Un roman dont la matière centrale est ... l'écriture d'un roman. Svistonov, le personnage écrivain, n'a rien à dire/écrire de particulier. A quoi bon puisqu'il dispose du talent nécessaire pour écrire un livre à partir de rien; ou plutôt à partir de ses observations quotidiennes des personnes qu'il fréquente et qu'il transforme illico en matière littéraire, en marionnettes livresques, en un inquiétant processus de déshumanisation.
Rappelons toutefois que ce roman fut écrit en 1929, en pleine montée de la terreur stalinienne, et que cette perte du sens met en lumière la réalité contrainte des écrivains russes en cette époque, condamnés à ne rien dire qui puisse déranger les autorités. Une clé indispensable à la compréhension de cet ouvrage singulier - qui fut rapidement interdit.
"Il sentait qu'autour de lui tout se raréfiait de jour en jour. Les lieux par lui décrits se transformaient en terrains vagues, les gens qu'il avait connus perdaient à ses yeux tout attrait."
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"Comme cela fait longtemps qu'André n'a plus plus écrit de vers ..." pensa-t-elle, puis elle déplaça l'échelle et atteignit les cahiers de Svistonov; et là elle se figea sur l'échelle, son chiffon à la main.
Elle feuilleta les cahiers de poésies qui avaient été considérées comme incompréhensibles, puis par la suite trop compréhensibles ; elle y trouva une mèche de ses cheveux, des fleurs séchées ; les poèmes et les fleurs avaient flétri, mais pour elle seule leur flamme brûlait encore.
A franchement parler, il n'avait rien à dire-écrire. Il prenait simplement un individu et le reproduisait. Or, en en fonction du talent qu'il avait, et comme il n'y avait pour lui aucune différence entre vivants et morts, et comme il possédait un monde d'idées bien à lui, tout apparaissait sous un jour bizarre et donnait une impression de jamais vu.