Les romantiques ont suivi ici la grande voie classique, ont tourné le dos aux raffinements et aux complexités urbaines, ont pratiqué une poésie à prototype homérique, celle qu'on appelle, de façon bien arbitraire, la poésie éternelle. C'est avec vérité que Jules Lemaître, cherchant la meilleure caractéristique de Lamartine, l'appelle un grand poète aryen : poétiquement il a vécu dans la famille, les sentiments aérés et lumineux, la plénitude solide et saine des fleurs et des fruits, des corps et des âmes. Hugo a resplendi
de santé, de nature exubérante et directe. Il y a dans la poésie de Musset beaucoup moins de corruption et de complexité, que de flot oratoire et de sentiments simples grossis par une belle rhétorique.
Les Fleurs du Mal et les Petits poèmes en prose ont été, comme tous les recueils de poésies, écrits au gré de l'occasion et de l'imagination, mais ces occasions suivaient certaine voie de la fortune, cette inspiration soufflait d'un certain point, le sentiment de la composition artistique survenait pour préciser et compléter cet ordre naturel, et ce n'est pas sans raison que Baudelaire écrivait à Alfred de Vigny : « Le seul éloge que je sollicite pour ce livre est qu'on reconnaisse qu'il n'est pas un pur album, et qu'il a un commencement et une fin. »