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Citations sur Supervielle : Oeuvres poétiques complètes (62)

C’est beau d’avoir élu
Domicile vivant
Et de loger le temps
Dans un cœur continu,
Et d’avoir vu ses mains
Se poser sur le monde
Comme sur une pomme
Dans un petit jardin,
D’avoir aimé la terre,
La lune et le soleil,
Comme des familiers
Qui n’ont pas leurs pareils,
Et d’avoir confié
Le monde à sa mémoire
Comme un clair cavalier
A sa monture noire,
D’avoir donné visage
À ces mots : femme, enfants,
Et servi de rivage
À d’errants continents,
Et d’avoir atteint l’âme
À petits coups de rame
Pour ne l’effaroucher
D’une brusque approchée.
C’est beau d’avoir connu
L’ombre sous le feuillage
Et d’avoir senti l’âge
Ramper sur le corps nu,
Accompagné la peine
Du sang noir dans nos veines
Et doré son silence
De l’étoile Patience,
Et d’avoir tous ces mots
Qui bougent dans la tête,
De choisir les moins beaux
Pour leur faire un peu fête,
D’avoir senti la vie
Hâtive et mal aimée,
De l’avoir enfermée
Dans cette poésie.
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Puisque nos battements
S'espacent davantage,
Que nos cœurs nous échappent
Dans notre propre corps,
Viens, entrouvre la porte,
Juste assez pour que passe
Ce qu'il faut d'espérance
Pour ne pas succomber.
Ne crains pas de laisser
Entrer aussi la mort,
Elle aime mieux passer
Par les portes fermées.
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A force de mourir et de n'en dire rien
Vous aviez fait un jour jaillir, sans y songer,
Un grand pommier en fleurs au milieu de l'hiver.
Et des oiseaux gardaient, de leurs becs inconnus,
L'arbre non saisonnier comme en plein mois de mai.
Et des enfants joyeux de soleil et de brume
Faisaient la ronde autour, à vivre résolus.
Ils étaient les témoins de sa vitalité.
Et l'arbre de donner ses fruits sans en souffrir
Comme un arbre ordinaire et sous un ciel de neige
De passer vos espoirs de toute sa hauteur.
Et son humilité se voyait de tout près
Oui, craintive souvent, vous vous en approchiez.
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Arbre
Avec un peu de feuillage et de tronc
Tu dis si bien ce que je ne sais dire
Qu’à tout jamais je cesserais d’écrire
S’il me restait tant soit peu de raison.
Et tout ce que je voudrais ne pas taire
Pour ce qu’il a de perdu et d’obscur
Me semble peu digne que je l’éclaire
Lorsque je mets une racine à nu
Dans son mutisme et ses larmes de terre.
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LA SPHÈRE

Roulé dans tes senteurs, belle terre tourneuse,
Je suis enveloppé d'emigrants souvenirs,
Et mon coeur délivré des attaches heureuses
Se propage, gorgé d'aise et de devenir.

Sous l'émerveillement des sources et des grottes
Je me fais un printemps de villes et de monts
Et je passe de l'alouette au goémon,
Comme sur une flûte on va de note en note.

J'azure, fluvial, les gazons de mes jours,
Je narre le neigeux leurre de la montagne
Aux collines venant à mes pieds de velours
Tandis que les hameaux dévalent des campagnes.

Et comme un éclatant abrégé des saisons,
Mon coeur découvre en soi tropiques et banquises
Voyageant d'île en cap et de port en surprise
Il demêle un intime écheveau d'horizons.
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APESANTEUR
«  La terre lourde se souvient ,
Oiseau , d’un monde aérien,
Où la fatigue est si légère
Que l’abeille et le rossignol
Ne se reposent qu’en plein vol
Et sur des fleurs imaginaires » ....
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1939-1945
ARBRES

PINS


Ô pins devant la mer,
Pourquoi donc insister
Par votre fixité
À demander réponse ?
J'ignore les questions
De votre haut mutisme.
L'homme n'entend que lui,
II en meurt comme vous.
Et nous n'eûmes jamais
Quelque tendre silence
Pour mélanger nos sables,
Vos branches et mes songes.
Mais je me laisse aller
À vous parler en vers,
Je suis plus fou que vous,
Ô camarades sourds,
Ô pins devant la mer,
Ô poseurs de questions
Confuses et touffues,
Je me mêle à votre ombre,
Humble zone d'entente,
Où se joignent nos âmes
Où je vais m'enfonçant,
Comme l'onde dans l'onde.

p.433-434
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1939-1945

POÈMES DE LA FRANCE MALHEUREUSE
À Angélica Ocampo

LE DOUBLE
Mon double se présente et me regarde faire,
II se dit : « Le voilà qui se met à rêver,
II se croit seul alors que je puis l'observer
Quand il baisse les yeux pour creuser sa misère.
Au plus noir de la nuit il ne peut rien cacher
De ce qui fait sa nuit avec ma solitude.
Même au fond du sommeil je monte le chercher,
À pas de loup, craignant de lui paraître rude
Et je l'éclaire avec mon électricité
Délicate, qui ne saurait l'effaroucher,
Je m'approche de lui et le mets à l'étude,
Voyant venir à moi ce que son cœur élude. »

p.411
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PROPHÉTIE

Un jour la Terre ne sera
Qu'un aveugle espace qui tourne
Confondant la nuit et le jour.
Sous le ciel immense des Andes
Elle n'aura plus de montagnes,
Même pas un petit ravin.

De toutes les maisons du monde
Ne durera plus qu'un balcon
Et de l'humaine mappemonde
Une tristesse sans plafond.
De feu l'Océan Atlantique
Un petit goût salé dans l'air,
Un poisson volant et magique
Qui ne saura rien de la mer.

D'un coupé de mil neuf cent cinq
(Les quatre roues et nul chemin !)
Trois jeunes filles de l'époque
Restées à l'état de vapeur
Regarderont par la portière
Pensant que Paris n'est pas loin
Et ne sentiront que l'odeur
Du ciel qui vous prend à la gorge.

A la place de la forêt
Un chant d'oiseau s'élèvera
Que nul ne pourra situer,
Ni préférer, ni même entendre,
Sauf Dieu qui, lui, l'écoutera
Disant : "C'est un chardonneret."

Recueil "Gravitations", section "Les Colonnes étonnées", pp. 168-169.
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OUBLIEUSE MÉMOIRE (extraits)

MADAME


Ô vous toujours prête à finir,
Vous voudriez me retenir
Sur ce bord même de l'abîme
Dont vous êtes l'étrange cime.

Dame qui me voulez fidèle à votre image
Voilà que maintenant vous changez de visage ?
Comment vous suivre en vos détours,
Je suis simple comme le jour.

Comment pourrais-je me fier
À ce que vous sacrifiez,
Ou pensez-vous ainsi me dire
Que changer n'est pas se trahir
Que vous vous refusez au gel
Définitif de l'éternel ?

Devez-vous donc, quoi qu'il arrive,
Demeurer secrète et furtive ?
Écoutez, mon obscure reine,
II est tard pour croire aux sirènes.

Ô vous dont la douceur étonne
Venez-vous de jours sans personne ?

p.491
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