Les délices de Tokyo est un petit chef d'oeuvre de littérature japonaise dosant subtilement relations humaines, leçon de vie, description de la société japonaise, histoire et … cuisine. le tout en moins de 220 pages en format poche.
Sentarô vend des dorayaki, des pâtisseries japonaises formées de deux pancakes fourrées à la pâte de haricots azuki (petits haricots rouges). Il doit rembourser une mystérieuse dette mais aimerait embaucher une personne pour l'aider et lui tenir compagnie.
Tokue Yoshii (prononcer Tokué) a 76 ans et lui propose de l'engager. Elle a goûté ses gâteaux et trouve dommage d'utiliser de la pâte industrielle. Elle peut préparer une vraie pâte de haricots, un «an» maison et bien meilleure. En l'observant, Sentarô comprend que la cuisine doit faire travailler les 5 sens. On respire, on voit, on goûte, on touche et aussi, on écoute. Les dorayaki deviennent excellent et les ventes s'envolent. Parmi les clients, une jeune adolescente, Wakana, se lie d'amitié avec Tokue.
Mais Tokue a un secret elle aussi et quand il sera découvert, on s'aperçoit que la société japonaise, son histoire depuis la Seconde Guerre mondiale n'est pas aussi exemplaire qu'elle ne paraît.
Avec son histoire personnelle, Tokue a appris à vivre et à voir la vie de façon différente et sa sensibilité, son amour des petits riens est un vrai régal à entendre.
Les délices de Tokyo ne sont pas que des gâteaux. Ce sont aussi ces moments de vie que l'on apprend à apprécier, à aimer pour ceux qu'ils sont. Quel bonheur, par exemple de savourer cette brise légère et tiède faire bouger les cerisiers en fleur et voir ces pétales roses tombés comme de la neige sous un soleil de printemps. Certains passages sont merveilleux de poésie.
A son contact, Sentarô évolue. Il voit les autres autrement mais surtout il apprend à s'aimer lui-même.
La plume traduite de
Durian Sukegawa est d'une délicatesse exquise. Mes goûts de lecture m'amènent rarement sur ces rivages, mais c'est tellement bien écrit, c'est tellement juste dans le ton dans l'évolution des personnages, dans le dosage savant de la recette, très peu sucré, doux amer !
Pas de sensiblerie à outrance, pas de malheurs à faire pleurnicher un mouchoir à la main, et pourtant la vie de Tokue que l'on découvre au fur et à mesure du roman nous permet de découvrir cette société japonaise avec ses zones d'ombre et ses préjugés tenaces.
L'auteur va droit à l'essentiel. Et après deux à trois heures de lectures, on referme le livre heureux de l'avoir lu.
Une belle histoire, simple et pourtant efficace, belle et sensible mais pas mièvre. Une jolie découverte qui prouve qu'il faut sortir régulièrement de sa zone de confort en matière de lecture.