Monu M. Uwodi se demande quelles sont les points de recoupement entre philosophie et africanité, celle-ci étant "un outil conceptuel qui permet d'appréhender ce qui est commun aux différentes civilisations africaines".
Après avoir parcouru l'histoire et la notion d'identité africaine, le texte propose une explication des liens entre rationalité et philosophie africaine, ou plutôt l'explication de l'incompatibilité de ces termes. Pour l'auteur, "l'Africain est fondamentalement religieux", si bien que les croyances, le poids des conventions de sa culture et la magie noire l'enfoncent dans ses racines et son intériorité et l'empêche de s'"extérioriser", c'est-à-dire de rechercher l'objectivité nécessaire à la rationalisation en ce qu'elle implique l'argumentation. En parallèle, les intellectuels se forcent éperdument à tâcher de définir une africanité de la philosophie, ce qui achève de ruiner les possibilité d'une pensée universelle au profit d'une philosophie culturelle, ramenée à une forme de littérature descriptive d'une identité figée et séculaire qui se cherche dans le passé comme une pépite à découvrir et à exhiber là où la philosophie serait au contraire une quête de ce qui est à venir, une projection de la pensée dans l'avenir par l'étude de la condition humaine, où qu'elle soit.
Pour ces raisons, la pensée africaine rejette ce qui se nomme en Europe philosophie pour la raison que cette forme de pensée, "européenne", ne serait pas africaine, oubliant que
Platon ne travaillait pas davantage pour l'Europe que pour l'Afrique. La pensée ne s'extériorise donc pas, refuse de s'appuyer sur des supports élaborés au dehors de l'Afrique et refuse, donc, la rationalité au profit de la pensée religieuse.
La conclusion est un appel à la lucidité des intellectuels africain des enjeux africains contemporains immenses (politique, sécurité, identité, développement économique, etc.) et les incite fortement à les prendre en charge et à les thématiser plutôt que de laisser la pensée s'enfermer dans une intériorité africaine soi-disant perdue ou pervertie qu'il faudrait ressusciter.
Il m'a semblé que cette analyse rejoignait assez les revendications, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, de la philosophie analytique de s'imposer comme une philosophie "native", c'est-à-dire qui n'aurait rien à emprunter à la philosophie soi-disant "continentale", c'est-à-dire "européenne". La propension à nationaliser ou à "culturaliser" la pensée est finalement un réflexe qui semble ainsi assez répandu.