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EAN : 9791030703474
272 pages
Au Diable Vauvert (18/03/2020)
4.33/5   12 notes
Résumé :
“Je n’ai jamais su dire non. Si j’avais été une planche posée sur la mer et qu’on m’avait interdit de flotter, je me serais transformée en caillou pour être capable de couler. Je me suis peut-être noyée au fond de moi.”

Author
Marlène Tissot vit à Valence. Elle a publié poésie, textes cours et nouvelles radiophoniques et a été primée par France Culture en 2019. Voix sans issue est son deuxième roman.
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Une véritable pépite.
Un torrent d'émotions.
Tendez votre main, je suis par terre, le coeur déchiré.

« Je suis habitée par un cri.
Chaque nuit il sort, les ailes battantes. » Sylvia Plath.

Des livres sur la maltraitance et les enfances saccagées, j'en ai lus à la pelle mais celui-ci est à part. Voix sans issue est une pure merveille d'où suintent des émotions extirpées au lasso de l'après l'holocauste.

Entendez par holocauste des années d'abus d'un père sur sa fille Mary. Entendez la peur, la honte et la solitude de Franck frappé et diminué par sa mère tyrannique. Marlene Tissot ne joue pas dans le gore ni le sordide. Non. Elle rend corps et âme à ces deux meurtris à vif. Tout l'intérêt de ce livre réside dans cet après, cet âge adulte où les souvenirs affluent et où il faut tenir debout. Comment ?
Pas de descriptions insoutenables ici mais une précision incroyable dans cette autopsie de l'après. Comment avancer quand l'enfance fut à ce point massacrée ?

Pour Franck, seule la routine le rassure… « Ne jamais ressentir quoi que ce soit pour qui que ce soit. L'empathie crée l'attachement, et si je m'attache, un jour ou l'autre les choses vont se détacher, tomber. Moi, je resterai là, comme un con, debout et inutile. »
Oui Franck, je te comprends. Les sentiments ça fiche la trouille. J'en sais quelque chose.

Pour Mary, entre ses rendez vous avec son psy et les voix qu'elle entend constamment, elle parvient pourtant à cueillir la joie. « Quand quelqu'un me sourit dans la rue, ça me rend plus heureuse qu'un cadeau emballé dans du papier brillant. »
Oui Mary, moi aussi quand on me sourit, je sors de ma torpeur. On n'est pas si invisibles que ça, tu vois..

On dit souvent que deux cabossés de la vie ne font pas bon ménage ensemble, qu'en sera t'il pour Mary et Franck quand leurs ténèbres vont se rencontrer ?

Ce roman sonne juste à tous points de vue. Quand on a trop souffert, il y a des choses qui ne sont plus possibles. Des peurs qui nous habitent nuit et jour.
On ne sera jamais comme les autres.
Libres et sereins.

J'ai aimé Mary, petit bout de femme intelligente, qui veut bien être touchée mais seulement du bout des mots. Qui écoute Pink Floyd afin que la musique tambourine plus fort que ses voix sans issue.
J'ai aimé Franck, son boulot de gardien de cimetière parce que les morts sont plus gentils que les vivants. Ce grand gaillard qui fait peur aux gens parce qu'il a le regard d'une bête cassée, qui aimerait tant que la caissière lui rende son sourire mais personne ne lui sourit. Sauf Mary.

Qui comprend mieux une âme blessée et perdue que l'âme aux contours perlés de larmes…

Une pépite…
Dans mes bras grands ouverts.
L'amour et la peine enlacés.
Un rendez-vous bouleversant.
Dans une nuit qui pleure.
L'enfance perdue.
Aux yeux rouges.
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Mary, violée enfant par son père dans le silence maternel, s'est libérée de cet enfer en coupant le contact avec ses parents. Devenue coiffeuse, elle suit une thérapie pour se réparer de son passé et faire disparaître les voix qui l'habitent encore.
Franck, gardien de nuit solitaire et renfermé, a vécu une adolescence traumatisée sous la domination d'une mère seule et violente. Il a perdu toute confiance en lui et en autrui, jusqu'à sa rencontre avec Mary. La rencontre de Mary et Franck provoque une rupture, un ailleurs, une promesse, peut etre .

Dans le roman de Marlène Tissot, les mères ne sont pas exempts de défauts (silencieuses, complices, folles), les pères encore moins (incestueux, absents). Leurs enfants Marianne devenue Mary et Franck grandissent, s'enfuient dès qu'ils le peuvent et vivotent tels ces êtres fracassés et broyés.

Ces deux anti héros sont ces voix sans issue de cette belle voix fémininine ( Marlène Tissot est surtout connue en tant que poétesse) pour dire l'offense des corps .


Dans ce roman réaliste et poétique, sur le sexisme, la violence mais la survenance de l'amour envers et contre tout, Marlène Tissot , pour son premier roman au Diable Vauvert, embrasse la question de la résilience avec cette dose réaliste de fragilité de glauque et de malchance.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Trois voix habitent ce roman : Mary, presque trentenaire, coiffeuse, violée durant toute son enfance par son père sous le regard indifférent de sa mère. Franck, 37 ans, lui a fui la sienne, violente, instable, dirigiste et est désormais gardien de nuit dans un cimetière lyonnais. Et puis Ian, le petit, l'invisible. 

Mais ces trois voix sont silencieuses, elles ne parlent et n'existent que pour eux et surtout pour Mary et Franck, elles en deviennent tellement obsédantes qu'ils voudraient les faire taire pour ne pas sombrer dans la folie.

Marlène Tissot que je découvre avec ce roman, aborde les blessures de l'enfance, qu'elles soient morales ou physiques, dont les cicatrices ne se refermeront jamais parce qu'inscrites dans la chair et l'âme. Ils vivent en dehors du monde mais pas dans le silence car ils sont habités par ces voix qu'ils tentent de faire taire, comme pour Mary, en se faisant aider par un psychiatre, Edouard, pour se remettre sur la voie de la vie, même si parfois celui-ci emprunte des chemins qu'elle a du mal à comprendre :

"Justement, on vient ici se vider les boyaux de la tête, et vous êtes censé nous aider à tirer la chasse, non ?" lui ai-je rétorqué. (p51)"

C'est un récit dans lequel les parents oublient, abandonnent, maltraitent ceux qu'ils devraient protéger et ceux-ci vivent ensuite dans un monde peuplé des fantômes du passé, où ils se noient de différentes façons pour faire taire les pensées et souvenirs de leurs enfances saccagées :

"Les morts sont moins dangereux que les vivants. Et je me suis habitué à traîner au milieu des fantômes. Parfois, je finis presque par me croire immortel. (p110)"

Tous les moyens sont bons : l'alcool, les médocs, la lecture, le silence de la nuit. C'est un mal invisible aux autres mais qui les ronge petit à petit, les entraînent vers le fonds.

Tour à tour leurs voix silencieuses, je devrai plutôt dire leurs pensées, prennent la parole et avouent ce qui pourrit leurs vies d'adultes, les isole, quand, dans le passé, les mères soit crient soit se taisent, quand les pères sont soit trop présents soit absents, où elles cherchent celui ou celle qui saura les écouter, les reconnaître comme frère ou soeur d'une même souffrance :

"Je ne suis pas le genre de personne à laquelle on s'attache. Je n'ai jamais eu d'ami. Quelques relations superficielles ou professionnelles. Des amants, des maîtresses. Rien de sérieux. Je suis un mur sur lequel la tapisserie ne colle pas. (p132)"

C'est une lecture qui me laisse un goût amer non pas par l'écriture ni la construction mais parce qu'elle aborde la maltraitance de l'enfance sous des formes diverses, l'abandon, le silence ou la résignation des parents et comment ces enfants devenus adultes continuent leurs routes, tentent de vivre à défaut de guérir. C'est dur et violent comme peut l'être la vie pour certains mais avec l'espoir quand une main ou une voix ouvre une issue possible. Je ne l'ai pas lâché pour savoir s'ils allaient trouver, enfin, une issue de secours, une main tendue.

Avec des phrases courtes qui claquent parfois impitoyablement, rythmées comme des vers d'un poème ou d'un haïku mais dont la puissance réside dans le gâchis des vies broyées et non dans la beauté du monde, une construction s'appliquant à ne lever que peu à peu, le voile sur ce qu'ils cachent du passé de chacun de ses personnages même si l'on les devine parfois au bord du précipice, l'auteure aborde les maux de familles où l'amour n'a pas la définition que l'on croit, où être parents n'a pas le sens que l'on pense.

C'est une plongée dans les tréfonds des âmes, où tout espoir n'est malgré tout pas perdu, où la volonté de vouloir tirer un trait sur le passé mais sans le nier se veut la plus forte, le tout dans un style mélangeant le parler vrai, direct sans concession comme peut l'être les voix de ces enfances abîmées.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Au pays des mères toxiques, absentes, violentes, et des pères incestueux ou inexistants, comment peut-on se reconstruire ?

Mary entend des voix qui lui parlent sans cesse, pas seulement celle de son doudou quand elle était petite, mais de nombreuses autres qui lui disent ce qui est bien ou mal. Il faut dire que Mary, on le comprend vite, a appris le silence lorsque son père venait lui dire bonne nuit, soir après soir, sa main sur sa bouche pour qu'elle se taise pendant qu'il cherchait tout au fond d'elle. Pendant que sa mère restait assise devant la télé pour ne rien voir, ne rien entendre. Mary a fui ce couple toxique. Aujourd'hui, coiffeuse dans une petite ville, fragile encore, elle essaie de se reconstruire. Mary la lumineuse, légère et tourbillonnante, entre folie et résignation, entre envie de vivre et désespoir, joyeuse parfois, aussi sereine qu'inquiète à d'autres moments.
Franck est grand, athlétique, ni beau ni laid, gardien de nuit au cimetière. Il est un peu désespéré de voir que personne, pas même la caissière, ne lui sourit jamais. Franck heureux lorsque le vieux Joseph lui allume le chauffage dans le réduit où il va passer la nuit. Heureux qu'on ait pour lui des attentions, lui qui n'a jamais connu l'amour d'une mère ni celui d'un père. Car de père il n'en a pas, en tout cas sa mère ne lui en a rien dit. Et de sa mère, si douce et aimable en dehors du foyer, combien de coups a-t-il reçu, combien de mots, de violence, combien de douleurs impossibles à oublier et qui vous détruisent à jamais.
Jusqu'au soir où, sans savoir comment, Mary téléphone à Franck pour qu'il l'aide… Une rencontre entre deux écorchés de la vie pour un nouveau départ ?
Un roman pour dire la douleur et la violence, pour dire le silence des mères, leur fuite devant les responsabilités, leur violence aussi. Pour dire la souffrance face à un père pédophile incestueux ; pour dire la fuite, la reconstruction maladroite, le courage d'affronter sa vie en quittant les siens, seul face à ces voix qui vous hantent, face à ses souvenirs, à sa détresse, mais armé de courage pour avancer, craintif, maladroit, méfiant, plein d'espoir pourtant.
Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2020/05/10/voix-sans-issue-marlene-tissot/

Lien : https://domiclire.wordpress...
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Un début qui fait mal, qui donne des coups au corps, au coeur, à l'âme.
Un début qui viole, un début qui frappe, qui vous vrille le ventre.
Les mots sont directs et vrais, les actes violents et terrorisants.

Ici le cauchemar ouvre le récit, ça bouscule dès les premières lignes, sans ménagement mais très progressivement ça glisse vers plus de douceur et de tendresse par la réunion de deux voix aux cris aphones qui ne demandent qu'à être comprises et délestées du poids insoutenable d'un passé trop violent. le genre de passé toxique qui vous colle à la peau, celui qu'on voudrait fuir mais qui s'acharne et s'agrippe, pour toute une vie, sans pitié; le genre de passé qui laisse des traces indélébiles: la solitude pour se protéger des prédateurs pervers et humiliants, des pensées meurtrières, la difficulté profonde à éprouver des sentiments et à être touché, l'incapacité à réaliser que l'Autre puisse être porteur du bonheur, l'alcool, le mensonge pour cacher la vérité honteuse...

Deux coeurs et deux corps, ceux de Mary et Franck, trop souvent théâtres de la violence au cours de leur enfance, se protégeant chacun à leur manière du monde extérieur et continuant à souffrir de l'indicible douleur. Deux corps et deux coeurs jusqu'ici vivants sans l'être tout à fait…

Mais la littérature et Marlène Tissot ne sauraient les laisser seuls et rongés par ces souvenirs acharnés. Car ce roman est aussi celui d'une rencontre fortuite et inespérée, offrant des passages plus lumineux, guidant ces deux âmes encore maladroites et apeurées vers la résilience pour trouver enfin une issue à leurs voix jusqu'ici étouffées et silencieuses.

Un roman à deux voix, percutant, écrit avec sensibilité et vérité, capable de brutalité mais aussi de douceur, à l'image du parcours de vie de ces deux personnages résolument attachants.

Deuxième roman de Marlène Tissot avec une très belle couverture colorée mate et brillante mêlant des mains qui se cherchent comme celles de Franck et Mary.

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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
On n’appartient jamais qu’à soi. Ni à un conjoint, ni à une mère. Surtout pas à une mère. Je t’ai dans la peau, ils disent. Foutaises ! La peau ne se partage pas, c’est un costume bien trop étroit pour deux personnes.
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Je ne suis pas le genre de personne à laquelle on s'attache. Je n'ai jamais eu d'ami. Quelques relations superficielles ou professionnelles. Des amants, des maîtresses. Rien de sérieux. Je suis un mur sur lequel la tapisserie ne colle pas. (p132)
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Je n'ai jamais eu envie de punir papa. Juste envie de le tuer.
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'Parfois, je dois me faire violence pour sortir le nez de mon livre et rejoindre les allées de gravier. Il s'y passe rarement grand chose alors que dans les livres c'est un univers sans cesse renouvelé."
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Les morts sont moins dangereux que les vivants. Et je me suis habitué à traîner au milieu des fantômes. Parfois, je finis presque par me croire immortel. (p110)
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