« Je n'ai
pas une goutte de sang français mais la France coule dans mes veines. »
Romain Gary
Mise en exergue de l'ouvrage, cette citation a de quoi interpeller.
Gary – Valls, deux époques à la « lie » si différente !
Gary aurait-il eu le même frisson d'identité face aux guets-apens qui bafouent le vivre ensemble de notre société actuelle ?
Hannah Arendt, citée par Valls, parlait déjà dans «
La Crise de la culture » (Gallimard, 1961) d'un « effondrement plus ou moins général, plus ou moins dramatique de toute autorité traditionnelle ».
L'ère de l'enfant-roi prenait son envol.
Quelques décennies après, tout concourt à contester l'autorité, dans un monde où la mondialisation fait disparaître les frontières, met en cause la souveraineté nationale, malmène la pérennité du modèle social et accentue les peurs globales.
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Il n'est pas né français, il l'est devenu.
Fils du peintre espagnol Xavier Valls – un nom catalan répandu - s'étant installé en France en 1949, Manuel voit le jour à Barcelone le 13 août 1962, au coeur des vacances d'été.
Jeune homme, il n'aura de cesse de déposer ses repères, des balises, comme les cailloux du Petit Poucet peut-être… mis bout à bout, ces pointillés forment un hexagone.
Il reconnaît être un médiocre joueur de foot, plus à l'aise dans les gradins.
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L'Homme est plus froid qu'un glacier blessé.
« J'aimerais crier mon inquiétude, trouver les mots justes, le bon ton. Question de génération – je suis trop corseté pour renverser la table. Je l'avoue,
Greta Thunberg m'inspire le respect, même si elle vous engueule plutôt qu'elle ne vous parle. »
Ce n'est pas un marrant.
Lui qui a été enfant de choeur et a lu les Évangiles, s'il aime toujours visiter les églises, s'il est encore sensible à la solennité des grandes liturgies, il est aujourd'hui un homme sans foi; ce qui ne signifie pas qu'il a cessé de douter, ni de s'interroger… Son engagement politique n'a pas apaisé ce désir profond de spiritualité. La franc-maçonnerie non plus, son passage y a d'ailleurs été très bref.
L'homme se cherche. Son bouclier, c'est la laïcité.
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À défaut de mythologie familiale, je me suis fabriqué un imaginaire personnel à travers les livres.
Je reconnais, à la lecture de son ouvrage, une immense culture et un art affirmé pour le beau discours.
Mais qui l'écoute ?
La plupart des jeunes députés de la République en Marche me témoignent du respect, celui qu'on réserve aux vestiges préhistoriques.
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J'ai eu la toute personnelle impression durant ces deux cent pages d'une longue complainte, celle des pleureuses accompagnant une vie passée… oubliant qu'à la maison d'autres s'activent aux fourneaux pour construire le monde d'après.
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« Barcelone Paris. Partir revenir. »
Manuel Valls a quitté la France en 2018, détesté par son propre camp, insulté sur les réseaux sociaux, pris à partie dans la rue. Il a connu l'ivresse de la popularité et la douceur des honneurs avant d'éprouver la brutalité de la chute. En Espagne, il est parti retrouver la paix, le bonheur de vivre, la lumière du soleil sur la Méditerranée. Trois ans plus tard, il vit toujours à Barcelone mais la France lui manque, et il y revient de plus en plus régulièrement.
Lui, le fils d'une Suisse-Italienne et d'un Espagnol, naturalisé à vingt ans, le républicain de gauche, l'admirateur de
Romain Gary qui, comme lui, estimait que la France « coule dans ses veines », a cherché les raisons de son attachement à un pays auquel il a consacré toute sa vie d'homme public. Une chapelle, un glacier, une librairie, un mémorial,
Gérard Depardieu, Vianney ou les Badinter, il a tenté de mettre des mots sur l'amour d'une patrie. Parce qu'il a souffert en la voyant attaquée, parce qu'il s'est battu contre celles et ceux qui, à ses yeux, en dénaturent les valeurs. Ceci n'est pas un livre politique. Ceci est le récit d'un cheminement vers la réconciliation.
Une écriture riche et intéressante qui témoigne d'une curiosité sans cesse aux aguets.
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