De la SF dense abordant les thématiques des univers virtuels et de la réalité où se croisent antiquités chinoises, post-apo, vaudou, histoire byzantine et, bien sûr, princesse à la beauté fatale.
Je ne saurais pas trop résumer cet ouvrage dont la trame est finalement simple, mais qui a un tel foisonnement et une telle richesse concentrée en quelques pages que ça en devient presque difficile à suivre. La densité de Theophano 960 est telle que je n'imagine pas un auteur d'aujourd'hui écrire ce livre en seulement 180 pages.
La richesse culturelle qu'apporte
Pierre Stolze à son roman est impressionnante, surtout quand on considère qu'en 95, on était encore à la préhistoire d'internet et que le savoir se trouvait encore avant tout dans les livres. Je n'ai pas
souvenir d'un seul roman de SF où j'ai trouvé un cours sur les vases chinois antiques ou une représentation d'une cérémonie vaudou dans tous ses détails. Combiner les deux, et y rajouter toute la notion d'univers virtuels, d'altération de la réalité, de création au sens spirituel, et on a un roman comme Theophano 960.
Ce roman aurait vraiment pu être beaucoup, beaucoup plus qu'un simple roman de SF. Ses thèmes sont vraiment centraux, surtout aujourd'hui où on redécouvre
Philip K. Dick jusqu'à friser l'overdose et qui lui aussi questionnait la notion de "réalité".
Pierre Stolze a peut être trop condensé son propos, en élaguant les questions qui auraient brouillé au-delà du raisonnable son roman.
Les personnages sont nombreux, assez archétypaux, et très peu développés. La longue (trop longue) présentation de Bart Crew dans le tout premier chapitre laisse entendre que c'est lui le personnage principal, mais pas du tout: on ne le reverra que deux fois brièvement par la suite. Ça ne nuit pas à la narration, mais ça peut surprendre de façon négative: les personnages ne sont pas là pour faire du psycho-socialo-philosophique, mais pour être témoins des événements, sur lesquels ils n'ont pas beaucoup de prise. C'est la même démarche que chez
Lovecraft, dans un tout autre domaine (et dans un tout autre style littéraire).
C'est bien là le seul véritable reproche que je puisse lui adresser: s'être limité à écrire un très bon roman, où tout, absolument tout se tient et trouve une explication rationnelle et logique.
Un très bon moment de lecture, qui est cependant assez exigeant de son lecteur sur la première moitié en raison de son foisonnement et de la multiplication de ses personnages centraux qui, du coup, ne sont quasiment pas développés, ce qui peut faire hurler les fans de récits contemplatifs où le héros/héroïne livre ses profondes réflexions métaphysiques et sentimentales sur 450 pages.
Theophano 960 est vraiment à découvrir!