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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voilà un livre qui serait plus lu s'il était deux fois plus court. Il faut un certain courage pour aborder ce millier de pages. Mais le courage est récompensé, car s'il y a quelques longueurs, elles ne sont pas si nombreuses et le voyage vaut le détour.
Thackeray fut longtemps le rival de Dickens, rival malheureux puisqu'il n'eut jamais le succès de celui-ci, sauf quand Stanley Kubrick adapta Barry Lyndon au cinéma.
Roman victorien par excellence, La Foire aux Vanités nous plonge dans le Londres post-napoléonien. le roman débute d'ailleurs en 1814. Cinq personnages principaux, tous assez médiocres finalement, mais sur des plans très différents, animent une comédie sociale, entre bourgeoisie et aristocratie, en passant par la misère et le foisonnement des domestiques. La figure de Becky Sharp, manipulatrice et séductrice de haut-vol émerge et donne au roman son originalité, qui vient compenser l'abondance de bons sentiments.
S'il fallait comparer La Foire aux Vanités à nos romans français, nous serions entre Balzac et Zola. Mais nous avons affaire à un roman anglais, moins froid que ceux de nos compatriotes. Thackeray se montre nettement moins optimiste que Dickens sur la nature humaine, mais son esprit satirique le rend plus drôle. Tout est vanité; même la littérature...
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Oulala, c'est du lourd ! Et quand j'écris cela, ce n'est pas en pensant au poids de ce pavé qui ne compte pas moins de 1071 pages, mais bien à la qualité de ce que je viens de lire.
Car oui, là je viens de terminer la lecture de ce que je n'ai pas peur de qualifier de petit bijou. Je précise que petit est pour ma part un terme affectueux, car ce livre est à ranger parmi les grands, en tout cas selon mes critères fort personnels.
Soyons clairs, je ne suis pas sure que sans le challenge BBC, je me sois un jour lancée dans cette lecture. Non pas pour des raisons liées à des préjugés, mais plutôt par ignorance. Avant ma lecture, je connaissais vaguement le titre de ce roman, sans pour autant être capable de citer le nom de son auteur, qui est aussi, comme je l'ai découvert, des Mémoires de Barry Lyndon, dont Stanley Kubrick a tiré un film à l'esthétique fort marquant. Donc, une fois de plus, je ne peux que remercier celle qui est à l'origine de ce challenge, à savoir Gwen !
J'ai adoré le style de l'auteur, qui persifle, ironise, se moque avec beaucoup de talent des habitudes et des travers de ses différents personnages. Pas un n'échappe à sa plume acérée et féroce pour mon plus grand plaisir de lectrice. Il égratigne avec art les vaniteux et leurs vanités et je trouve cela tout simplement jubilatoire.
Malgré la taille de ce livre, je n'ai pas ressenti un seul moment d'ennui, car j'ai vraiment été emportée par la qualité de l'écriture.
Et quelle histoire ! Et quels personnages ! Comment ne pas avoir envie de savoir ce qu'il advenir de la trop lisse et parfaite Amelia, mais surtout de l'ambitieuse et sans scrupules Becky Sharp ? Et ne parlons pas de tous les snobs qui les entourent car il y en a pour tous les gouts, il faut le dire…
Une très belle découverte…


Challenge BBC
Challenge Pavés 2023
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A travers les destin croisés de Rebecca, arriviste séductrice et égoïste, et d'Amélia, douce et passive jeune fille, l'auteur nous plonge au coeur de la foire aux vanités dans laquelle se mêlent les petits et gros travers de la société du début du 19e siècle.

Un roman assez passionnant, si on lui fait grâce de quelques longueurs et généralités un peu douteuses. L'auteur se pose en observateur désabusé des moeurs de ses personnages qu'il décrit avec complicité à son lecteur. Son ton direct est un des charmes du roman, malgré une certaine tendance à la morale rigide de son temps.

Les personnages sont très inégaux. Amélia est un peu trop passive et invariablement gentille pour être intéressante autrement que dans ses malheurs (qu'elle a en plus le mauvais goût de supporter avec patience et douceur!). Rebecca lui vole clairement la vedette. Elle commence avec un certain capital sympathie, pauvre jeune fille livrée à ses propres moyens pour se faire une place dans le monde, mais le met à rude épreuve par ses manigances et sa tendance à se servir sans scrupules des gens autour d'elle. Quelques moments de bons sentiments laissent planer une ambiguïté sur son insensibilité, et le lecteur se fera son propre avis sur elle, mais ce qui est sûr c'est que les chapitres qui lui sont dédiés ne sont jamais ennuyeux.

Côtés hommes, le vertueux Dobbin tente de contrebalancer sa fadeur en étant plus ou moins le seul homme correct du livre. Osborne est le modèle de l'égoïsme et Rawdon Crawley a une jolie évolution qui le rend plus intéressant que son entrée dans le récit ne le laisse supposer.

Les personnages secondaires sont TRÈS nombreux, et comme pour les personnages principaux leur intérêt varie. Mention spéciale à la vieille Miss Crawley pétrie de contradictions, à l'infréquentable sir Pitt et à la gentille Briggs. Malheureusement, l'auteur a un peu tendance à étaler le pédigrée et la vie passée de ses personnages, et ce même s'ils ne font qu'une brève apparition dans le récit. C'est logique si l'on considère que ce "roman sans personnages" a été conçu par Thackeray comme une peinture de la société, et qu"il se sert de tous ses personnages pour nous en présenter certaines facettes, qu'elles aient un rapport avec l'intrigue ou non. Malgré cela, le rythme du récit en pâtit.

Mais pour qui a le courage de s'attaquer au petit millier de pages de ce roman, je conseille l'expérience, à la quelle je reviendrais d'ailleurs sûrement.
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Vanity Fair 1846-1847
William Makepeace Tackeray (1811-1863)

Veuf de facto

Chez la plupart des génies du monde créatif de la littérature, de la peinture et de la musique, combien sont partis trop tôt et nous ont certainement privés de bien des chefs d'oeuvre encore, combien aussi portaient en eux la marque d'une vie où l'on voit bien que les ingrédients étaient là pour leur inspirer une grande oeuvre. La richesse d'une vie ne fait pas forcément l'artiste, mais quand même je pense que point de destin exceptionnel, point de grande oeuvre et que la qualité de celle-ci se fait l'écho de l'intérêt que suscite sa production.

En disant cela, je pense à William Makepeace Thackeray, à un élément près, l'un des plus grands auteurs que l'Angleterre ait connus qui fut géante sous l'emprise victorienne.

Il va sans dire que leur vie écourtée comporte sa part de drame.
Un père qui amasse une grosse fortune dans la Compagnie des Indes, William le fils qui ne percevra pas sa part d'héritage et qui va s'employer dans des jobs de subsistance comme le journalisme, métier courant à l'époque qui permettait de repérer les talents de la plume, ils se commettaient en chroniques, en feuilletons, mais il faut bien admettre que si le journalisme nourrissait son homme, Thackeray ne pouvait concevoir ces avantages que comme une rampe de lancement vers son activité artistique car il n'avait cure d'une réussite dans le monde de la bourgeoisie et la noblesse anglaises : il vomissait le système synonyme de mesquineries.

On pense aussi à sa rencontre avec Miss Isabella Shawe, irlandaise, qu'il épousa, lui donna trois filles et qui finit internée pour dépression nerveuse. de plus jeter son dévolu sur une irlandaise dans la société victorienne n'était pas à coup sûr le meilleur parti qu'il fallait prendre pour se faire bien voir.

Thackeray, âme bien née, qui va connaître néanmoins dans son activité journalistique une pleine réussite, lui procura une aisance financière notable. Alors que chez les hommes, c'est selon les perspectives de chance créatrice quand la femme est tenue éloignée ou internée comme on voudra, ici en situation de veuf de facto, lui c'est à coup sûr la mise à profit de cette absence pour écrire et va connaître une activité littéraire intense, un succès grandissant. On imagine son désarroi et sa souffrance quand même à titre individuel, mais le grand homme ne se plaint pas : il souffre dans sa chair en prenant sur lui et vaque à ses occupations d'artiste avec un aplomb extraordinaire et là il croit voir la clef de ce monde à travers sa capacité exceptionnelle d'en appréhender tous les vices les plus vicieux, les alliances, les mésalliances anglaises si merveilleusement décrites dans la Chance de Barry Lindon avec une pensée aimable pour les irlandais en souvenir peut-on dire de sa femme irlandaise dont la vie à ses côtés n'était plus possible.

A travers tous ses voyages à l'étranger et grâce à sa position dominante en Angleterre, l'homme se fait connaître comme un observateur pointu des moeurs futiles de la société anglaise que la moralité victorienne rejette, il va en recueillir tous les ferments pour en faire des satires grinçantes.

Vanity Fair

Que les fortunes se fassent dans la Foire aux vanités - j'ai envie de laisser le titre original tellement cela me semble anglais : Vanity Fair - cela me semble naturel et aller de soi, qu'elles se défassent au gré des circonstances touchant les protagonistes vont moins de soi et semblent répondre comme l'écho pour favoriser la trame riche de l'aventure des deux jeunes amies Amélia et Becky si différentes de naissance. Les destins feuilletonnesques des jeunes femmes se croisent de manière folle -attention à ne rien louper de l'intrigue au risque de s'y perdre-, malgré tout une certaine moralité victorienne semble toujours remettre les pendules à l'heure.. On est sous le charme du génie littéraire qu'est William Makepeace Thackeray et qui va influencer avec Trollope, Eliot.. plusieurs générations d'auteurs littéraires dont les noms nous sont connus, mais en deca néanmoins du grand victorien.

Ma préférence va plutôt à l'auteur en question qu'à Dickens que tout opposait, cela est probablement dû à la qualité inégale des hommes et à leurs idées.

Le grand écrivain mourra à la cinquantaine, j'aurais pu le dire plus tôt. Se sentant moins créatif, il mangeait, buvait trop, aimait les piments épicés (mon point commun avec lui). Un AVC l'emporta et il y eut une foule de gens à son enterrement..

Est-ce qu'on peut comprendre pourquoi secrètement j'aime tant Londres quand j'ai le sentiment d'être (physiquement) sur les traces de cet énorme William par exemple où je peux admirer son buste à l'abbaye de Westminster, et où l'ombre de sa démesure se propage hors du temps comme le géant non pas d'un siècle, mais de plusieurs à la fois. C'est une espèce d'artiste reconnaissable entre mille qui ne peut vous laisser seul et indifférent. Les artistes, il me semble aussi sont tous cabots, mais pour Thackeray, il me semble que non ; dès lors qu'il ne s'est plu senti créatif, il cessa d'écrire naturellement. Avait-il quelque chose à perdre ? grand dieu que non ! sa vie non plus ne lui disait plus rien, ce qu'il avait à dire au monde, il l'avait déjà dit. Peut-être subissait-il aussi le contrecoup de ses années solitaires paradoxalement réussies publiquement avec le sentiment d'une vie intime qui lui aura manqué. Je ne suis pas dans sa peau pour savoir s'il avait encore de grands desseins, mais je pense que les choses se sont taries comme ça, sans que la vie reprenne le dessus autrement que par des artifices. Ca ne sert à rien de se raconter des histoires..

"La bienveillance et le sentiment ennoblissent les actions les plus anodines"
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La Foire aux Vanités est l'un des plus grands classiques du roman anglais. Thackeray, considéré comme l'égal de Dickens à son époque et fils spirituel de Swift, n'a eu de cesse de fustiger dans son oeuvre la noblesse de sang et de promouvoir l'aristocratie de coeur. le titre du livre s'inspire d'un conte allégorique de John Bunyan intitulé The Pilgrim's Progress où est évoqué une ville nommée « Vanité », qui est l'allégorie du péché d'attachement des hommes aux choses de ce monde. En effet, la thèse fondamentale de ce livre est que, dans la société occidentale, le seul moyen d'arriver, si l'on est sans naissance ni fortune, est de violer tous les principes moraux que la société fait semblant de respecter. Ainsi, dans ce roman dit « sans héros », les gentils se font dévorer, les méchants sont au devant de la scène et tout bon sentiment est sacrifié à l'obsession de paraître. Cette oeuvre dense est à la fois un récit social, de moeurs, une histoire d'amour et une galerie de portraits extraordinaires de personnages qui se donnent de l'importance alors qu'ils ne sont pas grand chose. Et tout cela sur fond d'histoire et dans un grand style. Vous l'avez donc compris, j'ai été très emballée par cette histoire qui nous captive, bien qu'elle représente, pour la plupart, des personnages forts peu attachants. J'ai beaucoup apprécié les critiques sociales de ce roman et j'ai été fascinée par ce brio littéraire. Bien que ce roman date du XIXeme siècle, il est d'une vérité toute actuelle. Je vous recommande donc chaudement de vous lancer dans ce livre et de ne pas vous effrayer des 1000 pages qui le composent car elles sont savoureuses.
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Aujourd'hui, je vous présente une oeuvre que j'adore, que j'ai déjà lu plusieurs fois, dont j'ai vu et revu les adaptations et qui me ravie à chaque fois ! Il s'agit de "La foire aux vanités" de William Makepeace Thackeray.
Rebecca Sharp est la fille d'un artiste anglais maudit et d'une française, danseuse de cabaret. Elle devient orpheline alors qu'elle est encore très jeune. Très vite, elle aspire à une vie au dessus de sa condition, plus "glamour" et rocambolesque. Alors qu'elle quitte le pensionnat de Miss Pinkerton à Chiswick, Becky n'a qu'une idée en tête, conquérir la société anglaise, s'élever et cela peu importe le prix.
La foire aux vanités fait partie de ces romans qui peuvent effrayer, plus de 1000 pages, classique, mais qui en même temps nous fascinent. On hésite, on se lance dans les adaptations, on en regarde une, puis deux, on les revoit et on finit par se rendre à l'évidence, ce roman, on veut le lire ! Et très vite, on se retrouve à tourner les pages à une vitesse folle, à le terminer bien trop vite et à se demander pourquoi on ne l'a pas lu plus tôt ! Car ce roman n'est rien de moins qu'un chef d'oeuvre qui mêle subtilement récit social, roman de moeurs et histoire d'amour. L'écriture de cet auteur est étonnamment fluide pour un classique, il n'y a aucune longueur, des descriptions courtes, des personnages croqués à la perfection et surtout un humour et un second degré qui rythment si bien le récit.
Vraiment, pas un instant d'ennui avec ce roman incroyable. le rythme est vraiment très intense et confère beaucoup de suspens au récit. Les procédés d'écriture de Thackeray jouent avec le lecteur, le laissant dans l'ignorance de certains faits pour venir mieux le surprendre quelques chapitres plus loin. Et ces petits coups de théâtre fonctionnent à merveille et m'ont souvent laissés sans voix. Et l'auteur ne lésine pas non plus sur le sarcasme, tournant régulièrement ses personnages en ridicule et nous montrant bien souvent leurs petits secrets qui auraient dû rester tapis dans l'ombre. Autant dire que l'on se régale, que l'on rit et s'amuse. Un pur délice !
Pour conclure, je vous dirais de ne pas hésiter, de ne surtout pas vous laisser rebuter par les 1000 pages de ce roman classique, car à coup sûr, ce récit d'un autre temps saura vous charmer et vous fasciner par ses aspects modernes et son écriture d'une grande beauté et d'une belle ironie. Un roman qui pour moi fait partie de mes oeuvres anglaises victoriennes préférées. Un auteur qui, je trouve, n'a pas en France la reconnaissance qui lui est due. Si vous aimez Dickens ou Gaskell, vraiment lisez Thackeray, je parie que son charme opérera sur vous.
Ps: si vraiment malgré tous mes arguments, les classiques ne sont pas votre "cup of tea" , au moins voyez la mini série de la BBC de 2018 en sept épisodes. Elle est très fidèle à l'oeuvre originelle et très moderne dans sa réalisation et tout simplement délicieuse. À consommer sans modération. ❤❤❤❤❤
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Amelia et Rebecca quittent le même jour, et ensemble, l'institution où elles ont fait leurs études. Leurs destins respectifs semblent tout tracés : à la première, bien née, tout paraît devoir naturellement réussir alors que la seconde, d'un milieu beaucoup moins favorisé, semble devoir se contenter de jouer les rôles d'appoint. Mais pas si simple ! Peu armée pour faire face aux vicissitudes de l'existence, Amelia a tendance à se comporter de façon passive devant les coups du sort qui l'accablent alors que Rebecca, elle, est bien décidée à utiliser, sans s'encombrer de considérations morales, tous les moyens possibles et imaginables pour faire sa place au soleil. Pour parvenir à ses fins, elle dispose de nombreux atouts : sa beauté, son magnétisme, son intelligence, son absence totale de scrupules. Un vaste champ d'action s'ouvre à elle : le monde dans lequel elle fait son entrée est en effet peuplé de toutes sortes d'êtres faibles, veules, superficiels, qui n'accordent d'importance qu'à l'argent, qu'au statut social et à l'impression qu'ils font sur autrui. La fameuse vanité.

Pendant plus de mille pages, William Thackeray va nous dresser un tableau saisissant et plein d'humour de toutes les bassesses, mesquineries et prétentions humaines et, par la même occasion, de la société anglaise de son temps. On ne s'ennuie pas un seul instant. Sa verve, son ironie, sa façon de s'adresser directement au lecteur ont des accents résolument modernes. Les portraits qu'il nous brosse de la multitude de personnages qu'il met en scène également. Il y a des agissements et des « types » humains qui sont universels.
À cet égard la description des comportements à l'arrière, lors de la bataille de Waterloo, est particulièrement savoureuse. Suite à de fausses informations, Napoléon est donné vainqueur. On assiste alors à un sauve-qui-peut général d'anthologie dont Rebecca va, quant à elle, savoir tirer judicieusement profit. Ce personnage de Rebecca est, à mon sens, extrêmement complexe. William Thackeray ne peut pas ne pas donner l'impression qu'il réprouve ses agissements, mais, en même temps, on sent bien qu'il ressent une certaine tendresse pour cette femme qui s'efforce de tirer parti, du mieux qu'elle peut, des failles d'une société injuste.

Encore un écrivain qui n'a malheureusement pas, en France, la reconnaissance qu'il mérite.
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Rebecca est irrésistible...
Rebecca est indomptable...
Rebecca est envoûtante...
Rebecca est sidérante...
Rebecca est inexorable...
Rebecca est inénarrable...

En 1848, William Thackeray Makepeace fait publier son roman monumental, La Foire aux Vanités. Aussitôt, l'oeuvre suscite l'engouement des lecteurs qui sont subjugués par le parcours hors norme de son anti-héroïne, Rebecca Sharp. Car dans cet ouvrage satirique, personne n'est épargné par la causticité de la plume de Thackeray ; bourgeois, aristocrates, puissants ou petites gens, tous voient leurs vicissitudes dévoilées au grand jour ! Dans l'Angleterre du début du XIXe siècle, deux jeunes femmes quittent le pensionnat où elles ont grandi : la première, Amélia Sedley, est une jeune fille insouciante (Amélia vient d'un mot grec qui signifie négligence). Issue de la bonne bourgeoisie, c'est une fille candide, douce, néanmoins égoïste et exclusive lorsque d'autres femmes sont à proximité de son bien aimé, le séduisant George Osborne. La seconde, Rebecca Sharp, est une orpheline, fille d'un peintre sans le sou et d'une artiste de cabaret. En Anglais, « sharp » signifie pointu, péremptoire, ou encore ingénieux. Comme le sous-entend son patronyme, Rebecca est effectivement digne de ces épithètes. Alors que la douce Amélia semble promise à un bel avenir, Rebecca semble destinée à mener une vie de gouvernante effacée et bien rangée, dans un univers qui la méprise et la piétine depuis toujours. Mais notre aventurière, car c'est Rebecca qui oriente la majorité des événements qui se déroulent dans ce chef-d'oeuvre, n'a nullement l'intention de laisser la société décider de la place qu'elle doit occuper : dotée d'une répartie à vous laisser sans voix, d'un charme saisissant, et de talents de chanteuse et de comédienne, Rebecca est bien décidée à user de ses atouts pour se hisser au sommet de la société et se faire un nom aux côtés des personnages les plus illustres de l'Angleterre, quitte à recourir à des impostures ignominieuses. Et voilà comment Thackeray démontre avec génie les travers de sa société. Rebecca, en digne autodidacte, n'a aucun mal à se fondre dans le décor tout en conservant ce charme bien à elle qui la distingue des autres, et identifie rapidement les vices ou défauts d'autrui. Ainsi, le frère d'Amélia, Joseph, est un homme coquet et efféminé outrageusement soucieux de son apparence, le capitaine George Osborne, est un élégant hautain et orgueilleux. Personne n'est épargné. Nous pourrions même dire que le narrateur et Rebecca sont complices, dans la mesure où tous deux raillent et mettent en lumière les travers des autres. Il est vrai que nous pourrions avoir des scrupules en observant les machinations orchestrées par Rebecca pour arriver parmi les puissants. Mais au fond, n'est-elle pas la victime d'une société qui la rejetée depuis l'enfance ? N'est-ce pas la misère qui l'a conduite à déployer toutes ses ruses afin de survivre ? D'une certaine façon, le parcours de Rebecca dans le roman de William Thackeray Makepeace illustre un phénomène assez récurrent en psychologie : le fait que la victime devienne le bourreau de ceux qui l'ont malmenée. Et c'est ce à quoi le lecteur assiste dans La Foire aux Vanités. Rebecca prend sa revanche. Car cette âme tourmentée ne désire rien d'autre que de la reconnaissance, ainsi que du respect ! Et au fur et à mesure que notre anti-héroïne progresse dans son parcours, elle devient de plus en plus impitoyable, et son ambition ainsi que sa convoitise n'en deviennent que plus échevelées. Ainsi notre aventurière s'égare-t-elle au milieu de robes, de joyaux et autres fioritures de pacotille qui l'enivrent. Mais tout n'est pas noir ou blanc : même les personnages les plus avenants, comme Amélia, présentent de mauvais côtés comme l'égocentrisme. À l'inverse, Rebecca et son époux Rawdon peuvent susciter la pitié et l'attachement du lecteur, surtout lorsqu'on découvre à quel point Rawdon se montre généreux et bienveillant envers son fils, ou que Rebecca prend la mesure des mérites du Major Dobbin.C'est le portrait d'une société fondée sur l'apparence qui se révèle sous la plume de William Thackeray Makepeace, au sein de laquelle chacun dissimule ses vices ou ses travers sous le vernis des convenances. J'ai été particulièrement frappé par la relation ambiguë qui s'établit au cours de l'oeuvre entre Rebecca et Lord Steyne, qui, à bien des égards, n'est pas sans rappeler les rapports entre Louis XV et madame du Barry. Tout le monde devrait lire ce roman phénoménal qui demeure brûlant d'actualité, tant les critiques qu'il abrite pourraient s'appliquer à la société de surconsommation dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Car, ainsi que nous le rappelle constamment le titre, la foire aux vanités n'est qu'un château de cartes, vain mirage qui peut s'écrouler du jour au lendemain, emportant inexorablement avec lui ce qui a fait la grandeur de certains.
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Comme c'est bon de se plonger dans un roman classique à l'écriture soignée ( même si je ne peux profiter du texte original, la traduction est élégante)!
Quoiqu'un peu long et avec quelques diversions typiques du 19è siècle, ce roman est effectivement un chef d'oeuvre. L'auteur se permet de porter des jugements sur ses propres personnages, il fait mine de les abandonner à leur triste sort pendant plusieurs chapitres, revient à eux ou jette "un voile pudique" sur certaines péripéties...
Les deux héroïnes - que tout oppose ( naissance, famille, caractère, destin)- se sont rencontrés en 1815, à la veille de Waterloo, dans un pensionnat pour jeunes filles. Rebecca la perfide s'attachera à s'élever de sa condition d'orpheline sans le sou, quitte à mentir et à trahir, tandis qu'Amelia la naïve connaîtra une existence de déchéance. Les personnages masculins semblent fades à côté d'elles!
Tous les personnages sont truculents et je crois que l'auteur s'est beaucoup amusé à écrire ce roman.
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C'est par la série télévisée d'Arte diffusée fin 2019 que j'ai découvert La foire aux vanités : la série était si réussie que j'ai voulu lire le chef d'oeuvre de Thackeray. Disons-le tout de suite, cette lecture a été un régal de bout en bout.

La foire aux vanités met en scène l'ascension sociale de Rebecca Sharp, jolie rousse aux yeux verts, qui a le malheur d'être mal née. Mais cette jeune intrigante possède le charme, l'intelligence et la rouerie nécessaires pour tracer son chemin au milieu d'une société qui tout en étant moralisatrice et prude se montre vaine et âpre au gain.
Rebecca, aussi odieuse que délicieuse, cherche par tous les moyens à s'élever parmi la bourgeoisie et la noblesse qu'elle fréquente. A l'instar de Thackeray, à qui semble-t-il ses lecteurs contemporains ont reproché sa complaisance envers Rebecca, je n'ai pu m'empêcher de l'admirer. A quel trésor de ruse, de séduction et d'artifice ne recoure-t-elle pas pour arriver à ses fins, bluffant toujours son entourage, à commencer par sa douce et timide amie, la jeune Amélia ! Peut-on lui en vouloir de ne pas se contenter d'une petite place de gouvernante et de prétendre à une position plus élevée qui lui apporterait l'argent et le luxe dont elle rêve ? Pourquoi sa naissance devrait-elle la condamner à rester à sa place quand la noblesse qui gravite autour d'elle ne se montre pas forcément généreuse et d'une haute moralité ? En effet, à l'exception de la tendre Amélia et du fidèle et émouvant Dobbin, les personnages de Thackeray sont pour la plupart méprisables et terriblement égoïstes.

J'ai parcouru ce roman victorien avec un immense plaisir, appréciant l'ironie mordante que l'auteur distille tout au long de ces mille pages. J'ai aussi beaucoup aimé les procédés d'écriture de Thackeray qui ose bousculer la chronologie, laissant le lecteur dans l'ignorance de certains faits, afin de le surprendre un peu plus loin par une annonce parfois théâtrale qui ne rate pas son effet ! En narrateur omniscient, Thackeray prend plaisir à baptiser ses personnages de noms très significatifs, à interpeller le lecteur, à jouer avec lui, en lui faisant écouter ce qui se dit derrière une porte fermée, ou en lisant un billet secret par-dessus l'épaule d'un de ses personnages. Sans aucune indulgence pour ses marionnettes comme il les appelle, il se moque souvent d'eux, même des plus pitoyables comme cette pauvre Amélia.

Quelques longueurs et digressions fastidieuses vers la fin du roman, à moins que ce ne soit une petite lassitude et l'envie que cela se termine puisqu'ayant déjà vu la série, je connaissais la fin... Mais cette satire sociale est jusqu'au bout savoureuse et pleine d'humour.

Pour finir, à ceux que la longueur ou le style du roman rebuteraient, je recommande la série télévisée de 7 ou 8 épisodes, que j'ai trouvée d'une grande fidélité à l'oeuvre et aussi d'une grande modernité dans la mise en scène. Mais si vous en avez le courage, lisez ce chef d'oeuvre !

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