Pour tous ses dessins, Victor Hugo a d'ailleurs toujours employé des procédés de facture bien personnels et peu compliqués ; il s'est généralement servi des outils usuels de l'écrivain : l'encre noire ou violette, le papier écolier et la plume d'oie mise en double usage, par le bec pour les contours et les traits principaux, et par les barbes trempées dans l'encre et promenées horizontalement ou verticalement pour donner les effets de lourds ciels d'orage ou les horizons balayés par la pluie. Parfois on voit que ce large barbouilleur de génie a estompé du doigt ses taches d'encre, tandis que ses dessins, une fois secs, ont été repris, salis avec des ocres naturelles, du jus de café noir, ou bien éclairés de pointes de vermillon qui mettent une lueur diabolique dans l'enfer de ses interprétations sinistrement nocturnes.
a publication en volume du dernier roman de Zola, la Débâcle, voilà l'événement littéraire du mois. On connaît le sujet choisi par l'historien des Rougon-Macquart : l'effondrement de la France impériale, la défaite et l'humiliation de la patrie, le triomphe arrogant et implacable des étrangers, les convulsions d'un peuple qui, sous le talon du vainqueur, se déchire de ses propres mains. Je ne sais si on trouverait ailleurs qu'en France un écrivain pour faire ainsi de sa plume un scalpel et procéder longuement et minutieusement à l'autopsie de son pays massacré.
De toutes parts on se plaint de la médiocrité dans les œuvres de l'esprit. Sculpteurs, peintres, graveurs, musiciens, poètes, prosateurs ont, comme on dit, le métier dans les doigts. Jamais on n'a tant produit ; jamais ce qu'on produit n'a été si uniformément bien ; jamais l'ensemble des productions d'art ne fut si fade et si écœurant.
Au milieu de la foule sans cesse accrue des artistes et des hommes de lettres, à peine en est-il quelques-uns, isolés et épars, qui aient l'originalité et la force de ne pas marcher dans les empreintes d'autrui.
Un nouveau volume des œuvres posthumes de Victor Hugo vient de paraître; il est intitulé : En voyage ; France et Belgique, et il forme la suite des Alpes et Pyrénées, précédemment publié. De tous les ouvrages de ce génie superlatif et prodigue dont nous avons vu mettre en vente plus de huit volumes inédits depuis sept ans, celui-ci est le plus familier, le plus reposant, le plus intime.
"La fin des livres" d'Octave Uzanne