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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il y a dans ce livre, non pas une lecture, mais plusieurs.

Il y a l'histoire d'une démarche personnelle artistique passionnante d'une jeune fille suffisamment audacieuse pour affronter seule une Chine des années 1983 à 1989. Une fille de 20 ans poursuit son rêve intense de l'approche picturale authentique loin de l'académisme et du « je m'en foutisme » qu'elle croise dans une école d'art française dont on se demande ce qu'y font ces « appelés » de l'art...

Il y a, décrit, tout l'accomplissement de cette approche en surmontant les conditions de vie pauvres et dures, le malaise général, la volonté de trouver ce qui convient exactement à sa recherche.
Il y a cet extraordinaire « Maître » en la personne de Huang, qui ouvre l'auteur non seulement à l'essence créatrice mais également à elle-même, condition indispensable pour entrer en peinture comme on entre en religion.
Des citations de paroles de ce maître sont époustouflantes de révélations, elles sont à lire, relire et à méditer.
L'homme y devient Homme dans le sens le plus noble du terme.

Il y a la description de ce « vide » nécessaire à la création, cette « réceptivité » de l'instant présent, cet abandon au laisser-aller, source d'ouvertures. Des mois de travail répétitif, rigoureux avant d'arriver à l'expression personnelle ont été nécessaires pour acquérir cette vérité, cette authenticité.

Il y a le portrait de la Chine de l'époque, des humiliations, des être anéantis, des artistes bafoués, de la misère, de la vie qui ne compte pas.
Il y a toute cette culture perdue et ces mots profondément révélateurs du « Maître » en ce qui concerne l'utilité de l'homme politique par rapport à l'artiste.
Il y a les voyages au Tibet, les rencontres d'ethnies, des expériences que Fabienne Verdier nous fait partager dans un style sobre, simple qui parle directement à notre coeur.
Il y a le retour à l'étroitesse européenne dont il faudra que l'auteur s'éloigne pour que puisse s'exprimer tout son art.

Il y a un livre que l'on repose en sachant qu'il a mis une pierre à l'édifice de notre propre vie.
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Fabienne Verdier est une artiste peintre française qui, dans sa jeunesse, partit étudier en Chine auprès des derniers grands peintres chinois ayant survécu à la Révolution culturelle de Mao. Elle resta dix années en Chine communiste, pour y apprendre l'essence de la calligraphie et de la peinture chinoise, la gravure des sceaux, les techniques du marouflage et des glacis, tout en s'imprégnant de la culture et des traditions. « Passagère du silence » est le récit de ce voyage initiatique dans les secrets de l'encre et du pinceau.

Au contraire de Zao Wou-Ki, Yoyoma ou François Cheng qui ont quitté l'Orient pour nourrir leur art des influences de l'Occident, Fabienne Verdier s'envole pour la Chine avec dans sa valise un exemplaire des « Propos sur la peinture du moine Citrouille Amère ». C'est à l'École des beaux-arts du Sichuan, la plus reculée du pays, qu'elle fera ses études. Il faudra de la patience, de l'abnégation et de l'audace à cette jeune européenne pour se faire accepter, se fondre dans la masse, faire oublier son statut d'invitée occidentale. Des mois durant, elle devra s'entraîner à tracer l'unique trait de pinceau sous la houlette de maître Huang, des années durant, elle devra se restreindre à la couleur noire dans ses infinis dégradés, pour interpréter dans le monochrome « les mille et une lumières de l'univers ». Suivre « mademoiselle Fa » dans sa quête, c'est aussi décrypter les différents langages de la peinture à travers le monde, comprendre les influences des uns sur les autres, le perpétuel brassage. Il y aura les escapades à Chengdu, au Tibet ou à Shanghai, les riches rencontres avec des maîtres qui ont tant à lui apprendre, la confrontation avec le folklore merveilleux de la Chine traditionnelle ou les arcanes bureaucratiques de la Chine communiste.

La quête de Fabienne Verdier ? « Saisir les phénomènes dans leur totalité mouvante et capter ainsi l'esprit de la vie. (…) Saisir la beauté en mouvement et atteindre ce que Sénèque appelait ‘la tranquillité de l'âme' ».
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Ce livre est une aventure inouïe !
Quand, jeune diplômée des beaux-arts Fabienne Verdier décide de partir en Chine dans les années 80 pour y étudier la calligraphie, il faut un culot et un courage incroyables : la vie matérielle est sordide, la révolution culturelle (la mal nommée) a détruit tout ce qui avait trait à la culture et aux arts traditionnels. Les maîtres survivants sont vieux, isolés, sans élèves, méprisés, misérables. Fabienne Verdier, sans parler chinois, réussira à en trouver un qui accepte de la prendre pour élève, et qui pendant 10 ans (!!!), dans des conditions très difficiles, réussira à lui transmettre ce savoir en train de s'évanouir. le miracle aura lieu et elle deviendra à son tour un maître de la calligraphie, reconnue comme un des leurs par les vieux maîtres.
Mais quelle abnégation pour parvenir à ce but suprême...seule, étrangère et perdue dans une grande ville du centre de la Chine ancrée dans l'idéologie maoïste des années 80 et totalement refermée sur elle-même, dans une école artistique régie par le Parti et qui doit lutter contre la méfiance des chinois, le système inquisitorial de l'administration, la misère, la promiscuité et la maladie...

Un parcours exceptionnel qui a forcé mon admiration et m'a laissée sans voix !
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Fabienne Verdier a 20 ans, elle est une brillante étudiante des Beaux-Arts de Toulouse, a profité de l'expérience de son père qu'elle a aidé dans les travaux de leur maison de campagne, naturellement elle est allée s'inscrire aux Beaux-Arts de Toulouse ou elle a été déçue, mais elle a commencé à se passionner pour la calligraphie et a fini par découvrir l'évidence : aller en Chine à la rencontre des grands maîtres .Et, c'est en 1983 qu'elle part avec une petite bourse d'études à l'école des Beaux-Arts du Sichuan !
Elle ne parle pas un mot de chinois, a besoin d'une interprète , elle a peu d'argent et les conditions de vie dans son école sont rudimentaires, sales et gérées par l'administration communiste ! Elle a donc du mal à s'intégrer auprès de ses camarades, de certains enseignants car elle est considérée comme une étrangère !
Elle constate que la révolution culturelle a balayé de tout enseignement les traditions ancestrales de ce pays. Elle va cependant, après 6 mois d'attente et d'efforts être acceptée par Maître Huang qui l'envoie dans un premier temps chez un maitre graveur : Cheng Ju pour apprendre la gravure sur pierre. Il va lui apprendre à manier le pinceau pour la calligraphie car la peinture chinoise est une peinture de l'esprit qui ne vise qu'à transmettre l'esprit des choses à partir des formes mais surtout à s'entrainer de nombreuses heures avec beaucoup de concentration et de subtilité pour réussir le coup de pinceau qui sera une oeuvre d'art en finesse, en légèreté et en transcendance : le but à atteindre n'est pas nécessairement le beau mais la sincérité, l'authenticité !
Avec ses camarades, elle va sillonner la Chine à la rencontre de sites merveilleux, d'endroits somptueux et déserts, fréquenter des Tibétains rebelles au pouvoir, des " Yi" et leur civilisation étrange ! Mais, elle est toujours attirée par les damnés de la Chine : ces artistes qui ont été obligés de renoncer à leur art, écrasés par la machine du Parti ! Elle veut reprendre l'art du pinceau, préparer ses encres, ses pigments, sa pierre de rêve, le marouflage , la sculpture des sceaux, les teintures sur soie et malgré ses problèmes de santé, la misère, la saleté et la pression du communisme, elle persiste dans l'apprentissage, la connaissance de ces arts millénaires !
Un roman d'aventures d'exception raconté par Fabienne Verdier, qui après 10 ans d'immersion en Chine a du retourner en urgence en France suite aux événements de la place Tianan men à Pékin.
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"Si on tente d'achever le tableau, disait le maître, il meurt.
On rajoute toujours un coup de pinceau de trop."
Que d'années pour arriver à cette maîtrise ! Un récit magnifique et tellement bien écrit, qu'il vous emporte du début à la fin.
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De retour de Colmar où j'ai vu sa magistrale exposition au musée Unterlinden (bien des toiles sont inspirées du retable d'Issenheim), j'ai lu la chronique chinoise de Fabienne Verdier. Dix ans en Chine, dont quatre au fond du Sichuan avec une très modeste bourse du gouvernement chinois, deux ans à Shanghai avec une bourse d'ethnologie financée par une fondation américaine, et enfin 4 ans à Pékin comme attachée à notre ambassade. L'essentiel — en termes de récit et de formation — se passe à Chongqing dans les années 80, peu de temps après le désastre humain, économique et civilisationnel de la Révolution Culturelle. Tout est pauvre, bouleversé, suspicieux, personne ne parle le mandarin mais seulement le dialecte local, les maîtres classiques ont été exécutés, exilés ou découragés. Il faut à « Mademoiselle Fa » un courage et une patience exceptionnels pour se faire accepter par les professeurs et les élèves qui ne pratiquent que le réalisme révolutionnaire, craignent de se compromettre (on l'empêche longtemps d'apprendre la langue locale), puis pour retrouver la trace d'un maître classique mais déconsidéré, et faire admettre au commissaire politique, à la hiérarchie universitaire et au Maître lui-même de lui apprendre la calligraphie et la peinture. Elle passe des mois à graver des sceaux, former des traits, écrire des poèmes et copier des paysages anciens, pour enfin peindre à quatre mains, alternant les touches avec celles du vieux Maître, et surtout obtenir sa confiance et son amitié.

On ne s'arrêtera pas à la forme du texte. « Mademoiselle Fa » exprime son admiration pour tout ce qui est spontané et traditionnel et son aversion pour le poids des contraintes administratives et politiques. Elle ouvre des guillemets pour faire dire au Maître de longues tirades pédagogiques opposant la Chine à l'Occident, comme si l'Occident était un et que son maître le connaissait. Certains y verront le besoin d'un père et celui de souffrir, mais peu importe, il s'agit d'une initiation autant que l'apprentissage d'une discipline technique, l'admiration est sincère, l'expérience longue et courageuse, et beaucoup de peintres ont souffert, de Buonarroti à Van Gogh. « Pour lui, la calligraphie était un organisme vivant. Il fallait débuter par un apprentissage intérieur, par l'attitude mentale et physique nécessaire pour donner vie au trait. J'ai mis quelques années à m'y entraîner ». « Il était difficile de le suivre ; il disait une chose et son contraire le lendemain. Son enseignement n'était jamais un discours, une démonstration, une théorie. Il procédait par touches, à la fois opposées et complémentaires pour que, peu à peu, je parvienne de moi-même à l'équilibre. J'avais l'impression qu'il m'apprenait à marcher sur une corde raide, comme un funambule ».

Et puis on y retrouve l'artiste contemporaine, son travail sur les fonds, son usage étonnant du pinceau (toujours vertical, qui peut dépasser 30 cm de diamètre) ; la recherche d'un geste rapide après une longue réflexion ; l'inspiration mystique ou tellurique ; et mieux encore, l'étonnement devant le travail achevé, pourtant longuement préparé : « Il m'a aussi appris à charger d'encre le pinceau car, dans son manteau de crin, se trouve une réserve intérieure qu'il faut apprendre à maîtriser à la verticale. Il s'agit de prendre conscience de la pesanteur et de la gravitation universelle, le pinceau devenant alors un véritable pendule, un lien entre l'univers et le centre de la terre ».
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Apprendre avec un maître chinois dans le fin fond de la campagne chinoise quand on est femme, française, urbaine et jeune, c'est s'exposer aux humiliations, aux rebuffades, mais c'est, surtout, endurer une longue patience, attendre, recommencer, regarder, écouter, disparaître pour mieux renaître. Magnifique expérience et belle écriture. Un dépaysement complet!
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Etudier la peinture en Chine, à Chongqing, dans les années 1980 auprès d'un maître de calligraphie héritier de la tradition et de la pensée chinoise d'avant la révolution culturelle - c'est ce que Fabienne Verdier a eu le courage et le mérite de faire. On découvre dans cette biographie beaucoup de la philosophie qui imprègne les arts chinois et donc une meilleures compréhension, une vraie initiation profondément vécue avec cet intense désir d'apprendre et de persévérer. Fabienne Verdier a plongé dans le coeur de nombreux artistes chinois et nous y révèle ce qu'elle y a trouvé.

Je me devais de lire ce récit, non seulement parce que j'aime tomber en contemplation devant des oeuvres d'art qui dégagent un sentiment particulier mais aussi parce que Chongqing est ma ville chinoise, celle où j'ai moi-même commencé mes aventures chinoises qui auront, elles aussi, duré 10 années. C'est fait. Et j'admire l'oeuvre. je me suis toujours un peu méfiée des occidentaux qui se lancent dans la calligraphie chinoise, mais Fabienne Verdier a parcouru le chemin de croix qui mène à la compréhension, à la libération de son art cet c'est magnifique.

Fabienne nous fait partir à la découverte non seulement d'artistes intègres, fidèles à leur art malgré leur martyre mais aussi d'artistes classiques et de certains procédés artisanaux chinois comme la soie du nuage parfumé ou les pierres de rêve qui me fascinent moi-même (je suis tombée un jour sur un petit musée qui en exposait une collection, je me suis rarement autant attardée dans un musée).

Je regrette cependant de ne pas avoir lu cette biographie alors que j'étais là-bas, pour mieux comprendre ce que je voyais - du coup, rétrospectivement, je suis assez certainement passée à côté de beaucoup de choses. Mais j'y ai retrouvé en partie la Chine que j'aime, qui demeure, malgré les transformations.

Ce texte est plein de respect, de compréhension. Il est rare de plonger aussi profondément dans une autre culture. A lire en recherchant oeuvres, auteurs, techniques artisanales pour illustrer le propos. Les oeuvres de Bada Shanren par exemple sont un must absolu.
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Il y a déjà de nombreuses critiques de ce livre donc juste quelques mots -

C'est un beau récit qui permet de mieux aborder les oeuvres d'art de Fabienne Verdier. Elle y partage son apprentissage en Chine, son pèlerinage intérieur dans la Chine des années 1980 alors en pleine métamorphose.
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Voilà quelques années que je suis Fabienne Verdier. J'ai eu la chance de voir dernièrement son travail exposé au musée Unterlinden de Colmar, en résonance avec le retable d'Issenheim, magnifique. Passagère du silence nous permet de revenir à ses débuts, de comprendre un peu mieux son parcours, sa recherche. Ses années d'études sont des années d'initiation auprès des derniers grands maîtres. J'ai découvert à quel point la culture chinoise est vaste et profonde. Les grands artistes pratiquaient plusieurs techniques, mêlant la poésie, la calligraphie, la maîtrise des sceaux, la peinture de paysage. Quelle catastrophe d'avoir saboté ce patrimoine millénaire, quelle perte une fois de plus au nom d'idéologies plus que discutables. L'artiste doit apprendre à maîtriser son geste, et pour cela, il doit s'astreindre à une discipline quotidienne, pendant de longues années. Puis il doit s'oublier, il doit marier son âme au monde, aux plus petites choses. Fabienne Verdier est passé par là, avec quelle ténacité, car les étrangers ne sont pas les bienvenus dans cette Chine sous contrôle. J'ai juste perçu un certain manque d'humilité qui contredit ce qu'elle nous dit apprendre. Mais elle a en elle une telle énergie et un tel talent ! Et elle était si jeune ! Cela donne envie d'aller voir les oeuvres dont elle parle, de creuser un peu cette immense culture dont on ne parle pas assez.
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