AVEC LES BÉDOUINS SUR LES TRACES DE LAWRENCE.
Aventurier-naturaliste et géographe anglais, l'auteur est un des premiers européens à explorer le désert du sud de l'Arabie Saoudite et à en dresser les cartes entre 1946 et 1948. Parcourant ergs et regs à dos de chameau avec une petite troupe armée de bédouins, il partage la vie des nomades et nous fait découvrir leurs moeurs probablement millénaires. Dernier témoignage d'un peuple loyal, hospitalier, endurant et austère, dont les coutumes ont disparu depuis avec les puits de pétrole et les pick-up 4x4. L'auteur nous fait vivre en direct la beauté des paysages, nous fait partager sa soif d'un puits à l'autre, nous donne faim en ne buvant que du lait de chamelle, nous fait trembler pendant les attaques des arabes qui veulent tuer l'infidèle… bref, une vraie traversée du désert en 400 pages. Les noms des tribus et des personnages arabes sont nombreux et difficiles à mémoriser, mais finalement peu utiles à la compréhension globale. En revanche , les cartes sont précieuses pour suivre l'itinéraire. Un document mémorable.
Commenter  J’apprécie         50
L'auteur se veut explorateur. Au travers les missions qu'il sollicite auprès du centre britannique des recherches sur les locustes, il veut être le premier européen à traverser vraiment le désert d'Arabie. Au fil des pages l'auteur décrit longuement les bédouins, les paysages mais ses réflexions et digressions sont omniprésentes et pour le moins dérangeantes. Il craint l'arrivée des progrès des la société post première guerre mondiale sans jamais imaginer les bienfaits ou les résistances qu'ils pourraient générés dans le pays. le livre est empreint de paternalisme même si l'auteur a une vision légèrement éloignée du racisme de l'époque . Je n'ai pas vu grand intérêt à ma lecture. J'ai été très agacée par l'auteur et son ego plutôt encombrant.
Commenter  J’apprécie         60
Seuls les Bédouins sont capables de vivre dans les déserts qui couvrent la majeure partie de l’Arabie. Les autres Arabes se sont installés dans les rares endroits où il est possible de vivre de la culture de la terre. A l’exception de quelques serfs et de la populace de certaines grandes villes, tous ces Arabes sont membres de tribus. La plupart d’entre eux vivent au Yémen, cette fertile région d’Arabie que les Romains appelaient Arabia Felix, et qui est, peut-être, le berceau de la race sémitique. Les Arabes eux-mêmes font une distinction entre les « Arab al Araba », ou Arabes purs, qui prétendent descendre de Qahtan, ou Joktan, et sont originaires du Yémen, et les « Arab al Mustaraba », ou Arabes d’adoption, qui descendent d’Adnan, lui-même descendant d’Ismaël, et sont originaires du Nord. Les spécialistes européens ont confirmé l’existence de deux races en Arabie, les Arabes du Sud, à la tête ronde, et les Arabes du Nord, à la tête allongée ; mais toutes deux vivent en Arabie depuis les premiers âges. Coupés du monde extérieur par le désert et par la mer, les habitants de l’Arabie ont conservé la pureté de leur race. Les pays avoisinants, l’Égypte, la Syrie, et l’Iraq, ont été de grandes voies d’invasion, mais on ne trouve pas trace de pénétration dans la péninsule Arabique. Certes, les Éthiopiens, les Perses, les Égyptiens et les Turcs ont périodiquement essayé d’imposer leur loi au Yémen, à Oman, au Hedjaz et même au Nedjd. Ils ont occupé les grandes villes et se sont lancés, souvent sans succès, dans des guerres intermittentes contre les tribus. Certes, leurs mercenaires ont laissé des descendants dans les villes de garnison, mais jamais ils n’ont mêlé leur sang à celui des membres des tribus. Aucune race au monde ne fait aussi grand cas de son lignage et aucune n’a su garder son sang aussi pur. Bien sûr, dans les villes, en particulier dans les ports, d’autres sangs se sont mêlés au sang arabe, mais cela ne représente guère qu’un peu d’écume sur les rives du désert.
Tout en cheminant, je songeais qu’il n’existait une telle continuité nulle part ailleurs que dans le désert d’Arabie. Ici, des nomades de race sémitique, ressemblant à mes compagnons, avaient dû garder leurs troupeaux bien avant que les Pyramides ne fussent construites ou que le déluge n’effaçât toute trace humaine dans la vallée de l’Euphrate. Sur tout le pourtour du désert, les civilisations qui se succédèrent connurent la grandeur, puis la décadence : les Minéens, les Sabéens et les Himyarites au sud de l’Arabie ; l’Égypte des Pharaons ; Sumer, Babylone et l’Assyrie ; les Hébreux et les Phéniciens ; les Grecs et les Romains ; les Perses ; l’Empire musulman des Arabes, et enfin, les Turcs. Ces civilisations durèrent quelques siècles, ou plusieurs milliers d’années, puis elles s’effondrèrent ; de nouvelles races apparurent, puis disparurent ; des religions surgirent, puis tombèrent en désuétude ; les hommes, tentant de s’adapter à un monde changeant, se transformèrent ; mais dans le désert, les tribus nomades continuèrent à vivre selon un mode et un rythme de vie quasiment inchangés, au cours de ces millénaires.
Nous étions quatre à avancer depuis un mois avec des ressources très modestes - peu d'eau et encore moins de nourriture. L'un de nous a eu la chance de tuer un lièvre. Nous discutâmes longtemps de la manière dont il fallait l'accommoder. Finalement, nous avons trouvé un puits et nous l'avons préparé. Ce fut long et mon impatience allait croissant. Soudain, au moment de s'attaquer au lièvre, nous avons vu surgir quatre Bédouins. Nous les avons accueillis, nous leur avons offert du café et des dattes. Et comme ils n'avaient pas mangé de viande depuis plusieurs mois, le lièvre leur fut donné. Nous n'en avons pas mangé un seul morceau. Pour mes compagnons, c'était normal puisque les nouveaux arrivants étaient nos hôtes.
Ce que je cherchais, à travers les épreuves qu'impose l'exploration des déserts et au contact des peuples qui les habitent, c'est la paix de l'âme. Certes, j'avais assigné un but à chacun de ces voyages, mais il n'avait en soi que fort peu d'importance. (…) Non, ce n'est pas le but qui importe, mais le chemin qu'on accomplit pour l'atteindre, et, plus le parcours est difficile, plus le voyage a de prix. (…) Mon hostilité à l'égard des inventions modernes tient peut-être précisément à ce qu'elles rendent les choses trop faciles. (…) Pour ma part, je n'aurais guère aimé traverser le Désert des déserts en automobile. Heureusement, cela était impossible à l'époque où j'entrepris mes voyages, car franchir les Sables à dos de chameau, alors que cela pouvait se faire en voiture, aurait réduit l'aventure à un simple exploit sportif. ».
Non, ce n'est pas le but qui importe, mais le chemin qu'on accomplit pour l'atteindre, et, plus le parcours est difficile, plus le voyage a de prix. Qui oserait prétendre qu'il est moins exaltant d'escalader une montagne que d'arriver au sommet par le funiculaire ? Mon hostilité à l'égard des inventions modernes tient peut-être précisément à ce qu'elles rendent les choses trop faciles.
Vivant une vie impitoyablement rude, ils sont eux-mêmes sans indulgence pour qui manque de patience, de bonne humeur, de générosité, de loyauté ou de courage. Ils n’accordent aucune circonstance atténuante aux étrangers. Celui qui prétend partager leur vie doit respecter leurs conventions et se conformer à leurs normes. Il faut en avoir fait l’expérience pour se faire une idée réelle des épreuves physiques auxquelles ils sont soumis sans trêve.