Didier van Cauwelaert est un auteur niçois de presque 60 ans ayant écrit une quarantaine d'opus, romains et essais confondus, et quelques scénarii. Il est notamment connu pour le Goncourt qu'il a gagné en 1994 avec
Un aller simple, un livre dur mais marquant sur le sort des émigrés sans papier qui tentent la traversée de la mort.
La bienveillance est une arme absolue est son dernier ouvrage, paru en octobre 2019.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le concept de bienveillance est très – pour ne pas dire trop – à la mode. Hyper galvaudé, sur-employé, il en devient tarte à la crème. Et pour peu que vous trainiez avec deux-trois coachs et/ou que vous lisez quelques magazines de psychologie (ou des magazines féminins), il en devient un terme que l'on ne supporte plus. Pourtant, bien évidemment, c'est un joli concept qu'il ne faut pas perdre de vue, même s'il est clamé haut et fort, à tort et à travers, dans les organisations, les relations, les familles etc.
Lors d'une soirée de dédicaces d'écrivains, j'ai rencontré
Didier van Cauwelaert. L'écrivain est de prime abord très sympathique et ouvert à la discussion. Je lui dis que j'avais un blog de critiques littéraires, que j'ai très peu lu ses livres (à part deux d'entre eux dont le Goncourt), et lui demande s'il veut bien poser pour une photo avec le logo du blog entre les mains, en lui rappelant que même s'il est sympa d'accepter, je ferai une critique franche de son essai. Il a accepté tout de suite et a souri pour la photo, en me répondant du tac-au-tac : « C'est ça la bienveillance ». Je suis donc repartie avec un a priori très positif sur l'auteur, et je garde ce souvenir en tête, en dépit du fait que je n'ai pas du tout aimé cet ouvrage. J'en suis bien désolée, j'aurais pourtant tant aimé !
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Comment dire les choses sans être maladroite ?
Ce livre est composé de 28 chapitres, 268 pages.
Les 14 premiers chapitres sont inutiles.
Didier van Cauwelaert nous retrace des moments clefs de sa vie qu'il assimile à de la bienveillance, mais cela est particulièrement ennuyeux. Chaque chapitre n'est qu'une succession d'anecdotes, sans jamais aucun argument. J'ai du mal avec les essais qui n'argumentent pas et qui considèrent l'exemple comme valeur d'argument. Ici, tout est tiré par les cheveux, rien ne se tient, on ne comprend pas le rapport avec la bienveillance, c'est systématiquement une gymnastique mal orchestrée pour retomber dessus. Mais pire encore, du moins il me semble, tout est très égocentré. C'est lui, lui et encore lui. Pas d'anecdotes qui arrivent aux autres. Si jamais autrui apparaît dans le livre, c'est sous forme de name-dropping à la limite parfois du trop ostentatoire, donc du ridicule : « Avec mon très grand ami
Michel Legrand »,
Jean Anouilh,
Frédéric Dard,
Jean-Claude Brialy,… Je ne peux même pas lister l'ensemble des noms cités dans l'ouvrage car il y en a un nouveau environ toutes les 3 pages ! Je ne dis pas que
Didier van Cauwelaert n'a pas plein d'amis, qu'il ment ou qu'il n'est pas sincère dans ses relations ; je dis juste que cette profusion de noms médiatiques dessert complètement son propos : on a l'impression qu'il place ses potes et se gargarise de sa vie, dans un livre où manifestement le sujet doit se situer ailleurs. Bref, 136 pages où l'on s'ennuie ferme et où l'on se demande pourquoi aller au bout ? Très honnêtement, s'il ne m'était pas apparu sympathique la semaine d'avant, j'aurais refermé illico presto ce livre, j'en ai des dizaines qui m'attendent et pas assez d'une vie pour lire tout ce que j'ai envie de lire.
A partir du chapitre 16, donc de la page 136 précisément, le niveau monte légèrement en gamme, même si on n'est toujours pas dans le sujet et que les ramifications vers la bienveillance sont malgré tout bien douteuses.
Que se passe-t-il donc ?
L'auteur arrête de nous parler de sa vie et se fonde sur des travaux « scientifiques » pour démontrer l'existence de la bienveillance des animaux, des extraterrestres, de Dieu, des bactéries, etc. Enfin le name-dropping s'arrête et à défaut de rentrer dans un essai, on lit au moins une bonne revue de presse de ce qui se fait dans la recherche sur des sujets du type : le pouvoir de la pensée sur la matière, des énergies sur les bactéries,… Je dois admettre que certaines recherches citées me laissent perplexe : elles sont probantes à lire mais en fouillant sur internet, on réalise qu'elles sont assez controversées, voire discréditées.
Mais dans cette seconde partie, plus réussie que la première j'en conviens, toujours pas d'argument de la part de l'auteur qui tourne en rond pour tenter de nous démontrer que la bienveillance peut sauver le monde.
Bref, un livre qui n'est ni un essai ni un roman, qui n'est absolument pas abouti, pas probant, pas particulièrement bien écrit. J'avoue que ma déception a été grande et je trouve que
Didier van Cauwelaert a beaucoup de chance d'avoir pu le publier, quand on sait le nombre de bons essais refusés par les éditeurs chaque année.
Jo la Frite
PS: Avant de poster cette critique, je me suis demandée si elle était malveillante, auquel cas je ne la publierai pas. J'ai pris soin de vérifier dans le dictionnaire ce que signifiait réellement bienveillance: disposition favorable à l'égard de quelqu'un. Je garde une disposition favorable à l'égard de l'auteur que j'ai trouvé gentil et chaleureux. En revanche, je reconnais que je ne suis pas disposée à parler favorablement de cet ouvrage, j'ai beau cherché, je ne vois pas vraiment ce qui pourrait le sauver à mes yeux à part peut-être ceci: le choix du sujet ! Parce que dans le fond je suis bien d'accord avec une chose: la bienveillance est une arme intelligente. Mais pas facile d'utilisation.
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