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EAN : 9782266299893
272 pages
Pocket (06/02/2020)
4.24/5   156 notes
Résumé :
Printemps 1994. Le pays des mille collines s’embrase. Il faut s’occuper des Tutsi avant qu’ils ne s’occupent de nous.
Rose, jeune Tutsi muette, écrit tous les jours à Daniel, son mari médecin, souvent absent. Elle lui raconte ses journées avec leur fils Joseph, lui adresse des lettres d’amour… Jusqu’au jour où écrire devient une nécessité pour se retrouver. Obligée de fuir leur maison, Rose continue de noircir les pages de son cahier dans l’espoir que Daniel ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (94) Voir plus Ajouter une critique
4,24

sur 156 notes
«  C'est en avril 1994 que j'ai demandé à Dieu de divorcer. »
Ce sont les premiers mots, très forts, de ce premier roman qui l'est tout autant.
Le «  je » est celui de Sacha, grande reporter française, une femme de caractère habituée à raconter le fracas du monde, qui se retrouve projetée dans les premiers jours du génocide rwandais, le lecteur sur ses traces.

J'aime tout particulièrement les romans qui parviennent à dire la grande Histoire à travers le prisme de l'intime, du personnel ou du familial.
Et là, très clairement, Yoann Smadja a su trouver les mots justes pour évoquer l'enfer dans lequel le Rwanda a basculé à partir de l'attentat qui tue le président rwandais et sert de prétexte aux violences génocidaires envers les Tutsis. Cet ancien humanitaire a oeuvré au Rwanda en 2006, son récit est très documenté, sans doute un peu scolaire par moment mais au moins, cette contextualisation précise permet au lecteur d'avoir une vision complète de la situation et d'en comprendre les enjeux.

Certains passages sont durs, oui, mais sans excès, sans complaisance, juste parce que nécessaire pour comprendre le cheminement psychologique de Sacha dont on voit vaciller les certitudes à mesure qu'elle prend la mesure de la barbarie qui se déchaîne. Car ce très beau roman reste sur les pas de ses personnages principaux. Sacha donc, mais aussi Rose, l'épouse d'un médecin rwandais qui la guide dans le chaos. Rose a disparu avec leur très jeune fils, Daniel la recherche, Sacha aussi.

La très belle idée de l'auteur est de faire parler Rose, la muette, à travers des extraits de son carnet, autant de lettres d'amour écrites pour son mari, des lettres très sensuelles qui racontent le bonheur et le Rwanda d'avant, des lettres terribles qui dévoilent le vécu de Rose durant le génocide.

En fait, tout ce roman est un modèle d'équilibre, à fleur d'émotions. Il aurait pu basculer dans le pathos lourdaud, il ne le fait jamais en croisant les deux regards sensibles de Sacha et Rose. le dernier tiers est vibrant, bouleversant même, grâce à la subtilité avec laquelle Yoan Smadja construit son récit et le fait avancer avec une ellipse temporelle très judicieuse qui propulse le lecteur en 2017 sur une piste inattendue. Je ne l'ai pas refermé désespérée mais au contraire emplie de foi en l'humanité.

Un très beau roman empli de souffle romanesque et de lumière malgré la noirceur du sujet.
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❤️Ce roman est un joyau taillé dans les pierres les plus précieuses et les plus lumineuses, dire que c'est un premier, je m'incline.
Ce doit être l'année littéraire des « Rose » après les carnets de la Rose de Franck Bouysse voici ceux de la Rose de Yoan Smadja et quel étourdissement encore une fois.
Deux récits s'entremêlent, deux regards portés sur cet événement traumatisant qu'à été le génocide Rwandais.
Printemps 1994, Sacha reporter de guerre est envoyée au Cap pour investiguer sur les élections post-apartheid. A peine arrivée et contre l'avis de son employeur elle décide de partir à Kigali avec un ami photographe après la découverte fortuite d'une cargaison d'armes à destination de la capitale Rwandaise tourmentée par des relations interethniques très tendues.
Elle se retrouvera aux premières loges pour couvrir le massacre lié aux discordes claniques entre Tutsi et Hutu.
En parallèle on découvre les écrits de Rose Tutsi muette, adressés à son mari Daniel un obstétricien, reconverti en cette période trouble en médecin humanitaire.

Deux récits et deux styles : un journalistique, captivant, sans temps morts, ancré dans le présent et basé sur des faits politiques réels.
L'autre épistolaire, plus lyrique, et romanesque. La plume est magnifique, le texte poignant.
Le récit de Rose est d'abord nostalgique et romantique, elle évoque le souvenir « dans la maison de vanille » de son père, de Daniel, de leur fils et l'époque du « vieux Rwanda » convivial et chaleureux « nous étions des quartiers de soleil ».
Une sensualité se dégage de ses lettres et nos sens sont intensément sollicités.
Jusqu'à un attentat politique qui va précipiter les événements, les écrits de Rose se noircissent alors et glissent vers l'horreur.
Les deux récits finiront par se recouper et le destin de ces deux femmes se rejoindre.
On assiste à la fuite haletante de tous les protagonistes parmi d'autres fuyards déshumanisés.
Dans ce climat de terreur Daniel, Rose et leur fils se cherchent désespérément, sont liés par la pensée, connectés par la force des sentiments et on a tant envie qu'ils se retrouvent.
La fin est déchirante.
Merveilleux et foudroyant!
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Évoquer le Rwanda et ces terribles semaines qui plongèrent tout un pays dans un effroyable génocide, il fallait une plume de qualité pour aborder par la fiction un thème si terrifiant. Et le moins que l'on puisse dire c'est que celle de Yoann SMADJA assure parfaitement sa mission. A travers le drame de deux femmes (l'une journaliste française, l'autre femme tutsi), ce roman décrit l'horreur sans tomber dans le sensationnalisme ou le pathétique. le roman met aussi en lumière l'invraisemblable désertion des instances internationales devant la folie barbare d'hommes ayant perdus toute humanité. L'histoire se répète sans cesse déversant son lot de destins à jamais brisés.
Un premier roman qui vous prend aux tripes et qui ne peut laisser indifférent.
Merci à Babelio et aux Éditions Belfond pour la découverte de ce texte bouleversant.
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Après avoir lu en 2015 «  Souveraine magnifique » d'Eugène Ébodé ( auteur que j'ai rencontré lors d'une conférence) à propos du pays aux mille collines et le conflit du Rwanda, j'ai acheté cet ouvrage aux récits entremêlés :

Deux regards portés sur cet événement traumatisant, le Génocide des Tutsi du printemps 1994: période où « L’humanité s'est simplement évaporée » .
«  La terre s'était mise à brûler » .

Sacha , reporter de guerre française est envoyée au Cap pour rendre compte à son journal , des élections post- Apartheid..

Lorsqu'elle débarque au Rwanda, parcourt ses mille collines au volant d'une jeep De La Croix Rouge, aux côtés de Daniel , médecin Tutsi, à la recherche de sa femme Rose muette, ( elle lui écrit tous les jours ) .....elle cesse de croire en Dieu....

Le récit journalistique dédié à Sacha, sans temps morts, factuel, basé sur des faits politiques réels s'entremêle , alterne avec le côté épistolaire, nostalgique , romantique de la prose douce et tendre de Rose....

Deux femmes exceptionnelles , remarquables d'humanité et de sensibilité , courageuses , volontaires...
Entre les Hutus et les Tutsis , la déchirure est celle du quotidien.
On dénonce ses voisins, on leur en veut .
Des miliciens armés de machettes violent, pillent , brûlent les églises, les maisons, massacrent .....
Une espèce de folie s'empare des miliciens : les blessures causées à la tête, aux membres étaient terribles ,les actes crapuleux et règlements de compte se multiplient , une fureur méthodique , des centaines de personnes se réfugient dans les hôpitaux , les dispensaires, les organisations humanitaires , l'ONU étaient impuissantes ...

Les journalistes assistaient à la rupture d'un pays qu'ils ne connaissaient pas .Une fureur animale incontrôlée !

C'est un roman bouleversant qui prend aux tripes à la dimension émotionnelle intense , au sujet douloureux et grave , tout en tension.

Le suspense angoissant rend bien la situation confuse, le climat tendu, la liberté de circulation dans le pays entravée, la tourmente , la folie meurtrière ....
Cet ouvrage historique ne laisse pas indifférent——aidé par une plume sensible et généreuse ——pour ce «  Pays tout de vert , de terre et d'affliction vêtu » se lit aisément sans tomber dans le pathétique ni le sensationnalisme ,malgré les atrocités décrites ...

A ne pas lire si l'on est déprimé ....

Un premier roman précieux qui a reçu le Prix «  Honoré de Balzac » et le «  Prix de la ville de Tours » , ( clin d'oeil à une amie chère qui se reconnaîtra ....)
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Rwanda, printemps 1994.
Miliciens armés de machettes, de fusils, massacrant, pillant, violant.
« Entre les Hutu et les Tutsi, la déchirure est celle du quotidien, elle est intime. On dénonce ses voisins, on leur en veut, pour des disputes banales de récoltes, de bétail, de parcelles qui viennent s'ajouter au crime d'être tutsi, et le mobile n'en est que plus justifié. On les tue, parfois, par crainte d'être assassiné. On tue sa compagne ou son compagnon parce que son ethnie n'est pas la bonne. On glisse dans l'absurde. Nos mots de journalistes n'ont plus de sens. »

« En trois mois, notre pays s'était suicidé. (...) Des millions de réfugiés, d'assassins, de survivants se mêlaient dans les camps, parcouraient les routes. Certains revenaient chez eux, retrouvaient leur maison ; il était difficile de dire qu'ils retrouvaient un foyer. »

C'est toujours délicat d'émettre un jugement négatif sur un ouvrage qui traite d'un sujet grave, douloureux.
J'ai trop longtemps trouvé le texte froid et les personnages peu convaincants pour prétendre avoir été touchée par ce récit.
J'ai appris, ré-appris des choses sur ce terrible génocide rwandais : la responsabilité de la colonisation, la soudaineté du déclenchement des massacres, leur violence, l'impuissance de l'Onu...

Je retiendrai cette idée, car je me demande comment les reporters de guerre peuvent rester 'spectateurs' : « Quoi qu'elle ait vu, quoi qu'elle ait entendu, elle n'avait jamais posé son carnet. Ni en Afghanistan, ni en Somalie, ni ailleurs. Elle n'était jamais intervenue. Elle n'avait jamais saisi la main d'un enfant. Et elle comprit, quoique leur geste fût spontané, instinctif, irrémédiablement humain, que quelque chose s'était brisé. (...) Lorsque sa main s'était posée sur les yeux de cette enfant, elle était sortie du cadre qu'elle croyait s'être imposé. C'était ce qu'il fallait faire, mais ça changeait tout. »

▪️ Merci à Babelio et à Belfond.
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Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
— Je sais que tu ne peux pas parler, mais pourquoi ne souris-tu pas?
J’ai esquissé quelques signes en agitant les bras: « J’aurais voulu être comme vous. » Ou du moins, c’est ce que signifiait le va-et-vient rapide de ma main entre lui et moi. Le jeune garçon a souri.
Mes poumons se sont emplis d’un air parfumé et heureux. Depuis, chaque matin et chaque soir, mes narines recherchent ce parfum précieux. Aucun son n’est sorti, mais, finalement, j’ai souri.
— Je vais te dire un secret: tes yeux parlent bien plus que toutes les bouches de Kigali réunies.
Le jeune garçon a sorti un couteau de sa poche et, en s’approchant du mur d’enceinte de la résidence, y a déposé le dessin d’une fleur.
Si même j’avais pu parler, Daniel, je ne sais ce que je t’aurais répondu ce jour-là. Aujourd’hui, alors que je me remémorais notre rencontre, j’ai regretté que mes yeux ne parviennent pas à te trouver. J’aimerais, sous le saule pleureur, qu’ils rient près de toi.
Tu me manques.
Rose 
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J’ai cru qu’ils m’étouffaient. J’ai cru qu’ils effaçaient ce que nous avions vécu. J’ai cru qu’ils étaient des dizaines ou des milliers.
J’ai cru qu’ils enlevaient toute trace de toi.
J’ai cru qu’ils enlevaient toute trace de moi.
J'ai cru que je ne serais plus que poussière. A mesure qu'ils s'avançaient en moi, mon corps s'enfonçait dans la terre. Peut-être que le Rwanda et moi ne faisions plus qu'un. Ils nous ont violés au même instant.
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[Ils] se retrouvaient sur un constat simple : la démocratie est un édifice fragile qui, comme l'amour, n'atteint jamais au statut de réalité évidente et pérenne mais repose sur des fondations qu'il s'agit d'entretenir, par le renouvellement fastidieux des preuves de démocratie que sont le vote, le contrôle de constitutionnalité, la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse. […]
Au citoyen le rôle de vigie. La démocratie gagnait sa réalité dans le respect scrupuleux des libertés individuelles et l'appropriation par l'ensemble des citoyens, individualités simples et corps constitués, de la chose publique.
(p. 29-30)
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«  D’ordinaire, le printemps est une saison dorée.
En avril 1994, il n’en fut rien. J’y ai vu un pays tout vert, de terre et d’affliction vêtu.
La première impression se fait depuis le ciel. Je suis navrée pour les journalistes arrivés par la route , car leur a échappé ce que le Rwanda offre à la fois de plus singulier et de plus beau: l’enchevêtrement des collines , leur géométrie inachevée, tourmentée , d’une beauté à couper le souffle . La sensation d’une nature subjuguée . »
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Il [lui] fut enseigné que seule la première bouchée d'un plat importe : si la crème d'un saint-honoré ne vous a pas transporté dès le premier chou, la recette a échoué. Au contraire, si vous êtes saisi par le réflexe de fermer les yeux pour mieux capter la subtilité du goût, alors le rêve s'instille et le désir de retrouver la sensation vous hantera.
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Video de Yoan Smadja (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yoan Smadja
l'émission intégrale : https://www.web-tv-culture.com/emission/yoan-smadja-j-ai-cru-qu-ils-enlevaient-toute-trace-de-toi-51518.html
Il y a des livres qui sont comme des rencontres, des livres qui vous élèvent, vous émeuvent, vous ouvrent les yeux, des livres qui restent en vous bien après avoir lu la dernière page. le livre de Yoan Smadja fait partie de ces livres. Retenez ce joli titre « J?ai cru qu?ils enlevaient toute trace de toi ». C?est un premier roman, mais quelle réussite. Pourtant, rien ne prédestinait Yoan Smadja à prendre la plume. Naviguant entre la France et Israël, Yoan Smadja a travaillé dans une ONG avant d?avoir aujourd?hui une activité professionnelle des plus classiques. Lecteurs et amateurs de beaux textes, il a dans sa bibliothèque quelques classiques incontournables. Mais de là à prendre la plume? Pourtant, en 2006, après un voyage au Rwanda dans le cadre d?une mission humanitaire, il est sous le choc. Les séquelles du génocide de 1994 sont encore bien présentes et Yoan Smajda emmagasine en lui toutes sortes d?informations et d?émotions. Rapidement, il jette sur le papier quelques réflexions. Il faudra pourtant attendre plusieurs années pour qu?il trouve le courage de reprendre ses notes et de s?atteler à l?écriture de ce roman. Comme s?il lui avait fallu prendre du recul et construire lui-même sa vie pour coller au plus près de ce que fut la réalité effroyable du Rwanda. Nous allons suivre Sacha, femme de caractère, grand reporter pour un grand quotidien national, habituée à raconter à ses lecteurs le fracas du monde. Son chemin va croiser celui de Daniel, médecin rwandais dont l?épouse, Rose, muette de naissance travaille à l?ambassade de France. Leur petit garçon, Joseph, est le fruit d?un amour que rien ne semble pouvoir obscurcir. Mais, en ce printemps 1994, la haine et la folie s?emparent de ce pays d?Afrique, le Rwanda s?embrase. Sacha, dépassée par ce qu?elle voit, sent ses certitudes vaciller. Quant à Daniel, en mission à l?autre bout du pays, il traversera mille dangers pour retrouver son fils et sa femme. Voilà un roman d?une grande force, dont l?intrigue parfaitement menée et la richesse des personnages portent le sujet, à savoir le génocide rwandais, à son paroxysme. Dans le chaos, dans l?enfer d?un monde qui s?écroule, comment vivre, aimer, rester fidèle à ses idéaux, pardonner et se reconstruire ? Sans violence excessive dans les descriptions, contextualisant objectivement, afin de rappeler la brutalité des faits, sans apporter aucun jugement, ne sombrant pas la larme facile, avec une écriture d?une grande sensibilité et d?une grande justesse, Yoan Smadja écrit un livre bouleversant, saisissant, beau et tragique. Une histoire d?amour et de haine dont on ne ressort pas indemnes. C?est indéniablement un livre coup de c?ur que je vous recommande particulièrement. « J?ai cru qu?ils enlevaient toute trace de toi » de Yoan Smadja est publié chez Belfond.
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