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EAN : 9782895967149
196 pages
Lux Éditeur (04/05/2017)
4/5   8 notes
Résumé :
A l'aube du XXe siècle qui sera celui des Etats-Unis, marginaux, ingouvernables et tous ceux qui n'entrent pas dans le jeu de la prospérité mènent une vie dangereuse.

Ils sont harcelés par les policiers de toute sorte, expédiés en taule par les juges, lynchés par les bons citoyens. En prison, écroués pour avoir voyagé ou mangé sans payer, pour avoir trop bu ou pour avoir tué, les vagabonds du rail et autres délinquants devenus oiseaux en cage raconte... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Rédigé en 1930, « Ombres d'hommes » est le quatrième et avant-dernier volume du Cycle des bas-fonds (1924-1931). TULLY y reprend les ingrédients des tomes précédents : parcours de miséreux, de cabossés de la vie, mais ici il donne la parole à ceux qu'il a croisés en prison, lors de ses propres détentions dans différents États des U.S.A.

Curieusement, il y est peu question de la vie de prisonniers, mais plutôt de celle d'avant l'incarcération. Les destins de certains hobos notamment, jetés en prison pour un larcin parfois mineur, entassés, agglutinés. En prison les bagarres ne sont pas rares, les vengeances non plus. Mais dans ce livre, ce sont plutôt des anecdotes hors les murs, contés par des hommes alors libres et prêts à tout pour survivre et conserver cette liberté. « Devant nous, c'était la liberté. Mais nous ne pouvions dire à quelle distance ».

Les hobos sont considérés comme des êtres inutiles à la société. Et pourtant, ils font circuler les actualités d'un bout à l'autre du pays à une vitesse prodigieuse (nous sommes aux tout débuts du XXe siècle, ne l'oublions pas), en voyageant gratuitement, clandestinement, sur des trains de marchandises, puis se mêlant aux gré de leurs escales aux populations locales. Dans ce tome ils prennent la parole, avec cette langue argotique, populaire, celle des rues sombres, rendue divine par le talent de Jim TULLY.

Ce Cycle des bas-fonds est dans sa totalité et sa complémentarité un miracle de la littérature, il est de ces immenses fresques qui marquent longtemps, en l'occurrence celle des oubliés de la distribution, des sans voix pour lesquels TULLY est le porte-parole. Ces histoires du dehors, de ces jungles (campements) de hobos que l'auteur connaît parfaitement.

Comme toujours chez TULLY, défilent des portraits d'éclopés du parcours de vie, tous plus majestueux et gouailleurs les uns que les autres, dans une Comédie humaine des pouilleux et des nécessiteux. Ainsi, ce pyromane un brin perché, ou encore ce frère Jonathon, prêtre prisonnier par accident, un lettré. Mais aussi mégalo, hypocrite et menteur, qui fabrique un élixir de vie, solution buvable censée amener le bonheur sur terre. Il y a du CHAPLIN chez TULLY (il fut d'ailleurs son collaborateur pour le tournage de « La ruée vers l'or »), les vagabonds sont rendus merveilleux, humains, libres car sans attaches mais avec un amour de la vie qui leur fait partager leurs émotions.

Les anecdotes fourmillent, ont toutes leur place. Les jours de pendaison d'un condamné à mort, la ville est en fête, le spectacle garanti. Mais le personnage principal de ce volume est peut-être la drogue. Pas mal de prisonniers sont sous son emprise et racontent avec force détails leurs hallucinations, eux, ces « enfants échoués sur les rives de la vie » qui se raccrochent à un paradis artificiel. « Les cigarettes de muggle de Hypo étaient marinées dans l'alcool et trempées dans le parfum. Une seule cigarette pouvait affecter son cerveau pendant six heures. Sa vision en était distordue et il voyait tout flou. Des mirages de beauté et de terreur lui dansaient devant les yeux. Il était pris de fous rires aux moments les plus inopportuns. Cela pouvait même le pousser à se croire mort et il se mettait alors à caresser un codétenu qu'il prenait pour une femme incapable de voir un mort ».

TULLY abhorre l'injustice faite aux hommes, aussi il prend ici par ses écrits la défense d'un homosexuel victime de la vindicte populaire (en 1930, le sujet était toujours tabou et les clichés nombreux). Il fait jouer l'esprit de solidarité, même s'il sait qu'au fond, dans ce monde de la rue, le chacun pour soi est aussi une manière de survivre. Ce livre est peut-être moins drolatique dans ces scènes exubérantes, sans toutefois devenir sobre. Mais il y a un fond de tragédie, une vie vue par un homme qui a quitté ce milieu et qui s'essaie à devenir un autre. L'humanisme de TULLY est palpable. le dernier et magnifique chapitre est consacré à la pendaison d'un prisonnier, il est bouleversant : « Ça n'a rien de réjouissant d'envoyer un homme dans l'au-delà ». L'exécution publique est minutieusement décrite, elle ne laisse pas de marbre.

« Ombres d'hommes » est paru en France chez Lux éditeur en 2017, accompagné d'illustrations de circonstance de William GROPPER, des années 1930.

https://deslivresrances.blogspot.com
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
En prison, l'homme se révèle comme nulle part ailleurs. C'est un monde au système nerveux détraqué et dont la majorité des citoyens est analphabète et instable. Les gardiens, et souvent les juges, sont au même niveau mental. La vengeance, sœur jumelle de l'ignorance, a toujours été l'esprit qui anime les prisons.

Les jeunes apprennent les voies du crime dans les maisons de correction et les prisons. Ils imitent ceux qui, très tôt dans leur vie, les ont impressionnés.
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D'une nature émotive mais autodidacte du stoïcisme, Blink fixa le juge d'un regard impassible. Le garçon originaire du Sud regardait les menottes brillantes qui nous enchainaient les uns aux autres.

Il avait un regard perdu. C'était la même expression que celle que j'avais vue dans les yeux des garçons, lors leur premier jour à l'orphelinat. Je devais la retrouver plus tard dans les yeux des hommes sur l'échafaud. Comme si le chaos luttait pour se faire entendre.
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À cette époque de famine et de tempête, je détestais la routine autant que maintenant, et chaque personne rencontrée semblait prendre un malin plaisir à vouloir m'y faire rentrer, sous l'une ou l'autre de ses formes. Mais chaque fois, ma tête dépassait. Bright Eyes était un gentleman né et ne s'était révolté qu'une fois dans sa vie. D'un an plus jeune que moi, il était beaucoup plus sage. Il savait d'instinct ce que j'ai mis de nombreuses années à apprendre : qu'il ne sert à rien de lutter contre le destin - que, dans le fond, ça ne change pas grand-chose. Soit on y arrive, soit on y arrive pas, et souvent le pur-sang se fait couper les jarrets à mi-course. La vie est plus grande que ses philosophes. Bright Eyes savait cela.
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