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sur 890 notes
C'est décidé : si Zemmour est élu, je fais un article sur cinq oeuvres gangrénées par l'islamo-gauchisme. Il y a de bonnes chances que j'y retouche un mot d'Habibi. En cette époque d'ouverture d'esprit et de pacification du monde, nul doute que le candidat aux oreilles hyperboliques sera ravi de découvrir ce roman graphique de presque 700 pages dressant une fresque somptueuse du monde arabe et de ses traditions.
J'avais repéré Craig Thompson il y a des années avec Blankets que j'espère toujours trouver le temps d'acheter et de lire, tant il touche à des thématiques me parlant profondément. Un autre de ses titres, Habibi, se trouve dans la collection Casterman Écritures et se démarque lui pour son immense amour du détail.
De fait, quand bien même il n'y aurait eu aucun scénario, le livre serait déjà un chef-d'oeuvre. Combien d'années il met à dessiner tout ça ? on se dit à chaque planche. Les pages sont couvertes des arabesques complexes de l'art musulman, de calligraphies arabes, de détails baroques montrant toute la complexité d'une culture méconnue. Et tout ça sans jamais paraître surchargées. La lisibilité n'entrave pas non plus une certaine volonté expérimentale au niveau du cadrage. En clair : voilà un moment que je fais des BD en amateur où les contours des cases sont remplacés par des branches d'arbre, disparaissent, ou prennent des formes bizarres pour accentuer leur dynamique. Craig Thompson fait à peu près la même chose avec des motifs orientaux. Sauf que lui, il dessine bien.
Dans ce Michel Ocelot pour adultes, on suit donc l'odyssée de deux orphelins, Dodola et Zam, qui tentent de survivre dans un pays imaginaire, la Wanatolie, lors d'une période du XXe siècle difficile à situer. Des destins brisés par la violence, la pauvreté, et l'injustice d'un système politique oscillant entre traditionalisme et jungle économique ; il y a un côté très Livre des Nuits, le ton désespéré en moins. Parce que oui, j'aime autant prévenir, c'est quasiment aussi hardcore niveau violence : viols, séquestration, mutilations génitales, pédophilie, prostitution, partouzes et même body horror, rien ne vous sera épargné. Sauf qu'Habibi est un livre traversé par l'espoir, transpercé même, par une lumière unique, illuminé par la sensibilité et la profondeur de ses personnages. On y découvre l'amour d'une femme pour son enfant, puis un récit initiatique autour de la sexualité, et enfin la construction d'un couple dans la tourmente mais décidé à tenir. Il y a un élément particulièrement douloureux sur Zam, autour duquel on se demande sans cesse : Comment il va s'en sortir ?, et qui forme une des sous-intrigues les plus poignantes que j'aie pu lire de toute ma vie.
Et comme si ça ne suffisait pas, le récit se double d'une multitude de mises en abyme retraçant les grandes légendes de l'Orient, souvent des histoires bibliques remixées à la sauce coranique (j'allais dire à la sauce algérienne, mais ça aurait fait une blague de très mauvais goût). Reliées à l'histoire centrale avec un certain sens du raccord, elles font preuve de la grande connaissance de Thompson des religions. Dans sa très bonne (mais trop courte) critique, L'Humanité explique que les traditions montrées ne sont pas uniquement celles du Maghreb et des régions connexes, mais aussi de la totalité de l'Eurasie. J'ai ainsi appris grâce à elle qu'il existait une tradition musulmane en Serbie, et qu'il en subsistait une autre païenne, ce qui n'est pas sans raviver l'intérêt que je porte pour les pays d'Europe de l'Est. Mais surtout, ces histoires possédant la logique du récit folklorique nous permettent d'accepter plus facilement certains codes que reprend le récit général. le mélange entre conte traditionnel et fable naturaliste rend l'histoire encore plus imprévisible, donc encore plus poignante.
Pour ceux qui craindraient le prosélytisme, ce n'est pas vraiment le style de l'auteur. Craig Thompson fait revenir en leitmotiv la pluralité des croyances et les différentes versions contradictoires des grands épisodes des religions abrahamiques. Plutôt que de chercher à convertir à un dogme auquel il ne croit pas de toute façon, il va explorer la richesse de son imaginaire ainsi que celui des mythes païens qui l'ont précédé ; pour en tirer des morales de charité, d'endurance et de bravoure, des valeurs certes traditionnelles dans le monde arabe mais qui possèdent leur part d'universalité. Les musulmans universalistes, je sens d'ici Laurent Wauquiez faire une crise cardiaque ! (Ah zut, j'ai dépassé mon quota de blagues politiques pour cet article…)
Je termine enfin sur la partie érotisme. La tentation était grande de faire une bande dessinée fantasmant une femme orientale hypersexualisée, cavalant cheveux au vent sur des fiers étalons à travers son harem. Autant vous dire que les féministes pro-voile qui dominent dans le paysage du progressisme islamique y préfèrent quelque chose de plus pudique. Dodola est sensuelle, certes. Mais elle est avant tout victime de l'avidité des hommes qui ne voient en elle qu'un objet sexuel et qui ne vont avoir de cesse de l'exploiter. Au lieu de nous montrer les — ahem — choses de la vie sous un jour hédoniste, l'histoire nous dévoile une réalité infiniment plus crue, où le véritable plaisir ne peut s'exercer que dans une intimité loin des multiples traumatismes sexuels. Mais quand il arrive, quel sublime !
(Note du 28/03/23 : Ceci dit, Habibi n'échappe pas au cliché inverse de l'orientalisme, à savoir celui de la femme blanche devant se soumettre à un riche seigneur oriental. Si je pense qu'on peut pardonner à l'auteur d'avoir utilisé l'archétype du sultan tyrannique, déjà présent dans ses sources d'inspiration, en revanche il était franchement maladroit de donner à Dodola des origines européennes. La bande dessinée se rattrape cela dit en montrant que les hommes blancs ne sont pas plus tendres que ceux locaux et capables des mêmes violences et atrocités. Enfin (attention léger spoiler), c'est bien avec Zam que Dodola finira ses jours, un musulman noir bien loin du sauveur occidental qu'on pouvait craindre.)
Habibi n'est pas une oeuvre facile. Les âmes sensibles fuiront bien loin de son épaisse reliure. Mais pour peu que vous en veniez à bout, vous y découvrirez une immense fresque d'émotion palpitante, avec des personnages profonds et une totale maîtrise du 9e art. le tout saupoudré de thématiques féministes, antiracistes et même écologistes, sans jamais rentrer de message au forceps. En un mot comme en cent : ruez-vous dessus, ça fera un très gros plus pour votre culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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Une véritable claque. Chef d'oeuvre du roman graphique, hors-norme de part sa richesse, son épaisseur, son foisonnement. Il peut effrayer mais tout est intelligemment mis en images, bien construit, intéressant. L'auteur y a passé plusieurs années mais le résultat est à la hauteur. On le prends, on le reprends, on est complètement dépaysés, autre monde, autre culture. A conseiller vivement. J'ai adoré également Blankets, beaucoup plus personnel, du même auteur.
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Cette lecture m'a fait beaucoup réfléchir. Je pense que cela est dû, d'une part, à la couverture, faussement douce et intimiste et qui ne laisse en rien deviner ce qui se cache derrière. Je ne connaissais pas l'histoire et avait seulement compris, d'après le titre et le dessin de couverture, que cela parlait d'Orient. J'aurais dû me renseigner, j'aurais été moins surprise. D'autre part, j'avais oublié – Blankets étant déjà loin derrière moi – combien l'univers de C. Thompson perturbait les pensées. Dès la première page, je me suis sentie happée et je lisais comme dans une bulle, sourde aux manifestations extérieures. Sauf que...

Habibi est sombre et nous conte l'histoire désespérée de deux anonymes jeté dans un monde sordide, inhumain et pourri jusqu'à la moelle. La religion, tout comme dans Blankets, est omniprésente. Curieusement, dans Habibi, elle joue un rôle d'intermède apaisant en apparaissant ponctuellement dans l'histoire de Dodola et Zam, franchement terrible, où les aspects les plus abjects de l'âme humaine se mélangent à l'horreur. Certes, il y a de l'amour et de la tendresse, mais sous la crasse, elles ont beaucoup de mal à survivre.

Je salue le travail colossal de l'auteur, impressionnant au niveau artistique (la bande dessinée fait plus de 650 pages), mais aussi au niveau de la recherche. Je me demande combien de temps il lui a fallu pour créer cette oeuvre. Il serait intéressant de réaliser un travail d'analyse sur Habibi, qui regorge de symboles, qui peut être lu selon tout un tas de sens différent, qui traite de l'Orient mais dont l'auteur est occidental... et encore bien d'autres choses.
Lien : http://leslecturesdecat.cana..
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Une bande dessinée très réussie pour moi. le conte que nous raconte l'auteur est plein de poésie, d'amour et de magie. J'ai adoré les graphismes et l'univers de cet album. Un réel coup de coeur !
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Craig Thomson avait marqué les esprits avec la sortie de « Blankets », un récit autobiographique fleuve où il abordait entre autres son enfance et le fondamentalisme religieux. Changement d'ambiance ici avec « Habibi » sorti en 2011. C'est toujours aussi long (plus de 600 pages), mais c'est une fiction se passant dans un pays imaginaire tiré des mille et une nuits à une époque également indéterminée. Les références à la Bible laissent place au Coran. le tout est publié chez Casterman dans la collection Écritures.

« Habibi » est l'histoire d'un petit noir, Habibi (aussi appelé Zam) et de Dodola, une jeune femme arabe. Cette dernière recueille Zam alors qu'il est encore un petit garçon. Elle-même n'est même pas encore vraiment une jeune fille, bien qu'elle ait été mariée. Elle est surtout une esclave en fuite. « Habibi » raconte donc leurs destinées, sous forme d'une grande fable où le pire leur arrive mais où l'Amour finit toujours par triompher.

L'intérêt du livre est basé sur une relation très particulière qui unit les deux êtres. Dodola est à la fois une mère, une grande soeur, une amie… Puis, elle devient une source d'excitation pour Zam qui a bien du mal à supporter ses coupables pensées. La dureté de l'histoire (prostitution, viol, mutilation et j'en passe) donne de la force au propos, sur tout qu'il n'y a rien de vraiment gratuit dans la violence, tout sert l'histoire. le tout s'englobe dans un milieu où le désert est roi et où l'eau vaut de l'or.

A côté de tout ça, Craig Thomson ajoute des passages sur le Coran, les carrés magiques, l'écriture arabe… Ces passages servent à faire des parallèles entre l'histoire des protagonistes et les légendes du Coran et de l'Ancien Testament. Cela donne un aspect onirique à l'ouvrage, mais pour ma part cela m'a profondément gêné. Cela coupe régulièrement la lecture et la narration et on finit par les lire en diagonales pour revenir à l'histoire. L'auteur veut montrer qu'il connaît la culture musulmane visiblement, mais à vouloir être érudit, on en devient pompeux. Surtout que ces pages sont des prétextes à une surenchère graphique (souvent magnifique) qui ne sert guère la narration. Et comme on est devant un pavé de plusieurs centaines de pages, on aurait apprécié quelques coupes.

Concernant le graphisme, c'est simplement splendide. le trait au pinceau est une merveille et la narration est maîtrisée au plus haut point. Certaines planches sont classiques, d'autres beaucoup plus dynamique. Craig Thomson a l'intelligence de ne pas surcharger en permanence mais avec parcimonie, rendant les passages les plus forts d'autant plus impressionnants. Une vraie révélation graphique, dans un noir et blanc des plus remarquables.

« Habibi » est clairement un ouvrage à lire. Puissant par son texte, doté de personnages attachants aux liens si particuliers et parfaitement maîtrisé graphiquement, il vous captivera à coup sûr. Il est dommage que les passages oniriques et les nombreuses digressions n'alourdissent l'ensemble déjà bien fourni en pagination.

Lien : http://blogbrother.fr/habibi..
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L'envie de lire des romans graphiques me manque un peu mais quand j'ai vu Habibi sur les blogs, cette envie est revenue au moins provisoirement. Ce roman graphique de plus de 600 pages raconte l'histoire d'une jeune femme, d'abord mariée à un homme âgé qui est assassiné, puis en charge d'un enfant avec qui elle tente de survivre. Pour lui apporter à manger, elle doit payer de sa personne. Leurs chemins vont se séparer mais ils n'auront de cesse de se retrouver.

Il est très difficile de raconter ce roman graphique qui est à la fois l'histoire d'un homme et d'une femme, un hommage aux Contes des mille et une nuits et un roman graphique qui nous présente les écritures saintes. C'est surtout une superbe oeuvre graphique et esthétique. le plaisir des yeux est bel et bien là. le seul reproche que je lui fais, et qui m'empêche d'aller au coup de coeur, c'est que je n'ai pas été touchée par le couple que forment Dodola et Zam. Mais c'est une oeuvre artistique de grand ampleur que nous avons là.
Lien : http://vallit.canalblog.com/..
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Mlle Alice, pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec Habibi?

"C'est un livre que l'on m'a offert pour mes 30 ans. Ce n'est pas le genre de livre que je me serais moi-même achetée mais parfois on peut avoir de bonnes surprises... ou pas.

Dites-nous en un peu plus sur son histoire...


"On suit le destin de Dodola, une petite fille vendue très jeune à son mari et qui, après sa mort, devra se débrouiller toute seule."

Mais que s'est-il exactement passé entre vous?


"Je ne suis pas fan de tout ce qui tourne autour de la religion, quelle qu'elle soit, je ne peux donc pas dire que les citations du Coran tout au long de l'histoire m'ont enthousiasmée. Quant aux scènes de viols, de meurtres et de désolation, ce n'est pas non plus l'idée que je me fais d'un moment agréable passé avec un livre. Alors vous vous dites peut-être que je préfère nier les horreurs de l'existence mais ce n'est pas le cas. J'y pense tous les jours, j'en vois tous les jours... Je n'ai pas besoin d'un livre pour réfléchir à ces choses-là, j'ai besoin des livres pour m'évader...

Malgré tout ou à cause de tout cela, on s'attache bien sûr beaucoup aux deux héros et on espère sans cesse pour eux que les choses s'arrangent, autant que possible..."

Et comment cela s'est-il fini?


"La fin est un peu abrupte mais plutôt jolie. Je continue malgré tout à me demander pourquoi le livre s'appelle Habibi alors que pour moi l'héroïne c'est Dodola. Dommage que l'auteur, après lui avoir infligé toutes ces souffrances, ne lui ai pas reconnu le droit élémentaire de donner son nom à son histoire."
Lien : http://booksaremywonderland...
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Entrer dans Habibi, c'est pénétrer dans un autre univers où la narration suit le principe du Coran : on peut piocher plusieurs chapitres pour les lire dans l'ordre que l'on souhaite, pour peu que l'on connaisse la signification des lettres arabes. Quand ils sont séparés de force par le destin, chaque personnage vit sa vie dans le complexe de sa sexualité. L'esclavage sexuel pourrait être l'expression qui résumerait bien l'intrigue mais occulterait tout une partie plus joyeuse.

La structure de cette BD est un peu plus complexe que celles que l'on lit d'habitude mais s'y habitue facilement. On commence dans le désert, on finit par une image du désert mais la narration est rythmée par des flashbacks et des changements de narrateur. le fil conducteur est le problème de la sexualité. Un thème fort quand on voit que la totalité de l'intrigue baigne dans les sourates du Coran.
Lien : http://anassete.blogspot.com..
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Si vous n'aviez qu'un roman graphique à lire, ce serait peut-être l'incontournable " Habibi " de l'américain Craig Thompson, un conte onirique époustouflant qui parle avant tout d'amour et du pouvoir extraordinaire de l'imagination et de l'apprentissage. Et plus encore d'écologie, de sexualité, de misère, de religion, de violence et de corruption…

Les illustrations, en noir et blanc, sont précises et fourmillantes, inspirées de motifs orientaux et de styles calligraphiques arabes comme le naskhi.

Un récit dense, un classique à mettre dans sa bibliothèque pour l'avoir sous la main à tout moment !
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Wahou. Grosse claque que ce roman graphique qui m'a transportée dans un autre monde pendant quelques jours...

L'univers décrit est incroyablement riche, que ce soit au niveau du scénario ou des dessins parfois époustouflants, parfois drôles mais toujours remplis de petits détails quand on prend le temps de s'y attarder.

J'aurais du mal à résumer l'histoire : Habibi ne se résume pas, il se découvre in extenso par la lecture. Foncez, sans hésitez !
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