Incroyable littérature italienne qui nous offre autant de romans aussi sensibles que brillants .Dans une société déjà outrageusement patriarcale et sous le joug des regards et commentaires des commères , comment faire pour masquer la terreur qu'impose " gueule d'ange " sous le regard d'enfants médusés ? Et comment , pour l'enfant lui même échapper au destin familial ? L'histoire est elle vouée à se répêter ?
Aprés avoir réglé ses propres maux , Rosa revient sur un passé qui l'a conduite à la haine de son père mais , contrainte , entreprend un long cheminement qui pourrait lui permettre de se reconstruire et d'enterrer les " pires démons de son enfance " .
C'est un roman qui touche " là où ça fait mal " , en " plein dans les tripes ". L'écriture , une traduction , certes , est d'une beauté extraordinaire au point que je m'en suis fait une lecture orale afin d' apprécier la puissance des mots , du rythme . Une grande voix féministe qui met en avant les blessures du passé pour mieux comprendre le présent et mesurer le poids du pardon .Vraiment un trés beau livre qui devrait parler à nombre d'entre nous et nous interpeller , perturber le plus profond de nos êtres .
Allez , bonsoir chers amis et amies et à trés bientôt pour un nouveau rendez - vous ....italien .
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Rosa a passé son enfance dans un quartier pauvre de Bari.
Elle a deux petits frères.
Son père très beau, peut aussi être très violent.
Sa mère, si belle elle aussi, est soumise, et le sera toujours.
Dès qu'elle le peut, Rosa échappe à cette ambiance lourde en épousant Marco et en partant à Rome.
Mais l''histoire se répète......
Quel beau livre qui prend aux tripes !
L'écriture allie la beauté à l'intelligence.
On est en plein dans la belle littérature italienne, réaliste et poignante.
Comment rompre ce satané fil de la transmission ?
Comment pardonner ?
Comment repartir ?
Je ne sais pas si c'est le cas, mais tout laisse à penser que cette histoire est autobiographique, ou du moins fortement imprégnée de l'atmosphère barisienne dans laquelle a vécu l'auteur.
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Moi aussi, j'ai fait un effort j'ai sorti une vieille robe à fleurs qui me sert un peu, je me suis coiffée et j'ai mis des chaussures neuves. Sans véritable raison, en réalité. Peut-être que les amours terminées méritent encore une belle tenue. En le regardant, je ressens le vertige du saut dans le vide, comme quand, enfant, on rêve qu'on tombe dans un précipice sans fin et qu'on cherche désespérément une prise à laquelle s'agripper. À la différence d'un jouet cassé, pas de réparation possible pour l'amour.
C'est la triste fin d'une histoire, à fil ténu qui se coupe...
Comment organise-t-on la vie d'un enfant après une séparation ? Les week-ends avec le père, les vacances d'été, les fêtes de fin d'année. Les racines mortes qui ont enveloppé les enfants laissent-elles des traces, elles aussi ? Celles que mon père a enroulées autour de moi sont coriaces, elles ont tout envahi et donné vie à d'autres arbres déjà stériles, arides et malades. C'est ainsi que je me sens, présentement : comme un arbre nu, désolé. Tu disais, papa, que je te ressemblais ? Les mêmes yeux, les mêmes pommettes saillantes et la même âme sombre, noire noire, tel un puits sans fond. Je ne l'avais avoué qu'à elle, à Marilyn, ″ Mon père frappe ma mère ″, comme si toute ma vie était condensée dans ce point originel. Quand je ferme les yeux, j'ai l'impression d'être encore piégée dans le trou étroit de mon enfance. Et j'entends des commérages, des parjures, des malédictions, des oraisons soumises. Des voix qui appartiennent à mon passé, à mon présent et à mon futur.
Temps.
Tous mes efforts pour me tourner vers l'avenir me projettent avec force dans le passé. Le temps est une spirale, un magicien tricheur, un fils de pute. Je parle au miroir, mais ce n'est pas moi qui prononce ces mots. C'est la peur.
Je halète. je ne sais plus si cette voix est la mienne ou si elle vient d'ailleurs, d'un monde souterrain qui tourne à l'envers. La peur glisse sous les dalles de pierre de la maison de mon enfance, remonte le log du mur . Où est mon point de départ ? À quel moment de mon passé ? Parce que, c'est certain, je ne commence pas à ma naissance. Bifurcations, déraillements, carrefours. Sans m'en rendre compte, je me suis perdue dans ma propre histoire.
Cela pouvait signifier que, pendant un temps, il serait de bonne humeur. Et donc que maman aussi, et tous les autres, en vertu de la loi qui reliait entre eux les état d'âme des membres de la famille. Mon père était le pivot autour duquel tournait le destin des Abbinante. Le jours tristes et les jours gris dépendaient de ses montagnes russes émotionnelles.
Personne n'avait envie de languir dans la chaleur étouffante de ces taudis. Le lieu des grands discours, de l'évocation des souvenirs, des soucis et des petites conquêtes, où l'on arrangeait même les mariages, était indiscutablement la rue. Ils étaient tous là, devant leurs maisons en chaux, repaires de miséreux et de moribonds, de mouches charognardes, de pourriture et de décadence. Ils profitaient du spectacle de la famille Abbinante qui déménageait de nouveau.
On pardonne tout aux vieux, pas vrai ? Eh non, papa, moi je ne te pardonne pas. Je refoule la culpabilité de ne pas avoir été proche de ma mère pendant toutes ces années, je la laisse se tapir dans ma gorge.
Je suis certaine que le jour viendra où j'expierai cette faute, avec toutes les autres. Surtout l'idée que ma fille a vécu ce qui m'a ravagée moi aussi, mon enfance inachevée, la violence reproduite. Comment sauve–t-on un enfant des racines pourries qui ont poussé tout autour de lui ?
- Je pars.
- De toute façon, tu t'es toujours foutue de tout, a commenté papa.
J'ai vu dans tes yeux maman, la bruine d'une larme retenue, bien cachée derrière ton sourire. Si tu savais comme je t'ai aimée à ce moment-là, maman. Si tu savais comme je me suis haïe.
Salvo était parti en virée avec ses amis, en quête de flirts adolescents, sur les bancs, face à la mer,pour vivre ses dernières années d'insouciance avant que l'âge adulte ne lui tombe dessus.
– Ne t’inquiète pas Rosa. S’il t’aime il ne se laissera pas impressionner par les discours de papa, m’as-tu dit.
T’en souviens-tu maman ? Moi, très bien, de même que de la douceur de ta main qui me caressait les cheveux d’un geste prudent et léger ; peut-être avais-tu peur que je te repousse. Tu parlais toujours avec une émotion qui te ramenait aux mêmes sujets : le mauvais caractère de papa, » Il est comme ça on y peut rien », le sort inéluctable du quartier, « C’est comme ça, on ne peut pas le changer « . Tu tressais les fils de notre destin dans un mouvement circulaire auquel on n’échappait jamais
"La liberté au pied des oliviers" est sorti début juin, un an après "Une famille comme il faut", le premier livre de l'autrice à être traduit en français (disponible au format poche chez Pocket).
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Laissez-vous envoûter par la belle Rosa Ventrella, qui nous parle de son livre dans sa langue natale ; en l'écoutant, on est déjà un peu en train de voyager...