Les conditions de base au fonctionnement du modèle d'assimilation - confiance en soi et acceptation de la part des nouveaux venus de la légitimité de l'ascendant culturel de la société d'accueil - ne sont plus réunies. Elles se sont affaiblies conjointement par renforcement mutuel. Le manque de confiance de la société française lui vient de l'histoire sanglante des deux guerres mondiales et d'une décolonisation douloureuse. L'autodénigrement qui s'en est suivi n'a pas incité les nouveaux venus à montrer un respect et une envie tels à l'égard de la France et des Français qu'ils s'en seraient trouvés poussés à composer et à adapter leurs cultures et modes de vie. Ils y ont été encouragés par des élites chantant les louanges des cultures et traditions venues d'ailleurs et invitant les natifs au carré à faire preuve de tolérance et à s'ouvrir à l'Autre. C'est là une position morale qui n'engage guère ces élites, protégées qu'elles sont du contact avec le monde ordinaire. Satisfaites par le modèle méritocratique qui n'entrave pas leur reproduction, elles restent en dehors du champ de leurs propres préconisations.
Les catégories populaires ne forment plus la cible privilégiée de la gauche. C'est un électorat perdu dont Terra Nova, un groupe de réflexion proche du PS, a proposé à la gauche de se séparer définitivement afin de se tourner vers un électorat plus composite, jugé plus ouvert au progrès, dont « les minorités » sont l'une des composantes. C'est un retournement qui a au moins le mérite de clarifier un abandon des catégories populaires qui ne date pas d'hier. C'est désormais la modernité qui sert de ligne directrice à cette nouvelle gauche, ce qui revient à accompagner les évolutions en cours.
La démographe, spécialiste dans les questions d'immigration, est l'invitée du «Talk Orange-Le Figaro».