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Anna Gibson (Traducteur)
EAN : 9782264032317
278 pages
10-18 (20/07/2005)
3.78/5   25 notes
Résumé :
Chaque été, le juge Eamon Redmond quitte Dublin avec sa femme pour la petite ville de Cush. Là où la mer et le vent semblent avoir le dernier mot, il vient oublier les hommes, et leurs déchirures entre croyances, justice et engagement. Du moins le croit-il. Car si certains souvenirs échappent à la mémoire comme s'effondrent sous la poussée des eaux des pans entiers de la falaise, d'autres résistent à l'érosion. A travers la conscience d'un homme, Colm Toibin explore... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je viens de relire avec bonheur ce deuxième roman de Colm Toibin, écrit en 1992 et traduit en français en 1996 (publié en grand format chez Flammarion, réédité en poche chez 10-18). Découvert début 1997, c'est l'un des premiers romans irlandais que j'ai lu, et avec « la Ville des ténèbres » de Dermot Bolger et « Les Renards de Pierre » de Molly Keane, il a cette année-là scellé définitivement ma passion immodérée pour les lettres irlandaises.

Eamon Redmond est juge à la Cour suprême d'Irlande, proche de la retraite. D'emblée, Colm Toibin campe le décor : le roman débute par la dernière journée d'Eamon avant les vacances estivales, une journée au tribunal durant laquelle il rend un jugement épineux. le soir il prendra directement la route pour sa maison de Cush dans le comté de Wexford, avec sa femme Carmel. Les grands axes de la vie d'Eamon sont tous là : son travail, le comté de Wexford, Cush, sa femme.
Tout au long du roman, Colm Toibin fait alterner les chapitres, avec fluidité et beaucoup de talent, un pour l'adulte, un pour l'enfant. Il y a toujours un lien, un souvenir, on retourne l'été suivant à Cush, on repart à d'autres étés là-bas, les bains de mer de maintenant, ceux d'alors, l'épouse est souffrante, le père lui aussi, il y a longtemps...On découvre à mesure comment et pourquoi l'homme est devenu ce qu'il est maintenant.
Le style d'écriture est calme, précis, détaillé, comme la personnalité d'Eamon. Plus le roman avance, plus il prend de l'épaisseur, et plus on découvre l'histoire de l'Irlande.

En fait, au coeur de ce roman trône la métaphore de l'érosion. Celle, visible, des falaises de Cush, au bord desquelles Eamon et sa femme reviennent tous les étés passer leurs vacances, dans la maison où Eamon a passé beaucoup de son enfance. Au fil des ans la terre est grignotée, les maisons finissent une à unes par tomber sur la plage en contrebas.
Et celle, lente, intérieure à Eamon, des certitudes qui lui ont été inculquées dans son enfance. Une enfance en totale symbiose avec l'histoire du nationalisme irlandais ; son père était professeur d'histoire et d'irlandais, militant au Fianna Fail (le titre du roman, "The Heather Blazing" en version originale, est inspiré d'une chanson sur les United Irishmen, que la famille du père d'Eamon chantait à Noël). Il a été élevé dans le culte du patriotisme qui privilégie le dévouement au bien public, et la conformité à des idéaux imposés à toute une nation.
On vit avec Eamon les pertes, les amours, les combats, les réussites, l'acharnement passionné au travail. Et tandis que la société change, le pays évolue, se revendiquent le droit aux libertés individuelles et à la recherche du bonheur personnel, l'ancien enfant de choeur ne croit plus en Dieu, le juge ne sait plus très bien si les textes de loi, à l'heure actuelle, sont justes ou pas...

J'ai trouvé ce roman tout aussi captivant à la relecture, vraiment intéressant et bien dosé. J'adore Colm Toibin !
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La vie du juge Redmond peut se résumer en quelques mots: indépendance, principes, engagement mais aussi solitude. Colm Toibin nous raconte la vie de ce juge dont l'enfance de fils unique, orphelin de mère tout à sa naissance, a été marquée par la figure paternelle, celle d'un professeur austère, militant pour l'indépendance irlandaise. Les étés étaient rythmés par les vacances à Cush, au bord de la mer. Les chapitres alternent les étapes de formation de l'enfance et de l'adolescence d'Eamon Redmond et sa vie d'adulte, de juge qui approche la retraite et se souvient. Les correspondances entre le passé et le présent sont fortes : les mêmes baignades estivales, la présence de la famille, la même maladie qui a frappé et frappe le père et l'épouse du juge, la place de la lecture, l'influence de la religion. A l'instar de la falaise qui s'effrite d'année en année, les convictions morales évoluent avec la société irlandaise, marquée par la puissance de l'Eglise. de même, le juge (qui appartient à une génération à qui on n'a jamais appris à parler de ses ressentis) ne trouve pas les clés pour communiquer émotionnellement avec sa femme et ses enfants devenus adultes. le corset de ses habitudes va se fissurer petit à petit, notamment à l'approche de la mort.

Ce deuxième roman de Colm Toibin prend son temps, ne donne pas de clés explicites sur la personne du juge Redmond, il laisse pour cela une grande place à la nature, à la mer, au sable, au vent qui balaie la côte irlandaise et ses bruyères. Au temps qui creuse intérieurement les fondations d'un homme.


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Quel beau roman...Eamon est juge à Dublin, Réservé, plutôt taciturne, particulièrement méticuleux, parfaitement compétent, et reconnu comme tel à la Cour suprême, il passe ses vacances avec son épouse sur la côte irlandaise. Solitaire, il semble distant à ses proches, peu expansif, il paraît froid voire glacial. Tout l'art du romancier consiste à nous permettre de rencontrer cet homme, depuis son enfance solitaire, avec son père qui l'élève seul, dans le contexte politique fragile des années 50 d'une Irlande catholique divisée, la rencontre avec Carmel, la maladie des proches. La maladie de Carmel fait écho à celle de son père, sa réserve naturelle le rend souvent maladroit avec son entourage. Mais Monsieur Redmond, comme j'ai aimé partager ces heures avec vous. Et comme j'aime votre Irlande, les averses et les nuages, le soleil et le vent, le parfum des embruns et celui de la terre, la fraîcheur de l'eau et la thermos de thé... Encore un grand livre, monsieur Toibin.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
La plupart des questions soulevées par cette affaire étaient d’ordre moral le droit d’une éthique à prévaloir sur celui d’un individu. Au fond, on lui demandait de juger de quelle manière il convenait de mener sa vie dans une petite ville. Il sourit intérieurement à cette pensée et secoua la tête.

En travaillant à son jugement, il se rendit compte plus que jamais qu’il n’avait pas de fortes convictions morales, qu’il avait cessé de croire à quoi que ce fût. Mais au moment de le rédiger, il veilla à n’en rien laisser paraître. Ce jugement était le seul qu’il pût rendre : il était pertinent, bien argumenté et surtout, il était plausible.

Il retourna à la fenêtre et resta un moment à regarder dehors. Comme il était difficile d’être sûr ! Ce n’était pas seulement cette affaire, et les questions qu’elle soulevait à propos de la société et de la morale, c’était le monde dans lequel ces choses se produisaient qui le mettait mal à l’aise, un monde dans lequel des valeurs opposées vivaient si près les unes des autres. Lesquelles pouvaient à juste titre prétendre à être défendues ? (p. 107)
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Il sortit un stylo-bille d'un tiroir et se mit à gribouiller sur un bloc de papier. Qu'y avait-il au-delà de la loi ? Il écrivit le mot "loi". Il y avait la justice naturelle. Il écrivit ces deux mots et leur accola un point d'interrogation. Au-delà, il y avait la notion de bien et de mal, les deux principes qui gouvernaient tout le reste et qui venaient de Dieu. "Bien" et "Mal" ; il écrivit ces deux mots, les entoura de parenthèses et inscrivit à côté, en lettres capitales, le mot "Dieu".
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Il était impatient de raconter à Carmel ce qu'il avait vu. Il pensa au moment où il la reverrait, fit quelques pas, puis se rendit compte, tandis qu'une douleur lente le submergeait, qu'elle était morte, qu'il n'aurait pas l'occasion de lui raconter la scène dont il venait d'être témoin.
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- Vous pouvez prendre un apéritif maintenant, dit Carmel. Martini, vin blanc, vin rouge, sherry, gin tonic. Cathy, qu'est-ce qui vous ferait plaisir ?
- On se croirait sur le continent, dit Donal, à manger dehors comme cela. On se croirait en Italie.
- Attends que le tracteur de Frank Murphy soit passé, dit Eamon, et tu sauras que nous sommes bien à Cush.
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Eamon sentait que s'il levait son verre, il ne pourrait pas le tenir sans trembler. Plus tard, peut-être, il trouverait l'occasion de parler au frère seul à seul et de lui demander : comment étaient-ils ? Comment était sa mère ? La conversation avait repris autour du temps qu'il faisait et des récoltes et de la maison de Mike, mais lui ne pensait qu'au vieil homme assis en face de lui et il ne pouvait s'empêcher de désirer savoir quelque chose, un détail, n'importe quoi, concernant son père et sa mère. Il se demandait comment il pourrait poser une question qui parût détachée, comment l'interroger sans montrer à quel point cela le touchait.
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