Extrait d'une communication faite à l'Académie Florimontane «
Rodolphe Töpffer, un humoriste bienveillant. » le passage suivant concerne la nouvelle « Le col d'Anterne ».
« Dans une lettre à
Sainte-Beuve, le Genevois
Rodolphe Töpffer (1799-1846) se présente comme un maître d'école qui a écrit, et non comme un écrivain qui accessoirement écrirait.
Directeur d'une pension, il emmène chaque année des élèves en voyage de découverte, à travers la Suisse, la France, l'Italie, la Savoie (qui fait alors partie du royaume Piémont-Sardaigne).
En juin 1830 , le voyage scolaire conduit Töpffer et ses pensionnaires, de Servoz à Sixt (villages de l'actuelle Haute-Savoie), en franchissant le col d'Anterne (2200m). Pris dans une tourmente, vers le sommet, le groupe ne doit son salut qu'au sang-froid du guide Félisaz, à sa parfaite connaissance de la montagne.
Dans la nouvelle, même itinéraire, même guide Félizaz , et une tempête surviendra, mais le narrateur est un célibataire qui voyage seul. A l'auberge de Servoz, son point de départ, il croise un Anglais, qui dit-il «est très distingué, car il ne me rendit point le salut que je lui adressais en passant. C'est chez les Anglais bien élevés un signe de bon ton, d'usage du monde.»
L'Anglais a retenu le seul guide disponible, Felisaz, un chasseur de chamois.
Töpffer engage la conversation et essaie de négocier avec l'Anglais:
«Y aurait-il de l'indiscrétion, monsieur, dans le cas où je ne pourrais me procurer un guide, à vous demander la permission de m'associer à vous, en payant le vôtre de moitié?»
«Uï, il y avé de l'indiscréchon.»
Töpffer n'insiste pas.
Le soir au souper, il constate que l'Anglais n'est pas seul, il est accompagné de sa fille, «belle, éblouissante de fraîcheur, et ses manières présentaient ce mélange de grâce et de raideur qu'on retrouve souvent chez les jeunes anglaises.» Bref, Töpffer tombe amoureux. »
L'Anglais se montre odieux avec le guide qu'il traite de «stupid», de fourbe car le guide veut partir tôt, le lendemain (il craint un changement de temps), alors que l' Anglais veut attendre que le ciel se dégage.
Comme l' Anglais paie, le guide cède à ses exigences.
Voilà la caravane en route pour le col, avec le guide, Milord et sa fille montés chacun sur un mulet, un autre mulet pour les bagages et Töpffer qui suit, à pied.
Soudain le temps tourne, un vent violent se lève, et bientôt la tempête les prend à revers; impossible de faire demi-tour.
Le guide libère les mulets et entraîne son groupe dans une rampe très raide, un raccourci. Ils enfoncent dans la neige. Epuisé, l'Anglais s'écroule: «Laissez-moi et sauvez mon enfant. !» Le guide et Töpffer le portent, l'encouragent. Coup de gnôle pour tout le monde.
Soudain, la jeune Anglaise, saisie par le froid s'évanouit. Töpffer la porte dans ses bras et le groupe arrive enfin à un chalet couvert de tavillons (nos tavaillons).[« tuiles » de bois].
Avec des tavaillons secs, le guide allume un feu...On fait sécher les vêtements. le guide se sert de son couteau et des tavaillons pour fabriquer des semelles de bois. de l'autre côté du col la neige porte et le groupe arrive sans encombre à Sixt avant la nuit.
L' Anglais, métamorphosé, invite Töpffer à souper. le guide se joint à eux. Milord porte un toast en son honneur et lui glisse quelques pièces d'or.
L' Anglais hautain, désagréable, antipathique est devenu humain, reconnaissant, généreux.
A la séparation, coup de blues de Töpffer:
«Le lendemain nous nous séparâmes. La journée me parut longue, la route ingrate. Que dirai-je de plus? Cette jeune miss, je l'avais portée dans mes bras; pendant quelques instants sa vie, ses grâces, sa beauté avait été l'objet de ma sollicitude vive et tendre: en fallait-il davantage pour que, bien des jours encore je trouvasse ingrats tous les lieux où elle n'était pas?»