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EAN : 9782373852363
320 pages
Les éditions du Sonneur (23/09/2021)
3.72/5   9 notes
Résumé :
Précurseur du roman noir américain, Jim Tully a toujours revendiqué sa singularité et sa liberté, qui l’ont mené de la misère du Midwest aux fastes d’Hollywood. Dans Du sang sur la lune, il raconte son parcours tumultueux, entre orphelinat et trains de marchandises, rings de boxe et usines – en passant régulièrement par les maisons closes.
Un récit palpitant et haut en couleur dans lequel Jim Tully rend hommage à ceux qui furent des années durant ses compagno... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Cinquième et ultime opus de son « Cycle des bas-fonds », ce récit autobiographique revient sur les jeunes années de Jim Tully (1891-1947), depuis ses cinq années de séjour à l'orphelinat St. Joseph jusqu'à sa décision de raccrocher les gants pour devenir écrivain. Il dresse de vivants portraits des personnes qu'il côtoie et rencontre, non pas « comme un entomologiste étudie un insecte au bout d'une épingle » : « J'étais l'un d'eux. Je le suis toujours. Je peux sentir l'amertume de leur vie dans le pain que je mange aujourd'hui. »
Dès sa sortie de l'institution, il travaille pendant dix-huit mois chez Boroff, « un fermier cinglé », « un menteur, un tricheur et un quasi meurtrier », qui l'oblige à faire les foins sans chaussures. Son grand-père, Hughie Tully, imposante figure familiale, jamais avare d'anecdotes, lui append « l'art de raconter des histoires dans les bars » et le marque profondément, notamment par ses conseils : « Alors, crois-moi, mon gars, crois-moi jusqu'à ta mort : travaille jamais d'tes mains, même si tu crèves d'faim. Crever d'faim ou travailler d'ses mains, y a pas d'différence. » Aussi décide-t-il de « tailler la route » et, rapidement, assimile le jargon, les us et coutumes des vagabonds. Il apprend le pire « trop précocement » et devient « savant dans un tas de domaines qui n'en valaient pas la peine ». Pendant sept ans, il mène « une vie d'errance, toujours en partance ou à destination de Chicago, le moyeu de la roue du hobo. »
Il parcourt « plus d'trois mille bornes sur les essieux d'un train » pour rencontrer Chlorine, après que Coffee Sam, « un artiste de l'arnaque à la monnaie » dont seul la moitié des revenus provenait de la vente du café et des sandwichs, lui ait dit qu'elle était la plus belle femme qu'il ait jamais vue. Elle était « la reine des dynamiteuses » au saloon de Paddy Croan, c'est à dire qu'elle percevait cinquante pour cent de l'argent qu'elle arrivait à faire débourser aux consommateurs.
Il côtoie aussi le Grand Slavinsky, l'empereur de la magie, et apprend de Joe Gans les fondamentaux de l'art pugilistique. Jim Tully déroule ainsi une impressionnante galerie des personnages, attachants ou déroutants : une poignée de prostitués, un bourreau, de nombreux compagnons de route, Moses et Scotty, deux yeggs vieillissant, Josiah Flynt qui le convainc d'arrêter de vagabonder.
« Déterminé à quitter la route, je fis plusieurs tentatives – souvent en vain. Pendant des semaines, je vécus dans une sorte de transe. le démon du voyage est une fièvre qui brûle jusqu'au plus profond de l'âme. » Après sept ans de voyage, il décide de devenir chaînier pendant quelques mois, pour se fixer, spécialisé dans les maillons biseautés, expérience qu'il raconte longuement, puis, lucide sur sa haine du labeur physique, qu'il partage avec son grand-père, il essaie de s'en sortir par la boxe, commençant même à se faire un nom sur les rings, tout en fréquentant une bibliothèque, où la responsable, Elva, l'encourage à écrire : « Je pense que vous y arriverez, dit-elle calmement. Vos émotions sont en constante ébullition. Vous devez les contrôler. Vous aurez besoin de perspective, de détachement. »

« En me repenchant sur mes vingt premières années, je n'étais fier que d'une chose : l'inflexible détermination avec laquelle j'avais laissé le trimard derrière moi. Je n'avais aucune des illusions habituelles de la jeunesse. Je savais que je ne serais jamais président des États-Unis. Des deux côtés de ma famille, je descendais d'ivrognes barbares pétris de superstition et aussi illettrés que des oies. Les vastes royaumes de la connaissance et de la beauté m'étaient fermés. »


Alors que le nom de Jack London s'impose partout, il considère pouvoir mieux parler de la route que lui, y ayant passé plus de temps, aussi décide-t-il de tenter sa chance : « J'écrirai ou j'crèverai de faim ! ». Dix ans plus tard, son premier livre était publié. On ne peut que le féliciter de cette résolution. Son récit autobiographie tient autant de la littérature que du matériel sociologique : des tranches de vie à l'état brut.

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« du sang sur la lune » de 1931 clôt le Cycle des bas-fonds, cinq livres autobiographiques déclinés en romans de vie. Jim TULLY réalise la prouesse de passionner son lectorat durant cinq tomes. Celui pour qui la littérature était une écriture vécue a réussi son pari : devenir écrivain après avoir passé six ans en orphelinat puis sept sur la route (les rails plutôt) avec ses amis hobos, vagabondant au gré des destinations de trains de marchandises. Ce dernier tome est comme un travail de synthèse du cycle.

« du sang sur la lune » est un récit de souffrance, un vrai, rien n'y est fictif, tout ce que TULLY raconte, il l'a vécu ou entendu de la part de ses camarades de route et de déroutes, il l'a subi dans son enfance, notamment dans cet orphelinat catholique à la mort de sa mère. Il y fut, comme tant d'autres, battu, fouetté, puni. Recueilli par un fermier, il découvre le travail physique, harassant, inhumain. Il finit par quitter cet environnement toxique pour revenir près de son grand-père adoré, irlandais émigré et haut en couleurs dont il a fait le portrait dans « Les assoiffés » de 1928.

Mais « du sang sur la lune » n'est pas qu'un récit brut et sans fioritures, il peut-être aussi une occasion de réfléchir : sur l'âme après la mort, sur les femmes, sur la vie faite d'illusions, sur le sens du travail salarié, sur la vie en général.

Dans les quatre tomes précédents, TULLY s'était focalisé sur une image précise, un sujet principal : la vie des hobos dans « Vagabonds de la vie » en 1924, son expérience dans un cirque (« Circus parade » en 1927), les racines irlandaises de sa famille et plus intimement un portrait émouvant de son grand-père Hughie dans « Les assoiffés » (1928) ou encore la vie des bagnards dans « Ombres d'hommes » en 1930. Ici il synthétise le tout, faisant de ce livre un concentré des précédents appartenant au cycle.

TULLY a cette force : il ne s'approprie pas le récit qui est pourtant une sorte d'autobiographie, il donne la parole à celles et ceux qu'il a rencontrés tout au long de son parcours chaotique de jeunesse, il les laisse s'exprimer, il n'est que le transmetteur de leurs errances, même si bien sûr les siennes propres en font partie intégrante, il désigne les raconteurs d'histoires. En fin observateur doté d'une bonne mémoire, il retranscrit, certes. Mais il a ce génie de réécrire ces histoires fort d'un style gouailleur de l'oralité de la rue, ses excès, y compris dans l'invraisemblance de certains témoignages. Il fustige l'autorité, la bourgeoisie, il fait partie de leurs adversaires, ceux pour qui la recherche de liberté n'est pas un vain mot, ceux avec lesquels il s'associe brièvement pour survivre, sans argent, sans bien ni rien, sans toit ni loi.

Le récit est ponctué d'extraits de chansons, de poèmes ruraux. Les vagabonds avec lesquels il se lie brillent par leur caractère trempé, leur vécu. Ces révoltés sont peints avec drôlerie mais humilité, les bagarres et arnaques, nombreuses, sont détaillées, il est impossible de mettre en doute la véracité du fond même si la forme est exubérante.

Le jeune TULLY, encore hobo, part à Chicago avant Noël pour y retrouver une femme que pourtant il ne connaît pas, mais un ami la lui a décrite d'une manière si savoureuse qu'elle est devenue son obsession. Là, il va connaître le monde de la prostitution (il y reviendra dans son roman « Belles de jour »), agrémenté, encore et toujours, des figures incroyables de certains des protagonistes : Coffee Sam, Slavinsky le magicien escroc, Gans le boxeur. Car c'est là aussi qu'il découvre l'univers de la boxe (qu'il décrira plus en détail dans « le boxeur ») dans lequel il ne va pas tarder à briller. Pour un temps seulement.

« Je n'avais aucune attache, aucun espoir ». Aphorismes implacables enrichissant le texte. TULLY ne se raccroche à rien, il vit au jour le jour, aidé par l'alcool et les rencontres improvisées, s'accoquine avec des prostituées qu'il respecte, qu'il admire en un sens. de temps en temps il décroche des petits boulots. À l'usine il vit ses premières grèves. L'usine le marque si l'on en croit son récit qui s'y arrête longuement, qui s'attarde sur des termes techniques, précis, loin de l'ambiance qu'il a su imposer avant ces scènes.

Passionné de littérature, TULLY s'essaie à ses premières poésies, le récit s'achève sur ses premiers pas dans la boxe. Il a un peu plus de 20 ans, il possède déjà plusieurs vies derrière lui, fort d'une expérience ahurissante. « du sang sur la lune » tour à tour pétille, angoisse, sanctifie la démesure, la débauche, puis la condamne ou l'excuse. S'il est en partie un livre prolétarien, il ne faut surtout pas le limiter à cette définition, car il est bien plus que cela, il est un instantané de la vie des miséreux dans les Etats-Unis capitalistes des débuts de XXe siècle, il en est une fresque ahurissante, ainsi que tout le Cycle des bas-fonds, une claque monumentale dont on a du mal à se séparer sitôt qu'on a mis le premier doigt dans l'engrenage.

Les éditions du Sonneur, coupables de ce présent roman, le sont aussi du reste des précédents volumes du Cycle des bas-fonds, excepté pour « Ombres d'hommes » paru en 2017 chez Lux. « du sang sur la lune » achève donc le cycle, il est paru au Sonneur en 2018. S'il n'en est pas le tome le plus intense, il en est néanmoins l'aboutissement, presque le résumé. le Cycle des bas-fonds est une expérience de lecture unique et colossale dans la somme des petites anecdotes contées et personnages rencontrés. Et paradoxalement (ou peut-être grâce à cela), il est un véritable hymne à la Vie et à la Liberté. Il est magnifiquement préfacé et traduit par Thierry BEAUCHAMP.

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Dernier volume du cycle des bas-fonds, Jim Tully – pionnier du hard-boiled – raconte sans fard ce qu'il a vécu et vu, de son enfance jusqu'au moment où il se mettra sérieusement à l'écriture : l'orphelinat, sa période hobo, son travail de chainier en usine, son expérience de boxeur.
Vagabondant dans tout le pays, sautant d'un train à l'autre, il décrit l'Amérique d'en bas en ce début de 20ème. Il passe 7 années à se cacher dans des wagons, à dormir avec  des clochards, à éviter les flics du rail, à mendier des repas par des portes dérobées, à côtoyer les prostitués et à hanter les bibliothèques publiques. Quand il quitte la route c'est pour travailler comme fabricant de chaînes ou pour s'essayer à la boxe. Au fil de ses errances, il rencontre toute une galerie de personnage dont il dresse le portrait et j'ai eu notamment grand plaisir à retrouver Hugh Tully, le mémorable grand-père irlandais, déjà croisé dans « Les assoiffés ».

Et pendant tout ce temps, lui qui aspire à devenir écrivain et à ne pas se laisser piéger par l'absurdité d'une vie laborieuse, transforme ses souvenirs en une chronique sombre et étonnante des déclassés et de ceux qui ont choisi de vivre en dehors du système.
« Du sang sur la lune » c'est encore une fois la Comédie Humaine à la sauce Tully, c'est-à-dire avec son style brut, direct, sans filtre et avec son extrême franchise.
Un récit autobiographique où la rudesse et l'iniquité du monde nous explose en pleine face mais qui pourtant se lit en sentant souffler un grand vent de liberté.

 Traduit par Thierry Beauchamp
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En me repenchant sur mes vingt premières années, je n’étais fier que d’une chose : l’inflexible détermination avec laquelle j’avais laissé le trimard derrière moi. Je n’avais aucune des illusions habituelles de la jeunesse. Je savais que je ne serais jamais président des Etats-Unis. Des deux côtés de ma famille, je descendais d’ivrognes barbares pétris de superstition et aussi illettrés que des oies. Les vastes royaumes de la connaissance et de la beauté m’étaient fermés. Les frères de ma mère étaient pour la plupart à moitié dingues, et la majorité des membres de ma famille paternelle étaient des crétins irlandais doués pour les mots d’esprit. Ma mère avait des coups de déprime qui duraient des jours, pendant lesquels elle s’abstenait sagement de parler à son mari ou à ses enfants. J’avais hérité de ses sautes d’humeur et de ses silences, ainsi que du sang sauvage d’Irlandais à demi fous qui coulait en moi de deux rivières. 
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J'étais l'un d’eux. Je le suis toujours. Je peux sentir l'amertume de leur vie dans le pain que je mange aujourd’hui.
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En me repenchant sur mes vingt premières années, je n'étais fier que d'une chose : l’inflexible détermination avec laquelle j'avais laissé le trimard derrière moi. Je n'avais aucune des illusions habituelles de la jeunesse. Je savais que je ne serais jamais président des États-Unis. Des deux côtés de ma famille, je descendais d'ivrognes barbares pétris de superstition et aussi illettrés que des oies. Les vastes royaumes de la connaissance et de la beauté m’étaient fermés.
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- Les choses sont jamais aussi mauvaises qu’on l’croit. Si t’étais pas ici, tu serais ailleurs; et si t’étais pas ailleurs, tu serais mort; et si t’étais mort, tu serais en enfer - ce qui pourrait bien être aussi pourri qu’ici.
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Déterminé à quitter la route, je fis plusieurs tentatives – souvent en vain. Pendant des semaines, je vécus dans une sorte de transe. Le démon du voyage est une fièvre qui brûle jusqu’au plus profond de l’âme.
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