Je suis toujours aussi perplexe face à l'évolution de la série, mais je ne peux nier que la rupture scénaristique opérée est forte et le nouveau paradigme engagé encore plus parlant quand on le met en parallèle de notre actualité.
Surprise pas de poursuite linéaire de l'histoire après la tentative d'assassinat du Pape dans le tome précédent et le sauvetage par un Ami qui venait de ressusciter. Non, à la place l'auteur nous emmène dans un futur qui ressemble en tout point à son passé. Hyper déstabilisant.
Après une longue replongée dans le passé de Fukube et Sadakiyo où
Urasawa s'attarde sur la psychologie dérangée du premier, on revient dans un présent chamboulé où le dit passé explique bien des choses. C'est fascinant de voir cette improvisation, c'est comme ça que je le ressens, s'étaler ainsi sous nos yeux. L'auteur agrège sans cesse des éléments et thématiques désormais au centre de son oeuvre pour sans cesse la faire progresser et grossir dans une direction inattendue tel un ballon difforme pris d'inflation.
J'ai ainsi été sombrement fascinée par la folie qui point dans le jeune Fukube et se matérialise dans des plans plus foireux les uns que les autres, un syndrome du tyran qui s'en prend aux plus faibles qu'il cible, mais également un côté obsessionnel jusque dans ses paroles et ses écrits. Ça fait froid dans le dos. Et si c'est jouissif à lire, cela manque aussi cruellement de réalisme pour moi et me sort un peu de l'histoire, alors qu'avant j'avais trouvé une vraie finesse dans l'écriture du passé et de l'enfance de nos héros.
C'est un peu pareil pour la suite. Je suis fascinée par le rendu des conséquences du retour d'Ami et de son sauvetage du Pape, mais en même temps ça va tellement loin, que c'est trop pour moi, et que ça manque de réalisme, ce qui me fait à nouveau sortir de l'histoire. En effet, qui peut imaginer un tel revirement aussi rapide ? Certes, vous me direz vu l'actualité, on pourrait le penser, mais moi non. Cependant, je trouve fascinant les mécanismes qu'il a imaginé pour plonger dans le jeu malsain d'Ami. La société dictatoriale et régressive qu'il a imaginée fascine. Il nous la présente en plus de manière hyper immersive en suivant un nouveau duo qui va peu à peu nous faire retrouver les anciens. C'est très bien pensé.
Naoki Urasawa est donc fascinant en tant que conteur et inventeur d'univers. Il condense ici tout ce qu'il a mis en place sur sa passion pour l'enfance, mais également sur sa plongée dans les psychologies complexes des personnages pour mettre en scène une histoire humaine et politique sombre et torturée mais pleine d'espoir. La folie narcissique d'Ami fait peur, son monde d'après qui ressemble à une mauvaise copie du monde d'avant fait froid dans le dos, mais on aime sentir ce souffle de la résistance porté toujours par des figures héroïques.
20th Century Boys est définitivement une série qui surprend et pousse à la réflexion. Même quand elle utilise des éléments qui ne nous convainquent pas totalement, elle parvient à nous accrocher et nous fasciner, nous donnant envie d'aller toujours plus loin pour voir justement quelles seront les limites de cet univers régressif totalitaire qui peut tellement faire écho au nôtre. Une grande oeuvre malgré ses défauts.
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