Citations sur Bérézina (367)
Le putch avait échoue, mais la nouvelle avait autant secoué l'Empereur que l'annonce des pertes du jour contre les Russes. Voilà que, harcelé par l'armée de Koutiusov, il se trouvait en plus menacé au cœur de son pouvoir. À Caulaincourt, il avait jeté : "Avec les Français. Il faut, comme avec les femmes, ne pas faire de trop longues absences."
Le froid ouvrait ses brèches. Il avait une vie autonome et ses propres plans.
La France, petit paradis peuplé de gens qui se pensent en enfer.
- Un vrai voyage, c'est quoi ? dit-il.
- Une folie qui nous obsède, dis-je, nous emporte dans le mythe ; une dérive, un délire quoi, traversé d'Histoire, de géographie, irrigué de vodka, une glissade à la Kerouac, un truc qui nous laissera pantelants, le soir, en larmes sur le bord d'un fossé. Dans la fièvre…
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Autour de nous la glace, les congères, les banlieues grises, les usines décrépites et les isbas de travers. Le paysage avait la gueule de bois. Même les arbres croissaient de guingois.
[Note de bas de page à propos du livre "Le mal napoléonien"]
Titre du brillant (mais sujet à débat) livre de Lionel Jospin (Paris, Le Seuil, 2014), lequel partage avec l'Empereur d'avoir raté une campagne.
Varsovie approchait, le mercure descendait. Goisque, engoncé dans ses fourrures, avait de plus en plus l'air d'une vieille dame.
« Goisque !
− Quoi ?
− Tu as l'air d'une vieille dame.
− Qu'est-ce que tu dis ?
− Et, en plus, elle est sourde ! » pensais-je dans mon casque.
Donc, nous pétaradions sur l'avenue Koutouzov. Moscou, la grosse capitale de fer, d'acier, de larmes et d'étoiles, nous boutait hors d'elle-même par la porte de l'Ouest dont le nom est associé à tous les malheurs de la Grande Armée.
Sur l'avenue, une bagnole nous frôla, la fenêtre s'ouvrit, un jeune Russe à nez pointu hurla :
« Fatigués de vivre, les gars ?
− Ta gueule, connard », dis-je.
Le pilotage n'élève pas la pensée.
J'observais Goisque et Gras en train de serrer leurs sacs dans les coffres des machines. Et nous, qu'aurions-nous fait? A quelle extrémité la faim nous aurait-elle poussée? que connaissions-nous de nous-mêmes et des autres, nous, si policés, si urbains, si bien nourris? Nos relations se limitaient à d'agréables voyages, des soirées arrosées et des conversations de grandes gueules.
Ainsi s’acheva l’une des plus formidables parties de l’histoire des sports de plein air.