"A chaque fois que je regarde un feu, je me dis la même chose. Que les premiers souvenirs sont toujours des feux de camp entre gamins et que les vieillards, à la fin de leur vie, tirent des fauteuils devant les cheminées pour s'en rappeler."
Nous sommes deux rêves qui gardent un souvenir l'un de l'autre.
- Les Indiens ne se serrent pas la main, peut-être la seule chose que nous aurions dû apprendre de vous. Malheureusement, tellement de mensonges ont été scellés par une poignée de main que nous sommes devenus réticents à cette tradition.
Sa tête tomba en arrière dans la main de l'homme. Les muscles du cou ne la soutenaient plus, Arthur sentait le crâne peser dans sa paume. Elle le regardait toujours.
Trop jeune pour arriver à partir en paix ; la peur, plus forte que tout, de crever seule sans savoir pourquoi.
- Je peux rien faire pour toi, petite.
Son coeur battait encore et elle le suppliait, avant qu'elle ne puisse plus entendre, de dire quelque chose. Bowman approcha sa main de son visage. La jeune fille, voyant les doigts se poser sur ses yeux, eut un sursaut de panique.
- Chhh. C'est pas moi qu'il faut regarder. Faut pas avoir peur. C'est ton moment, petite. Respire. Y a plus rien d'autre. Juste encore un peu d'air.
Son corps se détendit. Sa poitrine se souleva lentement, puis Arthur sentit sur sa main l'air expulsé de la bouche, un petit souffle tiède, qui s'arrêta(...)
La première bataille dans une guerre, c'est de savoir attendre.
On ne peut pas échapper à ce qu'on est et qui on était. C'est une illusion de croire qu'on pourra changer. On fait fausse route mais on n'en a pas d'autres à suivre.
Fuir le sommeil n’était plus possible. Bowman tournait en rond, luttant contre les souvenirs qui pullulaient sur son ennui comme les vers sur une gangrène. Les douleurs des cicatrices revenaient, son dos se voûtait, ses jambes pliaient sous son poids quand il marchait jusqu’à China Court, serrer les poings lui faisait mal. Bowman n’avait pas compris à quel point la routine, cette discipline quotidienne depuis cinq ans qu’il travaillait à la brigade, le faisait tenir debout.
- Qu'est-ce qu'on peut dire à quelqu'un qui va crever?
(...)
- Quand on meurt, on est seul. Le reste, c'est des conneries.
Le siège de la Compagnie était un bâtiment arrogant, mais pas un palais ni un fort. Des bureaux, des actionnaires, des administrateurs et leurs clercs. Regardant passer dans le hall ces employés zélés, Bowman eut un sourire mauvais. Il était le seul à porter ici le véritable uniforme de la Compagnie. Parce qu'il fallait bien, au bout des bras de l'East India étendus sur le monde, des doigts sales comme le sergent Bowman pour amasser ses richesses.
- Parce qu'une bagarre, c'est comme une guerre : faut connaître le vainqueur pour savoir qui avait raison de se lancer dedans. Et que parfois c'est celui qui voulait pas se battre qui gagne. Alors c'est lui qui avait raison.