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EAN : 9782812612053
144 pages
Editions du Rouergue (01/02/2017)
4.23/5   20 notes
Résumé :
Commise d’office pour défendre un père assassin de son enfant, Véronique Sousset nous plonge dans l’instruction et le procès de ce fait divers terrible. Comment se faire l’avocate du diable ?
Document saisissant sur le quotidien d’un avocat, réflexion sur le sens de la défense et sur le Mal. Premier document non-fiction publié dans la brune. L’affaire relatée est la même que celle dont s’est inspiré Alexandre Seurat dans son roman La Maladroite.
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Souvenez-vous du terrible livre d'Alexandre Seurat "La Maladroite" (éditions du Rouergue août 2015) qui racontait comment, malgré les multiples signalements des institutrices, les démarches des services sociaux et de la gendarmerie, une petite fille, maltraitée par ses parents, avait fini par succomber sous les coups de ces derniers. Ce texte m'avait beaucoup touchée et j'en garde encore une profonde impression de malaise face à l'inefficacité des uns et des autres pour sauver une enfant en danger. Je ne condamne personne, ce serait trop facile, néanmoins, face à l'horreur absolue, on se dit toujours que le pire aurait pu être évité.
Lorsque j'ouvre Défense légitime dont le sous-titre est : « Défendre un homme que l'opinion considère comme un monstre. le récit bouleversant d'une avocate », je ne sais rien du lien entre le livre de Seurat et celui que je m'apprête à lire. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que le « monstre » dont il s'agit n'est autre que le père de la petite.
Sur le coup, je l'avoue, je m'interroge sur la poursuite de ma lecture. Je ne pense qu'à l'enfant et à tout ce qu'elle a subi et suis tout à fait incapable d'entendre parler de l'autre, celui que je ne veux même pas nommer tellement il ne mérite plus de l'être. J'ai le livre entre les mains et les mots de l'avocate qui m'accompagnent. Sans eux, j'aurais abandonné, sans eux, j'aurais tout lâché, incapable, seule, d'y voir plus clair, refusant la moindre explication qui ouvrirait une voie vers l'autre que je me refuse à voir. Non, c'est au-delà de mes forces.
Et pourtant, aidée, guidée, tenue par les mots de Véronique Sousset, l'avocate du « monstre », j'avance vers quelque chose qui me semble être une forme de lumière encore bien floue. C'est difficile, j'ose à peine regarder où je mets les pieds mais j'y vais.
Qui est-elle, cette femme, l'avocate ? Oh, surprise ! Elle est comme moi, pas plus capable de supporter l'insupportable que moi. Non, elle n'est pas une superwoman. Elle s'interroge : « Comment défendre ce que l'opinion nomme un monstre ? », comment regarder celui qui se trouve en face de vous et qui a commis le pire ? « Monstre, un des rares mots de la langue française qui ne rime avec aucun autre. du latin « monstrum » : phénomène singulier avant que de désigner un être qui fait horreur. Je n'en avais jamais côtoyé de si près. J'ai fait sa connaissance. Rien n'efface cette expérience. Abasourdie, on baisse le regard dans un premier temps, puis on lève la tête pour lui faire face. » Elle doit accepter d'être pour les autres « l'avocat d'un salaud » et logiquement, devenir aussi « le salaud d'avocat », accepter « d'entendre l'inaudible », accepter d'écouter, d'échanger avec lui, celui qui se tiendra de l'autre côté de la table. Corps séparés, éloignés, tenus à distance. Lire les dossiers, voir les photos, assister à la reconstitution des faits. « Des heures de questions préparées, de confrontations, pour savoir qui, quand, où, comment, rarement pourquoi. », « Éreintée de cette plongée dans les entrailles de l'humanité, secouée pour avoir ainsi frôlé les bords de votre gouffre, j'ai bien failli chuter. » Elle avance comme une funambule sur un fil, je la suis difficilement, mets mes pas dans les siens, je l'imite mais je tremble. Je regarde ses mains, elle aussi tremble : « Je sens bien que si je me penche sur elle (la petite), je ne pourrai plus vous accompagner. Votre fille est une flamme qui brûle où mes certitudes peuvent aussi se consumer. »
Elle se doit de rester concentrée, maîtriser son corps, ses émotions. « Pourquoi est-ce vous qui reprenez le dossier ?, ne me demandez-vous pas. Je ne vous réponds pas : « Parce que personne n'en veut au barreau. » Ma consoeur a abdiqué pro domo, car comme à tant d'autres, vous faites horreur. » L'avocate est commise d'office, on s'interroge sur sa décision de défendre celui qui a « frappé, insulté, séquestré » et tué son enfant. Pourquoi accepter de le défendre ? Pour comprendre, refaire le parcours du début, de son début à lui, l'homme, de son enfance à son enfant. Chercher la parcelle d'humanité certainement enfouie en lui, la ramener à la surface pour qu'avec le temps, le monstre redevienne homme. « C'est quoi une juste peine ? La juste peine c'est une peine utile, qui répond à ce double objectif : punir et prévenir. Elle devient alors l'instrument possible d'une réadaptation à la société, c'est à ça que doit servir la prison. Car « faire sa peine » comme on l'entend, ce n'est pas laisser s'égrainer le temps, des années comme des bâtons alignés que l'on raye sur un mur de cellule. Faire sa peine, c'est s'en emparer. La prison sera le lieu où Monsieur va continuer le chemin qu'il a commencé vers nous. »
Madame, sachez que non seulement vous avez été lue mais aussi que vos mots viendront dorénavant éclairer ma pensée. Je ne suis pas certaine de marcher toujours bien droit et je crains même quelques rechutes, alors, croyez-moi, je ressortirai votre livre et relirai ces lignes qui m'ont empêchée de renoncer « à la foi que l'on doit garder en l'homme. »
Merci.

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Ce récit est le juste pendant du livre d'Alexandre Seurat « La maladroite » chez le même éditeur.
Il s'agit de l'affaire Marina Darras Sabatier, enfant tué par ses parents à l'âge de 8 ans, épilogue d'une vie de martyre et d'un grand n'importe quoi des services sociaux.
Véronique Sousset, directrice d'établissement pénitentiaire décide en 2008 de devenir avocate au pénal. Et elle nous livre son expérience puisqu'elle a été chargée de « défendre un monstre ».
« Avant, il a fallu refaire le chemin de l'horreur, coup pour coup. Consentir à ne rien comprendre. Courir ce risque. Ecouter votre langue, saisir vos mots, les prendre en charge, mais reconnaitre d'abord leur étrangeté. Durant de longues années, sur l'autel de votre amour propre et de celui bien plus sale de votre amour conjugal, vous avez, avec votre femme, frappé, insulté, séquestré votre enfant. »
Le lecteur comprend d'emblée que le droit d'être défendu sera omniprésent que cela n'a rien à voir avec la recherche d'excuses mais qu'il s'agit de comprendre pour ceux qui ont la lourde tâche d'être dans le jury mais aussi pour que l'accusé comprenne ce qu'il a fait.
Cet homme a été déclaré « sain d'esprit » et d'intelligence normale voire plus, alors…Comment en est-il arrivé là ?
En creux l'auteur nous dit l'impact au jour le jour qu'il y a sur sa vie quotidienne, ce qu'il lui faut d'énergie pour faire son métier. Les codes qu'il faut trouver. L'accusé n'a pas la même facilité à manier le langage.
Le lecteur progresse avec la défense et l'accusé, sans jamais oublier Marina ni son calvaire. Mais ce qui est mis en exergue c'est la complexité humaine, il n'y a pas de place pour le « c'est blanc ou noir » non la gamme des nuances grises est infinie.
Lorsque l'accusé apprend que l'avocat désigné d'office a renoncé, il demande à Véronique Sousset « Pourquoi ? C'est compliqué mon affaire ? » sur le moment on manque d'air puis plus tard certains voiles tombent.
Le récit de la reconstitution est juste effroyable, et à un moment votre défense fait sens : « Je me dissous dans ma fonction. Je vous tends un mouchoir et vous demande impassible de vous concentrer. Vous êtes un pantin et j'aperçois les ficelles qui vous tiennent. Enfin je vous vois, enfin vous comprenez, enfin vous me confirmez que je ne suis pas là pour rien. »
Devant nous se déroule une vie, des vies, l'horreur, l'indicible qui fait jour, les méandres dans lesquels on se noie.
Je crois que la lectrice que je suis n'a respiré normalement qu'une seule fois, lorsque parmi les gens qui vous ont côtoyé au cours de votre vie, un seul s'est présenté pour dire celui qu'il a connu : « il dit à la barre que vous êtes son meilleur ami, qu'il n'en a plus eu depuis, que c'est normal qu'il vienne témoigner, que c'est la vie. » et la réponse de l'accusé nous explose en pleine face « Non, Frédéric, ce que j'ai fait c'est pas la vie… »
Je vous laisse découvrir la plaidoirie qui justifie la défense de tout individu, car il y a un homme derrière. A la fin de ce récit, nulle envie de pardonner, d'excuser, pas d'empathie avec l'accusé, il y a juste un homme devant nous et une femme qui va au bout de son engagement.
Merci Véronique Sousset de nous éclairer avec ce récit tracé droit comme un sillon vers « La foi qu'on doit garder en l'homme ».
En chapitres courts, avec des mots choisis pour une sobriété de bon aloi, vous aussi vous avez redonné une vie à Marina, cette enfant qui, un an avant de mourir, à déclarer aux gendarmes : « Papa et maman sont gentils. Non, ils ne s'énervent pas, sauf si je fais des bêtises, mais c'est rare. Je tombe souvent ou je me chamaille avec mes frères et soeurs. »
©Chantal Lafon- Litteratum Amor 09 mars 2017
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Je me suis décidée à sortir ce récit de ma pile en entendant son auteure un matin sur France Inter... Un témoignage à la fois poignant et profondément utile : celui d'une avocate amenée à défendre un individu a priori indéfendable selon l'opinion c'est à dire vous et moi. Qui ne s'est pas demandé, un jour, face au pire criminel, comment on pouvait défendre cet homme ? Véronique Sousset, en prenant la parole pour livrer son expérience apporte quelques éléments de réponse et surtout de réflexion. Sans emphase, sans nier la difficulté et la complexité de la confrontation, elle tente, avec coeur et intelligence de montrer pourquoi la défense est aussi importante que légitime, quel que soit le contexte.

Véronique Sousset a donc défendu un homme coupable d'avoir tué son enfant après des années de maltraitances. Impossible de ne pas se souvenir de cette histoire sordide, de cette petite fille de huit ans objet de brimades et de coups de la part de ses parents, un couple infernal passé à travers les mailles de tous les filets de surveillances et autres signalements. Alexandre Seurat en avait fait le sujet de son premier roman, La Maladroite, dans lequel il donnait voix à l'entourage, de ceux qui n'avaient rien vu ou rien voulu voir à ceux qui avaient tenté d'alerter, en vain. Un monstre est-on tenté de penser. Non, un homme répond Véronique Sousset. Car ce serait trop facile d'écarter d'un geste la part sombre de l'humanité, de nier que l'homme peut être à l'origine du pire sans que la folie ne vienne excuser son geste.

L'auteure raconte cet épisode si particulier de sa vie. Les regards étonnés souvent, horrifiés parfois lorsque ses interlocuteurs comprennent qui elle défend ; sa réflexion profonde sur le sens de son métier et de son engagement ; ses face à face avec lui, le meurtrier qui est néanmoins homme, mari, fils et père ; ses pensées tournées sans cesse vers la petite victime, qui la surprennent dans les moindres actions de la vie quotidienne ou se voient amplifiées au contact des rires d'enfants dans un square. Mais elle ne s'apitoie pas. Elle réfléchit, elle raisonne, elle avance.

"Les longues plages de vide donnent du temps pour lire. Les couloirs du palais, les salles d'attente des cabinets des juges ne sont pas des lieux propices à l'écoute intérieure d'un texte et pourtant, là où le pire est plus souvent rencontré que le meilleur, dans cet espace où les hommes sont à vif, la lecture est un baume."

La lecture lui est donc un baume, comme pour nombre d'entre nous. Peut-être parce qu'elle explore si bien les tréfonds de l'âme humaine qu'elle apporte un éclairage toujours renouvelé sur ces points de bascule qui font passer du blanc au noir. Mais ne nous méprenons pas. L'avocate s'en tient aux faits, il n'est nullement question pour elle de réécrire l'histoire. Sa plaidoirie finale invite à une réflexion bienvenue sur le sens de la défense. Et offre une vision passionnante et dépourvue de tout effet de manche sur le rôle complexe de l'avocat.

"La propension à confondre droit et morale est néfaste à la difficile mission de juger. Il n'y a qu'à constater la pléthore de lois pénales édictées depuis ces dernières années pour répondre au gré de faits divers dramatiques, à l'émotion de l'opinion. On cadenasse, on verrouille, on gomme la réflexion au profit de la répression. Pour quel gain ? Sinon celui de la bonne conscience. Ce dossier est difficile mais il n'empêche pas d'être lucide. On peut défendre un monstre et ne pas se résoudre aux raccourcis de la morale. Si elle est un socle indispensable au bien-jugé, elle ne peut tenir lieu de motivation d'une décision. le droit comme une digue aux bouleversements de la raison. Je m'y accroche."
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Comment défendre un meurtrier qualifié de "monstre" ? La question se repose à chaque crime innommable. Pour beaucoup, le "monstre" n'a pas lieu d'être défendu et n'a que ce qu'il mérite, voire devrait être exécuté tant son forfait est odieux. Pourtant, si, comme l'écrivaine Leslie Kaplan, on postule que "l'inhumain fait partie de l'humain", il faut donc aller chercher ce qui a engendré cette part d'inhumanité et débusquer ce que le "monstre" peut receler d'humanité.
C'est ce que fait Véronique Sousset dans ce livre judicieusement intitulé "Défense légitime", contrepoint pertinent à la "légitime défense" que serait l'exécution du criminel, selon les partisans de la loi du Talion.
Véronique Sousset a l'art d'emmener le lecteur là où il ne s'attend pas. Avant "Défense légitime", paru en 2017, j'avais lu "Fragments de prison", sorti en mars 2022. Alors qu'on s'attend de la part de cette experte à une dissertation sur l'univers carcéral,"Fragments de prison" est une galerie de portraits de détenu.e.s, portraits nés de la rencontre entre l'autrice, directrice de prison (+ avocate 4 ans, phase qui a donné naissance à "Défense légitime") et les condamné.e.s et de l'écoute de ceux/celles-ci. Au lieu d'une somme théorique, il en résulte une fresque impressionniste ou pointilliste. le terme "fragments" a également une valeur déontologique : l'autrice concède que son livre n'est pas une somme sur la prison.
De même, le public qui s'intéresse aux "monstres" pourrait, comme je l'ai pensé, attendre de "Défense légitime" le récit de la vindicte populaire contre l'accusé et contre son avocate (entre cent exemples, on se souvient de la curée contre Patrick Henry, Christian Ranucci, du quasi lynchage, lors d'une tentative de reconstitution, de l'avocat Henri Leclerc, défenseur de Richard Roman, que son comparse Didier Gentil innocentera, le dernier jour du procès). Rien de tout cela. "Défense légitime" est un plaidoyer "au fond", comme on le dit d'un jugement, un écrit "à l'os" contre les a priori.
Véronique Sousset clame que défendre n'a pas pour but de rendre l'accusé aimable et encore moins de le faire aimer : « Vous défendre afin de vous redonner cette part d'humanité que nous partageons. Je vous ai aussi redonné le sens de la dignité. Il est important que vous puissiez dire qui vous êtes ». « Il ne s'agit pas de sauver mais de justement condamner. Ne rien montrer mais toujours démontrer. »
Il est navrant, pour ne pas dire scandaleux, que l'institution descende au niveau de la vox populi et en rajoute dans l'outrance. « Tant que j'aurai la charge de ce dossier, soyez convaincus, Madame et Monsieur, que je m'opposerai à ce que vous revoyez vos enfants », tranche la juge des enfants en réponse à la sollicitation par V. Sousset que le "monstre" puisse revoir ses enfants. Comme dit si bien l'autrice, "on cadenasse, on verrouille, on gomme la réflexion au profit de la répression. Pour quel gain ? Sinon celui de la bonne conscience. Ce dossier est difficile mais il n'empêche pas d'être lucide. On peut défendre un monstre et ne pas se résoudre aux raccourcis de la morale. Si elle est un socle indispensable au bien-jugé, elle ne peut tenir lieu de motivation d'une décision. »
Parfois, c'est un quidam qui sauve l'honneur, tel cet ami perdu de vue du "monstre" qui accepte de faire le déplacement au procès contre l'accord de sa femme : « Pourquoi vas-tu là-bas ? Tu ne le voyais plus depuis des années, vous vous étiez perdus de vue, qu'est-ce que tu peux leur dire ? Tu ne penses pas qu'il mérite ce qui lui arrive après ce qu'il a fait ? Il a un avocat, non ? C'est déjà bien ! Qu'est-ce que tu vas perdre ton temps et une journée de congé en plus ! Tu aurais mieux fait de... »
Et l'avocate parvient à faire émerger la part d'humanité du "monstre". Une dissection issue, comme dans "Fragments de prison" de la rencontre tissée au fil des jours. Preuve de ce tour de force : à l'issue du procès, la présidente d'une association de défense des enfants est venue lui demander d'être conseil de l'association.
Le récit fait également un sort au statut de l'avocat commis d'office puisque c'est celui qu'a campé V. Sousset dans cette affaire. le public croit que c'est un avocat par défaut, et donc au rabais. Certes, l'avocat commis d'office est désigné par une autorité judiciaire (bâtonnier ou président de juridiction) ou à la demande du justiciable qui n'en a pas ou n'a pas eu le temps d'en trouver un. Mais, d'une part, l'avocat.e pressenti.e peut refuser la proposition. S'il ou elle accepte, il/elle s'emploie à défendre l'accusé.e exactement comme il/elle le ferait s'il/elle avait été expressément choisi.e. Comme V. Sousset l'a fait avec le "monstre".
Un livre fort qu'il faut lire posément car les pages sous-tendent des réflexions philosophiques sur l'Homme, sa part noire et la façon de l'appréhender. Un livre encore plus fort dans cette époque (avis écrit en 2023) tourmentée ou le "binarisme" (bien-mal, blanc-noir, innocent-coupable...) fait florès dans tous les domaines.
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Comment se faire l'avocate du diable ?

C'est au Boulevard du Polar que j'ai rencontré Véronique Sousset. Elle m'a présenté son livre comme un témoignage basé sur une histoire vraie. Une histoire vécue et qui l'a bouleversée. Et plus je l'écoutais parler plus cela me rappelait un roman lu en 2015. Son récit « Défense légitime » parle, en effet, de la même affaire que celle qui a inspiré Alexandre Seurat dans « La Maladroite », récit bouleversant que j'avais beaucoup aimé.

Véronique Sousset a défendu un père tortionnaire de sa fillette de 8 ans. Elle nous présente d'abord le dossier, sans fioriture : date, lieu, description, autopsie, photos et témoignages de l'entourage. Elle tente de laisser de côté ses émotions pour s'en tenir aux faits.
Elle parle ensuite de son client qu'elle se refuse à voir comme un monstre mais pour lequel elle n'a aucune compassion, aucune sympathie. Elle va devoir lutter contre sa répulsion et établir peu à peu un contact professionnel et chercher en lui une once d'humanité.
Puis viendront le regard des collègues, de la presse, les commentaires, la reconstitution (si difficile à supporter tant les faits sont horribles)... Et au bout du bout, les assises.

Commise d'office pour défendre ce père infanticide, Véronique Sousset nous plonge au coeur de l'horreur avec dignité et retenue. Son récit est servi par une écriture précise et fluide car elle manie les mots avec intelligence et finesse. Il s'insinue en nous, touche et fait réfléchir.

Une question sous-tend tout son témoignage : « Pourquoi défendre un monstre ? » A travers ce récit, elle formule peu à peu une réponse : et si défendre n'était pas excuser ou trouver des circonstances atténuantes mais expliquer, donner du sens pour juger en connaissance de cause ?

L'auteur nous raconte l'instruction et le procès et parvient à insuffler un peu d'humanité à ce récit insoutenable. Une lecture intense qui nous incite à ne pas oublier « La foi qu'on doit garder en l'homme ».
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La question est sans réponse a priori. Comment, lorsque gronde la colère des faits, affirmer autre chose que ce qu’il est commun d’entendre ? Eviter l’hyperbole au profit de la mesure ?
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e deviendrai au fil des audiences le salaud d’avocat. La doxa a toujours raison. Alors, pour conjurer l’opinion, je me suis dépêchée de trouver un sens à votre défense, avant que ce qui nous faisait converger l’un vers l’autre ne tourne à l’hostile.

J’ai commencé avec vous par la fin, puisque vous reconnaissiez l’ensemble des faits, que vous étiez coupable et responsable de vos actes. Commencer par la fin, c’était le sens de votre histoire, celle qui allait devenir la nôtre.
Cette histoire que vous aviez débutée sans moi, dans laquelle j’allais m’insinuer par obligation et tenter d’y inscrire une suite.
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« La perpétuité, c’est le désespoir programmé.
De mon expérience, je peux modestement vous livrer ce constat : la peine est comme une échelle, à chaque barreau son seuil, un palier, une année de plus est parfois une année de trop. C’est donc aussi tout le sens de la juste peine, car gardons-nous de chercher une peine juste, elle n’existe pas pour répondre à la mort d’un enfant.
Le crime a placé mon client hors de la considération sociale. La peine que vous prononcerez doit l’y intégrer et faire mentir le désespoir. » Page 126
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« Ce jour où nous partageons un morceau d’ordinaire. Je n’ai pas eu envie de fuir, ni de vomir, ni de rien ourdir. Vous êtes là, échassier, avec votre humanité encombrante et je suis convaincue que nous ne vous résumez pas au fils, mari, père dont j’ai entendu les récits. » page 84-85
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la prison, au risque de perdre son sens, ne peut pas être qu’un lieu de relégation où la société enferme le pire d’elle-même
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Vidéo de Véronique Sousset
Véronique Sousset est la directrice de cet établissement pénitentiaire féminin. Elle publie aux éditions du Cherche midi "Fragments de prison". "Tout ce qui peut permettre de bousculer, de chercher du sens, de se poser la question du sens, d'aller au-delàs des préjugés, bien sûr que ça sert", déclare-t-elle sur le plateau de la grande librairie. 
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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