CHANSON A BOIRE III
Notre chanson à boire est triste.
Comme la vie. Comme la mort.
Que alors
quand rien n’arrive du grand nombre de rues
et que tout devient égal
de ce qui arrive.
Quand rien n’arrive
un an et deux ans et trois ans
doit-on répéter tous les jours et cent fois
une impuissante chanson à la vie :
que peut-il arriver de plus,
quoi de plus
que le châtaignier cuivré tous les automnes
que des hommes ordinaires dans des rues banales
dans des demeures banales avec murs et tables
que peut-il arriver de plus,
Quand tout est délicat et très précieux
comme transparente et odorante porcelaine :
car attend la froide terre espace de deux mètres
car attend le rien, attend la mort.
Les rues vides sont plus pleines de couleur que le rien
et tout ce qui arrive est plus
que le rien, que la mort.
Chantons une chanson de vin à la vie
qui est triste comme la mort.
/Traduit du Yiddish par Batia Baum
CHANSON A BOIRE II
Attendre.
Attendre que dans la première rue et la deuxième rue
fleurissent jaune et rouge les fenêtres des maisons.
Attendre.
Attendre que de tristes fenêtres
disparaissent derrière de lourds rideaux.
Combien de destinées se jouent à présent
derrière de jaunes carreaux de fenêtres.
Combien impuissantes et tristes
et à jamais perdues.
Dans toutes les demeures
derrière tous les carreaux de fenêtres éclairés
sont assis des gens devant tables et murs
et il n’arrive rien dans les demeures
et c’est tout ce qui peut se passer.
De lointaines rues du monde entier
sont maintenant revenues d’humaines destinées
dans la demeure où l’on habite.
Maintenant est venu le temps des chansons à boire
car rien ne peut plus venir des rues.
/Traduit du Yiddish par Batia Baum
CHANSON A BOIRE I
Maintenant le temps est venu
venu le temps des chansons à boire
car nous sommes tristes à mourir.
Que peut-on faire
quand nous enlace la tristesse
tel un corail aux mille bras
de ce côté et de l’autre côté
que peut-on faire...
quand on ne peut vivre sans les gens
et ne peux vivre avec eux !
On doit s’asseoir autour de tables,
les femmes s’habiller de souple velours
les hommes tendre des lèvres ardentes
et des mains caressant de tristes mains.
Et poser sur la table des verres de cristal :
des verres d’ambre frais, de rouges perles de corail –
et se plonger dans ce sirupeux breuvage,
breuvage de raisins et de baisers.
Et rien de plus
ne plus rien faire
car que peut-on faire de plus...
/Traduit du Yiddish par Batia Baum
Les tristesses sont un élément décoratif de la vie.
L’argent est un métal résigné
l’argent est tendre et secondaire
comme soirs gris perle fatigués.
L’argent est indifférent
et pour cela très triste
comme qui ne croit plus en rien.
Et est toujours éloigné de la vie.
Voilà pourquoi n’a pas compté sur l’argent
l’économie mondiale de mil neuf cent trente-trois.
[…]
/Traduit du Yiddish par Batia Baum