirs, comment il se nourrit, se lave, tente de rester présentable sans éveiller les soupçons des gardes.
Joy Sorman a judicieusement choisi le prénom de son personnage. Elle s'inspire de Bartleby, le personnage d'Herman Melville. Cet être lisse n'existe que par ses gestes, ses mots mais dont on ne saisit jamais l'intériorité. Il incarne la résistance passive. Bart est en ce palais une présence qui reçoit les émotions des accusés. En répétant cette phrase culte, « je préfèrerais ne pas… », il s'insère sans violence au coeur du processus judiciaire.

Joy Sorman passe du temps au coeur des institutions qu'elle décrit dans ses livres. Sa longue immersion donne de la véracité à ses récits. Elle sait aussi s'intéresser aux lieux parfois méconnus des lecteurs bien qu'ils soient essentiels au fonctionnement de notre société. Son regard, sensible et engagé, nous donne une base de réflexion essentielle. Les réponses ne sont pas toujours simples mais le constat est implacable.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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"Si punir n'est pas glorieux, si la justice ne répare rien, parler et écouter, le minimum requis dans cette enceinte, peuvent être avantageux, estimables (...)".

- EBLOUISSANT! -

Je referme ce livre, dont j'ai dévoré la lecture en une seule petite journée, absolument saisie par l'acuité et la finesse de l'analyse que nous y livre l'autrice, qui a arpenté les prétoires durant une année pour s'imprégner de ces lieux singuliers que constituent les tribunaux pénaux.

La forme du roman préserve du caractère péremptoire de l'opinion, selon l'explication de Joy Sorman dans une interview, et il est vrai que cet exercice d' "arracher le langage à l'enfer des opinions", suivant les mots de Christian Bobin, permet à la fois une mise à distance des scènes et une protéiformité des sentiments qui ne manquent pas de coloniser les coeurs et les consciences des "spectateurs" de la violence ordinaire que constitue inexorablement le procès pénal.

C'est à la faveur du regard d'un homme qui n'est pas particulièrement animé, ni de convictions, ni d'opinions, ni - encore moins - de certitudes, que l'on découvre cette pantomime cathartique, flanquée de solennité désuète et figée, que constitue "un procès", cette saynète grinçante où s'expriment les passions humaines, la médiocrité des raisonnements simplistes, l'atavisme des précarités jamais compensées, jamais réparées, et où tente de s'exercer, dans une parfaite hypocrisie, l 'étiologie judiciaire du "fait pénal" et de la sanction qui doit, au nom de l'Etat et des velléités d'une opinion publique aussi vorace qu'impermanente, le disqualifier.

L'autrice pose la question de la vacuité de cet exercice qui ne s'exerce pas et l'inanité du pseudo syllogisme juridico-judiciaire qui tire d'un fait pénal une peine sensée le châtier, la seconde étant prétendûment proportionnellement calibrée à la gravité du premier. Elle ose interroger le sens et la fonction de la peine d'emprisonnement et, plus fondamentalement, le lien causal qui unirait un individu au crime qu'il a commis, dénonçant la grande absente du débat judiciaire: la dimension collective, autant sociale que sociétale, dans la fabrication de la délinquance.

Le propos n'est pas caricatural; j'eu pourtant préféré, faisant moi-même partie "du système" que je subis bien plus que je ne célèbre. Et ce qui me frappe de façon aussi terrible que dramatique, c'est l'incapacité - collective toujours - à remettre l'ouvrage sur la table, à oser porter le vrai débat sur les vraies questions, questionner les soubassements immémoriaux et l'aveuglement volontaire qui rendent possible la perpétuation - encore et encore - d'une même violence systémique, laquelle produit - encore et encore - de la misère humaine à tous les échelons.

C'est un livre brillant, écrit par une plume subtile qui laisse le lecteur - en apnée durant les 275 pages - à l'intimité de ses réflexions, le privant du confort moral de la délivrance que lui offrirait le postulat simpliste d'une réponse optimiste et définitive.

Saisissant.
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Bart a été licencié de Pôle emploi. Il choisit de quitter son studio, n'emportant presque rien sinon des fruits secs et une simple pochette, et il va s'installer dans l'enceinte d'un tribunal. Dans le faux plafond au-dessus des toilettes, il se crée une sorte de nid qu'il rejoint chaque soir, après être passé d'une audience à l'autre - petits délinquants, apprentis terroristes, père incestueux,… Très vite, Bart prend conscience que la justice fonctionne en circuit fermé, punissant forcément, refusant d'adapter son langage, envoyant facilement en prison. Un roman intéressant plus proche du documentaire, si on met de côté ce qui concerne Bart, et donc plutôt désespérant sur le fonctionnement de la justice en France.
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En 2021, Joy Sorman sortait A la folie, un récit documentaire dans lequel elle racontait l'univers de la psychiatrie française aujourd'hui. Trois ans après, c'est une autre institution qu'elle a décidé « d'infiltrer », en allant arpenter les salles et les couloirs du Tribunal de Paris, dans le 17e arrondissement. Pendant un an, elle a passé une journée par semaine dans ce lieu où l'on condamne ou acquitte des hommes et des femmes. Elle a assisté à des affaires de toutes sortes, liées au terrorisme, aux violences conjugales, à la toxicomanie, au vol ou à la pédophilie.

Pour raconter ces longues heures passées comme spectatrice de ces comparutions immédiates, Joy Sorman a imaginé le personnage de Bart, inspiré par le Bartleby d'Herman Melville. Un homme d'une cinquantaine d'années, au chômage, qui décide de rassembler quelques affaires, de quitter son appartement, pour aller vivre dans le tribunal jour et nuit, tel un passager clandestin enfermé volontaire dans la machine judiciaire.

Bart assiste chaque jour à ces « mini-procès » qui s'enchaînent les uns après les autres à vitesse grand V. Il apprend à connaitre et à décrypter les formules langagières opposant le Président du tribunal et les avocats, dans des joutes verbales très codifiées, presque théâtralisées, au milieu desquelles l'accusé répond aux questions qu'on veut bien lui poser.

Au fil du temps, Bart se rend compte que ces accusé(e)s, pour la plupart, sont jugé(e)s coupables, souvent issus de milieux défavorisés, d'origine étrangère, et rarement de bonne famille. Bart est surpris par la vitesse et la manière avec laquelle les jugements sont rendus, estimant, qu'au fond, il y a là parfois quelque chose d'injuste ou d'absurde…

C'est un récit édifiant que nous propose là Joy Sorman, pointant au fil des pages les failles et les incohérences de cette institution, parfois impitoyable et qui, souvent, ne s'embarrasse pas de détails.

Extrêmement documenté, le livre décrit bien toutes les composantes de ce système qui convoque chaque jour une frange de la misère humaine (pervers, malades mentaux, analphabètes…), pour des affaires plus sordides les unes que les autres. Un récit finalement assez peu glorieux sur comment fonctionne cette machine judiciaire pas si impartiale que ça, expliquant la manière avec laquelle, quelquefois, certains magistrats expédient les comparutions, sans doute débordés par le nombre toujours croissants d'affaires à juger chaque jour.

Un livre qui rappelle, par certains aspects, les films documentaires Délits flagrants (1994), et 10e chambre – Instants d'audience (2004) de Raymond Depardon, dans lesquels on découvrait toute la complexité des procès qui se tiennent chaque jour dans les tribunaux français.


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Aujourd'hui je vais évoquer le témoin roman judiciaire de Joy Sorman. Elle a notamment publié A la folie un récit immersif dans le milieu psychiatrique. Cette fois, sur un mode littéraire différent, elle explore le milieu de la Justice française.
Le témoin c'est Bart, le protagoniste fictionnel, quadragénaire récemment licencié de son travail sans grand intérêt qui décide de tout quitter de sa vie précédente, de disparaitre et de s'introduire incognito au tribunal de Paris (les nouveaux locaux dans le dix-septième arrondissement et non ceux de l'ancien Palais de Justice sur l'île de la Cité) et de s'y installer pour ne plus en sortir. Il veut s'exiler en dehors du monde et se recroqueviller au sein de cette institution. Il abandonne son logement et ses papiers et avec un simple petit sac, quelques vêtements et un peu d'argent se dirige vers le grand bâtiment de verre. Il rentre sans difficulté à l'intérieur puis cherche où se construire un nid discret sans être douillet. Il parcourt les étages, fréquente la cafétéria, évite de parler avec le public ou les magistrats afin de ne pas se faire repérer. La justice étant rendue au nom du peuple la plupart des audiences sont publiques et Bart passe ses journées assis sur un banc à assister aux comparutions et aux procès. Il suit le ballet des prévenus, des avocats, des procureurs et des juges. le procédé mis en place autour de ce personnage de fiction et de ses cachettes dans les toilettes des étages où il va vivre plusieurs semaines est ce qui est le moins intéressant du roman. Cela s'explique sans doute parce qu'en raison des mesures de sécurité inhérentes au lieu et à la protection en vigueur cette invention parait un peu absurde et surtout difficilement crédible. D'ailleurs cette aventure extraordinaire s'achèvera au dernier chapitre sous le motif désuet de vagabondage. Nul doute que Joy Sorman n'avait pas besoin de ce dispositif pour rendre son texte puissant. En effet, la narration de toutes les audiences auxquelles l'homme invisibilisé assiste quotidiennement est passionnante. D'un chapitre à l'autre le lecteur découvre la retranscription des débats et des échanges entre la Cour et les personnes jugées. La diversité est impressionnante : histoires de famille et de divorce, terrorisme, trafic de cannabis, violence quotidienne, vol à la tire, sans papier illégal, délits routiers, immigré proxénète. le dispositif narratif permet cette alternance et offre une perspective sur la réalité de ces jugements, souvent expéditifs. La justice est souvent déshumanisée, c'est une machine qui doit répondre aux exigences de rendement. Bart a une position où il voit tout, écoute tout et il est le scribe de ces moments. Il désespère du système, du systématisme des verdicts, du manque de moyens, de l'encombrement avec le nombre affolant d'affaires à juger. L'inégalité sociale transparait, avec notamment le rapprochement de classe entre les magistrats et certains des prévenus avec lesquels ils seront plus indulgents. Quant aux peines prononcées elles interrogent souvent, en particulier sur la capacité à laisser une chance à la réinsertion.
Le témoin est un livre passionnant, un état des lieux sans concession du monde de la justice, de ses vertus et de ses nombreux dysfonctionnements. C'est une plongée dans le réel, une mise en mots (et en silence) de la réalité des audiences et des jugements.
Voilà, je vous ai donc parlé du Témoin de Joy Sorman paru aux éditions Flammarion.

Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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Suite à son licenciement de Pôle Emploi où il occupait un poste administratif et comptable qui lui convenait, surpris et déçu d'être mis ainsi au ban, Bart décide de s'extraire du monde. Sans prévenir personne et sans aucun regret, il quitte son appartement après avoir vidé le frigo et fait un peu de ménage, mais laissé toutes ses affaires excepté un sac qui contient le strict minimum et sa plus belle cravate en guise de superflu. Pour s'extraire du monde tout en continuant à en observer la marche, pour voir si la justice est juste, Bart décide de s'installer, clandestinement, dans le Palais de Justice de Paris, sous le faux plafond où il passe des nuits inconfortables quand toutes ses journées sont occupées à assister aux audiences ; de salle en salle, de procès en procès, de victime en victime, de juge en juge, il nous livre ses réflexions sur la justice, de toutes les manières dont elle est rendue et ça nous donne à réfléchir. Au fil des jours, le décor devient familier, Bart écoute, observe, et croit de moins en moins à l'individualité des coupables, il voit des juges appliquer la loi plutôt que rendre la justice, il se voue tout entier à sa recherche quitte à en oublier sa santé et les caméras de surveillance.

Joy Sorman, également autrice de A la folie, nous immerge cette fois dans le Palais de Justice de Paris. On suit Bart dans chaque salle, on côtoie les victimes et les accusés, on comprend un peu plus les rouages de ce monde inconnu pour la plupart d'entre nous. Un roman (?) très bien documenté, on est vraiment en immersion, sur les bancs, face aux box des accusés, aux victimes, aux côtés des familles, attentifs aux plaidoiries, frissonnant aux réquisitoires, le lecteur est traversé par de nombreuses émotions, les procès laissent rarement indifférents.
Une lecture très intéressante sur un sujet passionnant !
Lien : http://www.levoyagedelola.com/
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Je sors mitigée de cette lecture. Certes l'écriture est éblouissante et le sujet décortiqué avec justesse. On pénètre dans les arcanes d'un tribunal et on suit les audiences pénales grâce à un drôle de personnage, Bart, héros de ce récit, qui se veut invisible pour la justice.
Cependant l'auteure a décidé d'un parti pris qui nourrit tout son récit. de pauvres herres jugés malgré eux, des juges pétris de préjugés racistes ou de classe ou des deux et des victimes quasi absentes.
La justice est autre chose que celà, c'est aussi la violence des faits, leur difficile et parfois impossible réparation; des victimes trop souvent oubliées et des magistrats engagés malgré toute la misère et la violence qui font leur quotidien et pas seulement le temps d'une audience.
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